Bouddhisme et péchés

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jules
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Davi :Ce qui est appelé "connaissance", n'est sans doute pas le meilleur aspect de la connaissance. Si on traduit en langage bouddhiste, on pourrait y voir une connaissance discriminante dualiste, non ?
Oui, quelque part, la "connaissance" qu'Adam a gagné, c'est peut-être bien l'ignorance dénoncée par le Bouddha.
ted

davi a écrit :
15 décembre 2017, 20:12
Ce qui est appelé "connaissance", n'est sans doute pas le meilleur aspect de la connaissance. Si on traduit en langage bouddhiste, on pourrait y voir une connaissance discriminante dualiste, non ?
J'ai cru comprendre que ce que le bouddhisme appelait "ignorance" était l'ignorance du mécanisme de la coproduction conditionnée pratitya samutpada.
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ted

jules a écrit :
15 décembre 2017, 20:28
la "connaissance" qu'Adam a gagné, c'est peut-être bien l'ignorance dénoncée par le Bouddha.
Tu sais, c'est un peu ce que dit Longchenpa...

Dans cette traduction de Stephane Arguillere d'un enseignement Dzogchen, il semble que l'inintelligence surgisse de cet état adamique.

L'inintelligence c'est bien l'ignorance ?

Et Longchenpa se désole en précisant que la cause est, hélas, bien en nous.
“Hélas ! même s’il n’est point en moi [c’est-à-dire, dans la pureté primordiale] d’égarement, c’est de mon expressivité (rtsal) que l’égarement est issu [d’une manière spontanément établie].

Depuis l’inaltérable Fond, la nature étant infiniment venue au jour, à partir de la compassion [180] indéterminée, l’Intelligence s’est d’elle-même produite.

Il en va, par exemple, comme d’un ciel qui était parfaitement dénué de nuées, où soudain (glo-bur) se forment des nuages : de même, dans le Fond, qui ne comportait nulle [trace d’] inintelligence, l’inintelligence se produit à partir de la compassion qui vient au jour telle quelle.

[Alors] se forme ce qu’on appelle le mode d’être du Fond spontanément établi. Il constitue également une [certaine] grande manifestation indéterminée. On parle également du mode d’être de la précieuse cassette pourvue de l’octuple mode de venue au jour, dans la mesure où [c’est la source] illimitée (go ma ’gags-pa) des qualités sensibles.
http://www.forum-bouddhiste.com/viewtop ... 35&p=56158
ted

Et ce que dit Mohan Wijayarztna à propos de l'ignorance est recoupé parfaitement par les propos de Longchenpa :
« [319] L’apparence [du soleil] sous le couvert des nuages se ramène elle-même, en son principe, à [la puissance] expressive du soleil (nyi-ma’i rtsal), car c’est par [cette puissance] expressive du rayonnement solaire, se projetant (phog) sur le sol et l’océan, que se produit un échauffement, dont la vapeur [forme] les brumes qui, dans le ciel, se massent en bouillonnant. Ce sont elles qui, formant les nuées, ombrent le soleil.

De même, la [puissance] expressive de l’Intelligence étant passée (g.yos) dans l’épiphanie du Fond qu’elle ne reconnaît pas pour elle-même, [il advient] une appréhension [des divers moments de cette épiphanie] en tant que soi et non-soi.
[320] De ce fait, le divertissement (rol-pa) [de l’Intelligence] vient au jour sous la forme des apparences trompeuses (’khrul-snang) [que sont] l’esprit, [d’une part,] et ce qui se manifeste à son point de vue (sems kyi ngo na snang-ba), [d’autre part ; soit] le monde phénoménal, contenant et contenu. Le corps [propre], la parole et l’esprit occultent le Corps, la Parole et l’Esprit de l’Intelligence originellement sise dans l’Eveil , lesquels, de la sorte, deviennent inapparents ; d’où vient que l’on s’égare dans les six destinées. Ainsi a-t-on expliqué ce que l’on appelle « les perceptions de l’esprit égaré. »

Klong chen rab ’byams, Lung gi gter mdzod (auto-commentaire du Chos dbyings mdzod), la pagination est celle de l'édition d'Adzom Drugpa republiée par les Tibétains en exil.


http://www.forum-bouddhiste.com/viewtop ... 35&p=56158
ted

Du coup, je ne sais plus trop par rapport à ce que j'ai écrit :
ted a écrit :J'ai cru comprendre que ce que le bouddhisme appelait "ignorance" était l'ignorance du mécanisme de la coproduction conditionnée pratitya samutpada.
:D :D :D
:-( :-( :-(

