Ces choses incompréhensibles

ted

Dumè Antoni a écrit :
Ted a écrit :Sommes-nous suffisamment sages et humbles pour admettre qu'il y aura toujours des choses incompréhensibles pour nous, quelle que soit notre intelligence ou notre expérience ? :shock: " ? :oops:
La manière dont tu poses les choses ne me paraît pas correcte d'un point de vue bouddhique. Le Bouddha n'a jamais dit qu'il y a des choses incompréhensibles mais inconcevables. Par exemple "inconcevable est le commencement de l'errance dans le samsara".
Je persiste à penser qu'elles sont incompréhensibles pour nous. Parce que si elles peuvent être appréhendées hors concepts, "cela" qui appréhende hors concept n'est pas "nous". A mon avis, il est utopique de croire qu'un jour "nous" saurons tout car "nous" serons des Bouddhas.

Nous réveillons le Bouddha qui est en "nous". Mais c'est plutôt "nous" qui sommes dans le Bouddha. Notre vraie nature n'est pas ce "nous" illusoire et ordinaire pour qui des choses resteront à jamais incompréhensibles. Car, nous, "nous" n'avons pas et "nous" n'aurons jamais accès à l'inconcevable. Nous sommes juste les porte-parole d'un parfum lointain dans lequel nous baignons. Et ce parfum n'est ni ceci, ni cela, ni ici, ni là.

Voilà pourquoi ce n'est pas en accumulant du savoir et des expériences que nous obtiendrons l'éveil.
Voila pourquoi l'éveil est déjà là.
L'égo peut toujours rêver d'un délire d'Omniscience, mais il ne verra jamais cette terre promise.
"Nous" étant lui même un concept, ne peut accéder au domaine du hors-concept.

non ? :)
ted

Ce que je viens d'écrire me semble furieusement théiste... :roll: :oops: Tu as sans doute raison Dumé, c'est peut être pas très bouddhiste comme approche. :oops:
Dumè Antoni

Ted a écrit :Ce que je viens d'écrire me semble furieusement théiste... :roll: :oops:
C'est bien mon avis aussi. :D

Cela étant, je comprends qu'on puisse se sentir très loin de l'esprit de Bouddha, car nous baignons dans l'ignorance de notre vraie nature. Mais quand je dis "très loin", ce n'est pas une question de distance ni de temps. Il y a un hiatus entre l'ignorance et l'éveil ; une "solution de continuité", comme on dit dans le langage littéraire. C'est ce hiatus qu'il nous faut franchir, dépasser. Nous en sommes tous capables puisque c'est là notre vraie nature (nature de Bouddha). Il faut juste avoir confiance, avoir la foi. Nous ne voulons pas être des dieux. En tout cas, pas moi :lol:
Voila pourquoi l'éveil est déjà là.
Non, ça c'est faux. Nous nous mettons une tête sur une tête, mais sans retirer cette tête surnuméraire – ce qui ne peut être fait que par "l'épée de Prajna" –, l'éveil n'est pas là. Nous baignons dans l'ignorance. Nous devons actualiser Prajna et ça ne se fait pas en un tournemain. Il faut pratiquer.
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Flocon
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Même impression. Il y a une de tes phrases qui ressemble à une formule des Pirkei Avot (Maximes des Pères, un des premiers textes que l'on étudie dans le judaïsme) :
ted a écrit :Mais c'est plutôt "nous" qui sommes dans le Bouddha.
La formule juive est "Dieu est le Lieu du monde, mais le monde n'est pas son lieu". Autrement dit, nous sommes "en" Dieu, qui nous dépasse incommensurablement. Dire que "nous" sommes dans le Bouddha me paraît relever d'un imaginaire théiste où tu remplaces "Dieu" par "Bouddha".

