L'état naturel

ted

jules a écrit :-Qu'est-ce que l'état naturel ?
-Vous êtes dans l'état naturel.
-De quelle sorte est cet état
-La question ne touche pas au but.
-Je ne comprends pas
-Ceci est l'état naturel
Quand même Jules, on a furieusement l'impression que tu dis que l'ignorance est notre état naturel. :D

L'ignorance, ne pas comprendre, ne pas savoir, n'est pas l'état naturel.

Je précise au cas où quelqu'un le comprendrait comme ça.
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Dharmadhatu
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:idea: Sauf peut-être si on rapproche ce que dit Jules de cette histoire qui rapporte comment Patrul Rinpotché a fait l'introduction à son disciple (Lungtok ?):

Ils étaient sur une colline et Patrul Rinpotché demande: Tu entends les chiens aboyer en bas dans la vallée ?
- Oui.
- Hé bien, c'est ça.


Si la personne qui parle à Jules entrevoit correctement ce qui ne comprend pas ou ce qui réalise qu'il y a incompréhension, alors ça joue.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Dumè Antoni

Je ne m'adresse à personne en particulier dans ce qui suit. En d'autres termes, ne prenez pas individuellement ce qui suit comme une remarque personnelle.

Il ne faut pas confondre la fonction du miroir et sa vacuité. Il ne faut pas confondre la réalisation de l'état naturel et les fonctions cognitives qui nous permettent de reconnaître certaines de ses qualités.

Reconnaître qu'un bol peut contenir différentes boissons ou mets ne consiste qu'à trouver les empreintes du buffle, car un bol est l'empreinte (ou l'image en négatif) de tout ce qu'il peut contenir. Mais en aucun cas, en observant ce qu'un bol peut contenir, on ne fait l'expérience de la chose qu'il ne contient pas. Car quand un bol contient du riz, on ne fait pas l'expérience du thé ou de la soupe ou de l'air... qu'il pourrait contenir à d'autres occasions.

En d'autres termes, l'état naturel n'est en aucun cas ce que vous en dites et n'est en aucun cas non plus ce que vous n'en dites pas.

En revanche, en dire n'importe quoi et y croire est égarement.
Robi

Oui, d'ailleurs le Soutra du Cœur ne dit-il pas: ni ignorance, ni connaissance?

Si on dit que "ne pas comprendre, ne pas savoir" (autrement dit l'ignorance) n'est pas l'état naturel, ça sous-entend que l'état naturel c'est connaitre ou savoir. Dès lors faut-il discerner connaître et savoir quoi?

(C'est là je pense où les mots trouvent toujours leur limite et qu'on parle dès lors de connaissance transcendante. Une sorte de connaissance qu'on ne peut communiquer, je dirais).
ted

Dharmadhatu a écrit : :idea: Sauf peut-être si on rapproche ce que dit Jules de cette histoire qui rapporte comment Patrul Rinpotché a fait l'introduction à son disciple (Lungtok ?):

Ils étaient sur une colline et Patrul Rinpotché demande: Tu entends les chiens aboyer en bas dans la vallée ?
- Oui.
- Hé bien, c'est ça.

Si la personne qui parle à Jules entrevoit correctement ce qui ne comprend pas ou ce qui réalise qu'il y a incompréhension, alors ça joue.
Dumè Antoni a écrit : En d'autres termes, l'état naturel n'est en aucun cas ce que vous en dites et n'est en aucun cas non plus ce que vous n'en dites pas.
Robi a écrit :Oui, d'ailleurs le Soutra du Cœur ne dit-il pas: ni ignorance, ni connaissance?

Si on dit que "ne pas comprendre, ne pas savoir" (autrement dit l'ignorance) n'est pas l'état naturel, ça sous-entend que l'état naturel c'est connaitre ou savoir. Dès lors faut-il discerner connaître et savoir quoi?
Pas besoin de trouver une vallée avec des chiens alors ? :)
Mais il faut trouver un Patrul Rinpoché ?
:)
Dumè Antoni

Ce que dit Patrul Rinpoche est – à peu de choses près – exactement ce que répondit Bankei au moine Nichiren qui tentait de le mettre en défaut. En effet, ce moine ne comprenait pas le Non-né. Alors Bankei le fit s'approcher et, quand le moine s'approcha, Bankei lui demanda de s'approcher davantage, ce qu'il fit. Alors Bankei dit : "Comme vous me comprenez bien !".

D.T Suzuki explique que le moine Nichiren (qui était un érudit et versé dans les débats) voulait réussir à réfuter Bankei, mais pour réussir, il fallait nécessairement qu'il réfute le fait qu'il avait entendu Bankei lui dire d'approcher, ce qui était impossible.