C'est quoi l'ignorance finalement ? :oops:
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davi
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L'ignorance de la vraie nature des choses, non ?
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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jules
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Comme dirait Yudo : C'est chier un peu partout, puis s'étonner de marcher dans la merde.
ted

jules a écrit :
16 décembre 2017, 16:42
Comme dirait Yudo : C'est chier un peu partout, puis s'étonner de marcher dans la merde.
Vu la qualité des textes qu'il y a sur la première page, qu'ils viennent de Mohan Wijayaratna ou de Longchenpa, je m'attendais à des réponses plus élaborées... :oops:
:cool:
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Zopa2
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ted a écrit :
16 décembre 2017, 11:25
Du coup, je ne sais plus trop par rapport à ce que j'ai écrit :
ted a écrit :J'ai cru comprendre que ce que le bouddhisme appelait "ignorance" était l'ignorance du mécanisme de la coproduction conditionnée pratitya samutpada.
:D :D :D
:-( :-( :-(

C'est quoi l'ignorance finalement ? :oops:
Il me semble qu'il y a plusieurs formes de l'ignorance dans le bouddhisme :



L'ignorance de la véritable nature des choses (comme le dit Davi)
L'ignorance du fonctionnement des douze liens
L'ignorance de la causalité (les actes et leurs fruits)
L'ignorance des quatre nobles vérités (ou plutôt des 4 vérités des aryas)
Et peut être d'autres encore...

Mais en général, quand on parle d'ignorance dans le bouddhisme, y compris dans un des liens de la coproduction conditionnée, cela se réfère à la première forme :

L'ignorance de la véritable nature des choses.
(des choses, c'est-à-dire des existants ! Les termes " phénomène" et " existant" sont synonymes en logique bouddhiste) .

On pourra noter au passage qu'il existe un trait caractéristique distinguant cette forme d'ignorance des autres : à savoir que cette ignorance n'est pas seulement une simple absence de connaissance ; elle est plutôt une connaissance erronée.
Cette ignorance ne dit pas " je ne sais pas". Elle dit : " Je sais ! "


De plus, elle ne désigne pas un facteur mental qui agirait de manière passive, mais un facteur mental engendrant un processif actif de surimposition.

L'ignorance fondamentale, quelle soit innée ou acquise, est une surimposition active d'un certain statut ontologique qu'il faudrait définir, sur des entités qui en sont en réalité dépourvues.
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davi
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Zopa2 a écrit :On pourra noter au passage qu'il existe un trait caractéristique distinguant cette forme d'ignorance des autres : à savoir que cette ignorance n'est pas seulement une simple absence de connaissance ; elle est plutôt une connaissance erronée.
Cette ignorance ne dit pas " je ne sais pas". Elle dit : " Je sais ! "


De plus, elle ne désigne pas un facteur mental qui agirait de manière passive, mais un facteur mental engendrant un processif actif de surimposition.

L'ignorance fondamentale, quelle soit innée ou acquise, est une surimposition active d'un certain statut ontologique qu'il faudrait définir, sur des entités qui en sont en réalité dépourvues.
Pour simplifier il y a deux niveaux d'ignorance si je ne m'abuse. Un niveau apparaissant et un niveau conceptuel. Si les arhats ont surmonté ce dernier seuls les parfaits Bouddhas ont surmonté les deux, d'après le madhyamaka-prasangika. Ainsi, sortis de leur méditation sur la vacuité en un seul point, les arhats continuent de voir "des choses extérieures" même s'ils n'y croient plus et donc ne souffrent plus. Pour les Bouddhas aucune forme d'ignorance n'apparaît. Aussi nous pouvons nous entraîner (par la méditation mais aussi sorti de la méditation en n'oubliant pas celle-ci) à ne pas croire nos projections diurnes, en comprenant qu'elles ne sont pas existantes par elles-mêmes et seulement désignées par l'esprit. Il existe une phase où les choses apparaissent et une phase qui suit qui désigne ces choses (c'est ceci, c'est beau, ça fait mal, etc.). Ces deux phases existent dans la parabole des deux flèches ; une première flèche qui blesse, et une seconde qui fait souffrir. Si nous voulons ne plus souffrir nous pouvons nous arrêter à la première phase (issue du karma).
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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