Ted a écrit :La réponse au Koan jaillit des profondeurs de la réalisation. [...] Pourrait-elle être émise par hasard ? (pour rebondir sur un autre fil). Je ne crois pas. Au niveau du dharmakaya, y a t'il encore une place pour le hasard ?
Là, il me semble que tu mélanges deux choses : la manière de répondre aux kôans et ce qui se passe au niveau du Dharmakaya. La manière de répondre aux kôans est liée à sa propre réalisation (à supposer qu'elle existe). Certaines réponses sont totalement spontanées, imprévisibles, et d'autres résultent d'un approfondissement. Le fait qu'une réponse soit spontanée ne veut pas dire qu'elle est bonne, ni qu'elle est mauvaise. Quand Yamanashi dit : "
je vis que le ciel et la terre ne formaient qu’un seul doigt, que toutes choses ne sont qu’un cheval." l'on ne peut pas dire que ce soit une bonne ou une mauvaise réponse. La seule chose qu'on puisse dire c'est qu'elle est pour le moins spontanée. Hakuin ne s'est du reste pas servi de la réponse spontanée de Yamanashi pour tester la compréhension de ce dernier, mais est revenu à une méthode plus traditionnelle, qu'il avait mise en place lui-même et qui demeure d'actualité dans les écoles rinzaï du Zen. Les réponses aux kôans secondaires (que soumet Hakuin à Yamanashi) sont celles qui vont valider la compréhension initiale de Yamanashi. Ces réponses secondaires résultent de la dimension sapientiale de l'expérience zen, la plus importante (l'autre, visionnaire, pouvant exprimer simplement un makyo).
Ce qui émane du Dharmakaya est spontané et juste par principe. Si l'on admet que la phrase — "
je vis que le ciel et la terre ne formaient qu’un seul doigt, que toutes choses ne sont qu’un cheval." — émane de la réalisation du Dharmakaya, elle est juste par principe, mais pour l'admettre, elle ne suffit pas, parce que la compréhension du kôan ne peut pas être laissée au seul hasard (en effet, n'importe quel poète surréaliste aurait pu dire spontanément ce qu'a dit Yamanashi). Il faut donc approfondir, ce qui signifie "faire émerger la pensée du vide". Cette pensée est censée expliquer ce que Yamanashi a exprimé initialement par la phrase "
je vis que le ciel et la terre ne formaient qu’un seul doigt, que toutes choses ne sont qu’un cheval."
Donc on voit bien qu'une bonne réponse au kôan n'est pas dite "au hasard", en ce sens qu'elle pourrait venir de n'importe quoi, et pas nécessairement d'une vraie réalisation, mais qu'elle n'en demeure pas moins spontanée et peut donc prendre la forme ou l'expression du hasard. Dans la cas du garçon qui reconnaît les affaires du lama défunt, sachant qu'il avait une chance sur 4060 de tomber juste, rien ne prouve qu'il est tombé juste parce qu'il était un tulku ; il aurait pu réussir comme certains gagnent au loto. Il faut passer d'autres épreuves pour éliminer le hasard dans la réponse. C'est la même chose avec les kôans : une réponse au hasard peut être juste, mais l'élève ne résisterait pas à l'épreuve des kôans secondaires s'il n'a pas eu une véritable réalisation.
Et ceci m'incite à rebondir sur ce qu'affirmait Yudo par ailleurs concernant certains manuscrits qui se transmettraient sous le manteau pour avoir les bonnes réponses aux kôans. Celui qui se servirait d'un tel manuscrit (à supposer qu'il existe mais pourquoi pas), ne résisterait pas aux kôans secondaires, lesquels sont sans limites et peuvent donc être inventés au cas par cas (exemple, le kôan secondaire de la nonne Esho, qui a tant troublé Yamanashi). On ne peut pas s'improviser maître zen en se contentant de donner des réponses justes aux kôans "de base".