Dharmakaya

shalistamba

Oui oui, il s'agit bien du Laṅkāvatāra Sūtra. Désolé j'ai été interrompu dans mon message.

Par ailleurs, je viens de tomber à la BU sur Au Sources du bouddhisme de Lilian Silburn

"Universel, spontané, béatifique, le corps d'Essence (dharmakâya) se révèle à travers la conscience de tous les êtres ; il subsiste éternellement, qu'il y ait ou non un bouddha (...) il demeure inconcevable, car la pureté de l'Ainsité doit être connue par intériorité et échappe aux logiciens."
Je passe sur le nirmanakaya
"A ces deux corps le Vijnanavadin Asanga ajoute un corps dit de jouissance (sambhogakaya)." Tandis que le corps d'essence toujours indifférencié n'est perceptible qu'aux seuls buddha, ce corps mystique revêt des formes variées qu'appréhendent par leur intuition les bodhisttva absorbés en samadhi"

"Tout grand éveillé déploie non seulement un corps, mais aussi un champ mystique(...) Il y prêche la doctrine (...) Il y a autant de champs qu'il y a de buddha."

Je m'arrête là.

De notre conversation je retiens surtout l'importance que tu accordes à Prajna:
L'éveil est donc la reconnaissance (par l'illumination de Prajna) du Dharmakaya par lui-même. Ce n'est pas la reconnaissance de la conscience par elle-même.
Dogen ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit:

"Tel est le principe de la Voie selon lequel, "si la personne dotée de la Sagesse entend (la loi), elle la comprend aussitôt avec foi" La sagesse ne s'apprend pas avec quelqu'un; on ne la produit pas non plus de soi-même. (...) "C'est la Sagesse que recherche la Sagesse".(...) "Même si la vérité (du coeur) existe, celle-ci ne s'attarde point aux confins du moi et du mien"

Autrement dit La Vue Juste se produit d'elle-même (avec l'aide d'un maître, ou en entendant la Loi), mais on ne saurait la considérer comme sienne. Elle n'appartient qu'à elle même. Comme dirait Saint Thomas d'Aquin : la sagesse infuse.

La seule chose qui me gêne dans le zen Soto, dans le Sangha, c'est le sentiment d'entre soi, parce que nous partageons tous les mêmes évidences. C'est la raison pour laquelle j'apprécie particulièrement de discuter avec d'autres personnes avec lesquelles je ne partage pas les mêmes évidences. Cela permet d'attirer mon attention sur des points que je ne verrais pas sans cela. Merci donc!
Dumè Antoni

Maître Deshimaru dit enfin : « De la conscience alaya, nous pouvons saisir la véritable, pure, suprême sagesse, ku. C’est la conscience amala, la sagesse transcendantale, de Dieu ou de Bouddha, la plus haute. » Ainsi, on pourrait dire qu’entre les pulsations de conscience-noyau apparaît notre véritable nature, la conscience amala.
Consternant, tout simplement.
Dumè Antoni

Bon, les amis, je crois qu'on tourne un peu en rond et qu'il devient difficile, pour un lecteur lambda, de s'y retrouver, d'autant que les notions d'Alaya ou de Dharmakaya sont, pour lui, tellement abstraites qu'il peut se décourager. Donc, pour ma part, je préfère me retirer de la discussion non sans rappeler que la lecture des sutras doit se faire avec une clé de lecture qui est la vue juste, ou, à défaut, avec un maître qualifié qui possède une telle clé. Ainsi, la conscience, qu'elle soit 7ème, 8ème, 9ème ou 13ème, n'est rien sans Prajna et Prajna, dans le Bouddhisme, ne naît pas spontanément de la conscience mais de la nature de Bouddha qui est non-né. Autrement dit, l'Eveil, c'est l'illumination de la conscience (de toutes les consciences) par Prajna. Tous les êtres possèdent ces consciences dès lors qu'ils sont dotés de cerveaux, mais ne sont pas éveillés pour autant. Pour s'éveiller, il faut que Prajna éclaire ces consciences. Si l'on croit à une conscience non-né ou océane, on ne fait pas du Bouddhisme mais du new age ou de l'éternalisme. Après, libre à chacun de choisir sa discipline. Moi, je choisis le Bouddhisme. Certains diront qu'on l'appelle Conscience ou nature de Bouddha ou Camion-Poubelle, après tout, c'est la réalisation qui compte. Sans doute. Mais quand on n'a pas cette réalisation, il est de très loin préférable d'éviter les ambiguïtés, car sinon, on finira par dédier des temples aux camions poubelles.
ted