Note qu'on en est tous là : le théisme nous imprègne tous jusqu'à l'os, même les athées qui ne font jamais que prendre une position intellectuelle à l'égard de Dieu en le niant. :oops:


Je suis d'accord avec Dumè pour penser qu'il faut dépasser le vieux rêve humain de devenir dieu/omnipotent : c'est un peu un fantasme d'enfant de toute façon. Accepter l'éthique, c'est-à-dire briser notre volonté puérile d'omnipotence en cultivant l'acte juste, me paraît être un bon début. Ensuite, il faut trouver le moyen d'aller plus loin, c'est plus difficile.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
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michel_paix
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Si on envisage que Dieu existe, alors si Dieu était omnipotent, il libererait Satan de sa cage, mais en vrai Dieu peut rien pour satan, sinon de sont amour infini, il le libererait de l'impossible !! Bref meme Dieu, si on envisage qui existe, n'est pas lui meme omnipotent !! Quand j'ai compris cela, j'ai compris pourquoi Jesus dit: il vous faut les oreilles pour entendre, changer votre coeur !!

Je crois que l'omnipotence est soit un trip de gamin (je veux etre) ou une paresse d'adulte (Dieu m'a deja sauver, sa prend la foi) !!

J'aime bien le conte (histoire) dans le canon quand une dame va vers le Buddha pour qui sauve sont enfant de la mort et que le Buddha dit;
: ok, mais seulement si tu trouve une seul maison où il n'y a eu aucun mort !! Bref ce texte exprime simplement qu'un Buddha n'est pas omnipotent !! L'omnipotence c'est une creation linguistique absurde, on devrait retirer ce mot du dictionnaire !!!

Amicalement <<metta>>
:)
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Dharmadhatu
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:oops: Si l'omnipotence existait, la ou les personnes qui la posséderai(en)t manquerai(en)t cruellement de compassion puisque la souffrance existe toujours.

Le Bouddha a dit lui-même qu'il ne nous lavait pas de ses mains ou qu'il ne pouvait nous transmettre sa réalisation; la seule chose qu'il puisse faire, ce qui est déjà un immense bienfait, est de nous enseigner la voie à suivre, et c'est à nous de la parcourir.

On dit que le Bouddha a des pouvoirs infinis (représentés par Vajrapani dans le Mahayana), mais ces pouvoirs ne peuvent pas faire en sorte que la loi karmique puisse être renversée.

Je me demande s'il y a bien une corrélation entre omniscience et omnipotence; quelle serait cette corrélation, Ted ?

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ted

Dharmadhatu a écrit : Je me demande s'il y a bien une corrélation entre omniscience et omnipotence; quelle serait cette corrélation, Ted ?
Baaaah ! Dans omniscience, ya "science". Et une science est aussi un savoir-faire. Pas seulement un savoir-observer.

D'ailleurs, dans les pays d'Asie, il me semble qu'ils sont beaucoup moins frileux que les occidentaux à ce sujet. La-bas, et certainement aussi les communautés expatriées ici, on prie clairement les Bouddhas pour obtenir toutes sortes de faveurs, de grâces, de bénédictions. Les Bouddhas n'y sont pas des observateurs passifs, menottés par les lois de l'univers. Ce bouddhisme là est quand même l'essentiel de la communauté bouddhiste mondiale. Faudrait pas l'oublier. :oops:
ted

Boubou a écrit :Bonsoir,
Pour moi comprendre est une façon de rassurer notre image d'être "une entité autonome et indépendante". C'est conserver le plus longtemps l'impression de gouverner et de détenir un gouvernail utopique. Tout cela est sûrement mû par la peur, cette peur viscérale qui sait, qu'en fait, l'essentiel nous échappe tant que nous le voulons. Et il nous est très difficile de nous-mêmes nous empêcher de le vouloir. Donc l'accumulation de savoir, connaissance et compréhension agit comme un calmant jusqu'au moment où l'insatisfaction intérieure prouve que l'accumulation intellectuelle ne peut rien changer intrinsèquement.
Mais je suis persuadé qu'il y a des savoirs non-intellectuels. Et qu'on peut les accumuler aussi. Jusqu'à quel point ?
ted

jules a écrit :
Ted : Mais acceptons-nous cette défaite de la raison ?
J'ai même l'impression que cette défaite peut être libératrice si on suit le conseil de Tchouang tseu :

"Celui qui sait s'arrêter là où tout homme ne peut connaître, ne sera jamais mis en échec par le ciel."

