Si vous n'y voyez pas d'inconvénient j'aimerais revenir au sujet de ce fil.
Lors d'un mondo j'ai posé la question suivante :
Est-ce qu'un monastère bouddhiste est une usine à fabriquer du moine à l'identique?
Le maitre a répondu qu'il suffisait que je regarde autour de moi pour voir qu'il n'y a pas deux moines qui ont un visage identique mais que tous les moines disent la même chose chacun à sa manière.
A l'arrière plan de ma question il y avait l'idée que réaliser sa nature de bouddha revient à réaliser sa nature propre ce qui implique que nous avons un dharmakaya différent... Ce qui est la position d' Antoni Dumé. En critiquant la position d'Antoni Dumé c'était ma propre position que je critiquais. D'où l’intérêt pour moi d'intervenir sur ce fil (et uniquement sur ce fil)
Ma conclusion c'est que notre singularité est inaliénable mais que la voie consiste à s'harmoniser avec le dharma et a minima, avec la tradition. La tradition, que j'ai peut-être trop tendance à réduire à Dogen, nous pousse quand même à lâcher au maximum ce qui nous est propre ("s'oublier soi-même") mais à partir de l'étude de ce que nous sommes ("s'étudier soi-même"). Dogen critique malgré tout l'idée qu'il faudrait rechercher "la vision omnisciente"
"V-06 (p173) Maitre Dôgen nous a expliqué :
Apprentis de l'Éveil , si vous n'appréhendez pas l’Éveil, c'est que vous croyez toujours en vos propres vues erronées. Vous êtes convaincus - sans même savoir qui l'a enseigné à l'origine - que l'esprit est "une activité cérébrale" ou une "vision omnisciente", et vous ne croyez pas que l'esprit est "l'herbe et les arbres". Si je vous dis "bouddha" vous penserez probablement à ses caractéristiques et à son éclat, et si j'explique qu'il est des gravats, vos oreilles seront surprises. (...) Cependant, si aujourd'hui encore l'on vous disait que l'esprit c'est l'herbe et les arbres et que les gravats sont bouddha parce que c'est désormais l'enseignement arrêté par les bouddhas patriarches et que vous changiez immédiatement vos convictions originelles, vous appréhenderiez vraiment l'Éveil authentique."
Maître Dôgen - Les enseignements du maître zen Dôgen [Shôbôgenzô zuimonki]
Pour éclairer les propos de Dogen j'avais retenu une citation d'une philosophe contemporaine qui dit
Cynthia Fleury dans le Telerama du 29 Août au 4 septembre 2015
"Le sujet individué met en place un regard sur le monde extérieur, déploie et assure un socle, une assise, qui lui permet d'entrer en relation avec ce qui l'entoure. L'aventure de l'irremplaçabilité, la voie de l'individuation ressemble sous maints aspects à celle de la dépersonnalisation. Il ne s'agit pas de devenir une personnalité, d'être dans la mise en scène de l'ego. L'enjeu est au contraire relationnel: il s'agit de se décentrer pour se lier aux autres, au monde, au sens."
Il y a une tradition philosophique autour de Gilbert Simondon qui dit qu'on s'individue en se trans-individuant.
J'en conclue que par la pratique du bouddhisme on s'individue autant qu'on se desindividue en se transindividuant, d'où l’intérêt du sangha et de la relation maître-disciple ainsi que la transmission des textes.
Dharmadhatu a écrit
le Bouddha fait des prophéties sur le futur Eveil de certains disciples.
Dans le sutra du Lotus, le bouddha dit comment s'appelleront les futurs bouddhas sur la base de caractéristiques qui leurs sont propres. Ils sont donc singuliers mais ont la même nature.