Dumè Antoni a écrit :
François Lang, moine zen a écrit :Maître Deshimaru dit enfin : « De la conscience alaya, nous pouvons saisir la véritable, pure, suprême sagesse, ku. C’est la conscience amala, la sagesse transcendantale, de Dieu ou de Bouddha, la plus haute. » Ainsi, on pourrait dire qu’entre les pulsations de conscience-noyau apparaît notre véritable nature, la conscience amala.
Consternant, tout simplement.
Bon. Faut peut-être pas être aussi sévère... :)
Si, comme tu le penses, la conscience Amala est une tentative de réification du Dharmakaya, je comprends que ce genre de propos t'énerve.

Je dois reconnaître cependant une chose. Quand on débute et qu'on est assailli de pensées et d'agitation mentale, et quand on nous dit que l'éveil se trouve entre deux pensées, on peut y croire sans trop de peine, parce que l'objectif d'apaisement, le calme mental stable, est un objectif lointain, presque merveilleux.

Mais celui qui réussi à faire taire ses pensées, ne découvre qu'une vacuité d'altérité, une absence de pensées en fait. Ya pas du "transcendant" qui jaillit, ni un feu d'artifice d'éveil.
En revanche, ya du boulot ! :D

A partir de ce calme mental stable, et suivant la voie qu'on suit,
- soit on est à la toute première étape pour voir arriver le premier jhana (yen a 8 derrière !)
- soit on introduit doucement vipassana sans se faire éjecter de samatha ( c'est pas facile)
- soit on attend l'apparition de la conscience hishiryo (ou d'un makyo :mrgreen: )
- soit on va enfin pouvoir produire une visualisation correcte et précise (la roue du coeur, c'est pas de la rigolade !) :D
- soit il sera plus facile de se maintenir dans l'Etat Naturel de l'esprit.

Bref, à mon avis, faire taire les pensées, c'est vraiment le tout début des pratiques avancées. Et certainement pas l'éveil.
Et entre deux pensées, il y a toujours une autre pensée plus subtile. Toujours plus subtile.

Mais faut pas le dire, ça découragerait trop de monde.
shalistamba

Dumè Antoni a écrit :Consternant, tout simplement.
Quand je dis que nous ne partageons pas toujours les mêmes évidences... Autant je trouve que chez Dogen, ça coule de source, autant je trouve que chez Deshimaru, ça me demande un effort pour trouver que ça coule de source. Si nous ne nous arrêtions pas aux mots (comme ici le mot "conscience") nous serions tous d'accord.
Bref, à mon avis, faire taire les pensées, c'est vraiment le tout début des pratiques avancées.
Et certainement pas l'éveil.
Nous sommes d'accord
Et entre deux pensées, il y a toujours une autre pensée, plus subtile.

Là beaucoup moins
Une pensée qui n'est pas perçue n'est pas une pensée.

Ce qui apparait
entre les pulsations de conscience-noyau,
n'est pas "une conscience"

Comme on dit généralement dans ce cas « le couteau ne peut se couper lui-même »
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Dharmadhatu
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Dumè a écrit :Ceci n'est que pure spéculation pour forcer la nature de Bouddha à être une conscience.
:D Comme il y a peu de chance que le lecteur ait sous la main plusieurs dicos (bouddhiste, zen, tibétain, chinois etc.), c'est à nous de clarifier notre lexique. Alors sans doute faut-il s'entendre sur le terme de conscience, mais la nature de Bouddha est largement reconnue dans le monde bouddhiste comme étant une conscience. Parfois la nature de Bouddha est décrite comme étant la vacuité de l'esprit, et la plupart du temps comme étant l'esprit lui-même. Dans les Anuttarayoga Tantras et dans le Dzogchen/Mahamudra, il s'agit toujours de la même chose: tathagatagarbha est l'esprit inné de claire lumière (d'autres termes sont souvent employés et interchangeables, mais le référent est toujours une conscience, un type d'esprit).