Evidemment le moine ne réussit pas à réfuter Bankei, mais le moine ne fit pas pour autant l'expérience du Non-né. Il fit simplement l'expérience de ce qu'il lui était impossible de réfuter le Non-né, car cela venait à réfuter sa propre existence.

Je rappelle que Bankei (qui fut un maître zen rinzaï réputé) disait que "le Non-né était ce qui nous venait de nos parents, mais qui n'est jamais né".

Parfois je demande aux pratiquants du Zendo de la Fontaine de trouver ce qui n'est jamais né mais nous vient de nos parents.
Dernière modification par Dumè Antoni le 31 août 2015, 10:59, modifié 1 fois.
Robi

ted a écrit :Mais il faut trouver un Patrul Rinpoché ? :)
(Excuse-moi de te répondre par une autre question)

Est-ce que tu as besoin d'un Patrul Rinpoché pour réaliser la beauté d'un coucher de soleil?
ted

Robi a écrit :
ted a écrit :Mais il faut trouver un Patrul Rinpoché ? :)
(Excuse-moi de te répondre par une autre question)

Est-ce que tu as besoin d'un Patrul Rinpoché pour réaliser la beauté d'un coucher de soleil?
Je t'entends bien Robi.
Mais une transmission, ça se transmet.
Ton premier coucher de soleil, c'est sans doute ton père qui te l'a montré.
Tu pouvais le voir bien sur, mais tu n'y prétais pas attention. Il a attiré ton attention sur la beauté de la chose.
:)
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Dharmadhatu
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Robi a écrit :(C'est là je pense où les mots trouvent toujours leur limite et qu'on parle dès lors de connaissance transcendante. Une sorte de connaissance qu'on ne peut communiquer, je dirais).
jap_8 Complètement d'accord avec toi.
Est-ce que tu as besoin d'un Patrul Rinpoché pour réaliser la beauté d'un coucher de soleil?
C'est là la limite des mots car on ne peut sonder la profondeur de cette anecdote que si on a goûté à ce que Patrul indique sans aucun cérémonial. Ce qu'a fait Patrul Rinpotché n'était pas de faire réaliser à son disciple la beauté d'un coucher de soleil (l'esprit samsarique y arrive très bien), mais de lui faire réaliser ce qui permet de réaliser cette beauté: ce qui a toujours été là sans qu'on fasse quoi que ce soit pour que ce soit là (un peu comme l'a souligné Jules). Par contre, il faut faire quelque chose pour réaliser la beauté du coucher de soleil: lever le nez, laisser tomber ce qui pourrait nous préoccuper intérieurement, être là bien présent au spectacle etc. Bref, comme quand on essaie de méditer de manière "engoncée". Et puis, des tas de gens, qui ont oublié le Petit Prince, (temporairement j'ose espérer), ne voient plus (ou ne prêtent plus attention à, comme dit Ted) la beauté des pissenlits en graines illuminés par le soleil du soir, ou celle de la lune qui se lève majestueusement au-dessus des montagnes.

Et pourtant, il suffirait qu'un Patrul Rinpotché ouvre la fenêtre pour que l'espace du grenier, qui a toujours été là (et qui permet que la fenêtre soit fermée et qu'elle puisse aussi s'ouvrir), soit soudain éblouissant de clarté. Seul un Patrul Rinpotché peut le faire au bon moment, pas en pleine nuit par exemple, ça ne sauterait pas autant aux yeux du disciple.

Une fois que la fenêtre est ouverte, il y a beaucoup plus que de la beauté dans un coucher de soleil; il y a vraiment beaucoup plus... ou beaucoup moins, ça dépend comment on voit les choses.

Les mots de cette anecdote sont limités en effet: il faut sentir la montée jusqu'en haut de la colline, puis le "laisser-aller" quand on se pose par terre de tout son long (pas que physiquement d'ailleurs), etc...

FleurDeLotus
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Robi

ted a écrit :
Robi a écrit :
ted a écrit :Mais il faut trouver un Patrul Rinpoché ? :)
(Excuse-moi de te répondre par une autre question)

Est-ce que tu as besoin d'un Patrul Rinpoché pour réaliser la beauté d'un coucher de soleil?
Je t'entends bien Robi.
Mais une transmission, ça se transmet.
Ton premier coucher de soleil, c'est sans doute ton père qui te l'a montré.
Tu pouvais le voir bien sur, mais tu n'y prétais pas attention. Il a attiré ton attention sur la beauté de la chose.
:)
Donc chaque fois que tu vois un coucher de soleil tu te dis: c'est beau parce que mon père m'a montré que c'est beau?
Verrouillé