Le Dharmakaya en tant que fruit, n'est que le plein épanouissement de cette conscience, et donc le Dharmakaya est aussi un type de conscience, à tel point de l'un de ses aspects principaux s'appelle clairement Jñanadharmakaya. Jñana (tib. ye shes), selon le contexte, peut être traduit par "sagesse primordiale" et une sagesse primordiale est un type de conscience. On trouve d'ailleurs la même racine sanskrite et tibétaine entre prajña (shes rab) et jñana (ye shes).

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ted

shalistamba a écrit :Une pensée qui n'est pas perçue n'est pas une pensée.
Appelons-la un attachement, si tu préfères... bon... je plaisante... :)

Et puis, shalistamba, tout dépend de "qui" perçoit. Il y a des pensées subtiles qui ne seront perçues que par des niveaux de conscience subtils, ou très subtils.

Donc, une pensée qui n'est pas perçue est simplement une pensée qui n'est pas perçue, et non une absence de pensées. La preuve, c'est qu'en approfondissant l'absorption, ces pensées finissent par se révéler.

De plus, une pensée n'est pas que discursive (une voix dans la tête). Elle peut prendre bien des formes. Jaillir du ventre etc...
shalistamba

Appelons-la un attachement, si tu préfères... bon... je plaisante... :)

Et puis, shalistamba, tout dépend de "qui" perçoit. Il y a des pensées subtiles qui ne seront perçues que par des niveaux de conscience subtils, ou très subtils.

Donc, une pensée qui n'est pas perçue est simplement une pensée qui n'est pas perçue, et non une absence de pensées. La preuve, c'est qu'en approfondissant l'absorption, ces pensées finissent par se révéler.

De plus, une pensée n'est pas que discursive (une voix dans la tête). Elle peut prendre bien des formes. Jaillir du ventre etc...
Justement, il serait un peu facile de dire que ces pensées subtiles entre deux pensées serait de l'ordre de l'inconscient (après tout, c'est plus ou moins ce que dit Deshimaru). J'ai parfois l'impression, en faisant zazen, d'une auto-analyse, avec une différence de taille, par rapport à la psychanalyse, c'est que ça ne passe pas forcément par le langage donc oui. La pensée "peut prendre bien des formes". De ce point de vue c'est encore mieux que la psychanalyse. Mais tant qu'on en reste là, on passe à côté de l'essentiel.

J'écoutais à l'instant Philippe Cornu là http://www.bouddhismes.net/Conference_2 ... 8_Soiree-2

Il dénonçait le new age... (Décidément c'est une manie chez les bouddhistes) comme étant une pensée horizontale ne laissant aucune place à la transcendance. "ce que je reproche au new age c'est l'horizontalité" il dit ça à 1h27 de la conférence. le new age "ce n'est pas une quête à nous rencontrer au plus profond et à rencontrer les autres au plus profond"

Pour moi, la pensée d'Emmanuel Levinas, comme celle de Dogen, coule de source: L'altérité est au cœur de la subjectivité. Pour Levinas, tout ce qui est dit provient d'un Dire qui est Bonté... Il est clair qu'il ne parle pas de l'inconscient. L'inconscient ce sont les pulsions qui veulent persévérer. Pour Levinas ce n'est pas Dieu (dont il dit qu'Il est mort à Auschwitz). Je ne suis pas le seul à rapprocher la pensée de Dogen de celle de Levinas “The Messiah and the Bodhisattva: Anti-Utopianism Re-Revisited” (Shofar, 2012), and “Levinas in Japan: The Ethics of Alterity and the Philosophy of No-Self” (Continental Philosophy Review, 2010).

A la question qui? qui perçoit? Qui parle? Bodhidharma répond "je ne sais pas"

Entre deux pensées qui parle? Wikipédia?

pourquoi pas

"Puisque, par essence, Tu ne sais pas, en Toi, point de naissance, point d'allée ni de venue. Hommage à Toi, Seigneur, à Toi le Sans-nature-propre !"Nāgārjuna
"Selon la belle formule de Candrakîrti :« La Réalité absolue est le silence des mystiques. Dès lors comment pourrait-on en discourir avec eux? »

Pour Dogen il n'est pas question de ne pas penser mais de penser à partir de la non-pensée. Il s'agit bien de penser. La non-pensée c'est l'angle mort de toute pensée. C'est de l'ordre de l'altérité radicale.

On peut dire que c'est une conscience particulière... ok, moi ça ne me dérange pas... C'est moins pire que dire que c'est l'inconscient. Ce n'est pas Dieu non plus. Si Deshimaru savait ce que l'on met derrière ce mot, il ne l'utiliserait pas.
Dumè Antoni

Juste en passant (parce que ça me démangeait :lol: )
Shalistamba a écrit :A la question qui? qui perçoit? Qui parle? Bodhidharma répond "je ne sais pas"
Ceci ne signifie pas que Bodhidharma ignorait qui est ce "qui". Du reste, ce "qui" est celui du kôan d'ouverture (de l'oeil de l'esprit) : "qui récite le nom de Bouddha ?". En d'autres termes, ce "qui" est le Mu de Joshu ou encore le son d'une seule main d'Hakuin. Dire "je ne sais pas", cela démontre précisément qu'il ne s'agit pas d'un phénomène, auquel cas il aurait pu répondre (peut-être) : Dieu, Allah, Vishnou... ou encore Rien-Du-Tout, ou encore "Vacuité"... ou Mickey Mouse. Il faut donc faire très très attention quand on saisit une expression de ce genre "je ne sais pas" dans un mode dualiste, c'est à dire "le couteau ne peut pas se couper" ou encore "l'oeil ne peut pas se voir". Bdhidharma a réalisé "qui" perçoit, parle, récite le nom de Bouddha... mais ce qu'il a réalisé transcende les notion de savoir ou ne pas savoir, d'être ou de non-être. Le retournement de l'esprit sur lui-même, qui est la réalisation, est tel que l'oeil se voit et le couteau se coupe, ou encore (parce que c'est bien de ça qu'il s'agit), c'est le Dharmakaya qui se réalise lui-même.
Serge Zaludkowski

Dumè Antoni a écrit :Juste en passant (parce que ça me démangeait :lol: )
Shalistamba a écrit :A la question qui? qui perçoit? Qui parle? Bodhidharma répond "je ne sais pas"
Ceci ne signifie pas que Bodhidharma ignorait qui est ce "qui". Du reste, ce "qui" est celui du kôan d'ouverture (de l'oeil de l'esprit) : "qui récite le nom de Bouddha ?". En d'autres termes, ce "qui" est le Mu de Joshu ou encore le son d'une seule main d'Hakuin. Dire "je ne sais pas", cela démontre précisément qu'il ne s'agit pas d'un phénomène, auquel cas il aurait pu répondre (peut-être) : Dieu, Allah, Vishnou... ou encore Rien-Du-Tout, ou encore "Vacuité"... ou Mickey Mouse. Il faut donc faire très très attention quand on saisit une expression de ce genre "je ne sais pas" dans un mode dualiste, c'est à dire "le couteau ne peut pas se couper" ou encore "l'oeil ne peut pas se voir". Bdhidharma a réalisé "qui" perçoit, parle, récite le nom de Bouddha... mais ce qu'il a réalisé transcende les notion de savoir ou ne pas savoir, d'être ou de non-être. Le retournement de l'esprit sur lui-même, qui est la réalisation, est tel que l'oeil se voit et le couteau se coupe, ou encore (parce que c'est bien de ça qu'il s'agit), c'est le Dharmakaya qui se réalise lui-même.
En étant absolument ignorant des mécanismes et compréhensions propres aux koans .... "je" ne sait évidement pas.

Pardonner mon ignorance ...
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