J'aurais même envie de parler de "La Grande Défaite" (avec des majuscules) pour signifier l'importance de cet abandon de la connaissance ultime. Ainsi en définitive, on ne saurait ni ce qu'est la mort ni ce qu'est la vie mais nous apprendrions à les pratiquer selon ce que nous enseignerait l'expérience. On parlerait alors de réaliser notre vraie nature par la pratique spontanée de cette dernière. :?:

FleurDeLotus
Est-ce dans la nature de l'homme d'abandonner la quête de la connaissance ?
N'est ce pas cette quête qui a poussé le Bouddha vers l'éveil ? Parce qu'au départ, il ne voulait pas seulement mettre fin à la souffrance, mais aussi à la maladie, à la vieillesse et à la mort. Ca, je trouve qu'on l'oublie un peu vite.
Dumè Antoni

Ted a écrit :Dans omniscience, ya "science". Et une science est aussi un savoir-faire. Pas seulement un savoir-observer.
Ça n'a rien n'à voir avec l'Omniscience du Bouddha, laquelle n'a rien à voir avec la science, voire la technologie, au sens où on l'entend aujourd'hui habituellement : c'est à dire sciences physiques, mathématiques, ingénierie... L'Omniscience au sens bouddhique dérive directement de la réalisation de la Vacuité du Dharmakaya ; c'est une Sagesse. C'est la même chose que la Compassion Infinie. Il ne peut pas y avoir de Compassion Infinie sans Omniscience.

La puissance n'a rien à voir avec la science. C'est une grandeur physique qui mesure le rapport d'un travail au temps. On dit que Dieu a créé le monde (c'est son travail) en 7 jours (c'est le temps qu'il a mis pour le faire). C'est une preuve de sa puissance, et aussi de sa productivité (car la productivité est homogène à la puissance : P (Puissance ou Productivité) = W/t). Ça n'a strictement rien à voir avec le Bouddhisme, d'autant que si tu considères un temps "immobile", c'est à dire qui ne s'écoule pas, le temps devient donc "infini" et la puissance tend donc vers le zéro absolu. Voilà une explication rationnelle de la raison pour laquelle le Bouddha n'est pas omnipotent. Pour autant, l'esprit de Bouddha n'est ni immortel, ni éternel. Il est "Non-né" (c'est à dire non soumis au temps qui est une dimension du Samsara). En revanche le Bouddha fournit un travail qui est le Dharma. Le rapport du Dharma au non-né n'est pas exactement homogène à une puissance, même si l'on se doute bien qu'il faut une certaine énergie pour effectuer ce travail. Cette énergie est celle du Sangha (qui est homogène au "Bouddha dans le monde"). Il ne faut pas confondre énergie et puissance, d'autant que le travail de transmettre le Dharma est "sans fin".
D'ailleurs, dans les pays d'Asie, il me semble qu'ils sont beaucoup moins frileux que les occidentaux à ce sujet. La-bas, et certainement aussi les communautés expatriées ici, on prie clairement les Bouddhas pour obtenir toutes sortes de faveurs, de grâces, de bénédictions. Les Bouddhas n'y sont pas des observateurs passifs, menottés par les lois de l'univers. Ce bouddhisme là est quand même l'essentiel de la communauté bouddhiste mondiale. Faudrait pas l'oublier. :oops:
Il ne s'agit là que de syncrétisme dont les Asiatiques sont des adeptes chevronnés. Le Bouddha y est assimilé à une sorte de Dieu omnipotent, susceptible de donner du bonheur, de la joie, des richesses, la santé... Ça n'a rien à voir avec le Bouddhisme.
Est-ce dans la nature de l'homme d'abandonner la quête de la connaissance ?
Non, c'est dans la nature des imbéciles et des fainéants.
Parce qu'au départ, il ne voulait pas seulement mettre fin à la souffrance, mais aussi à la maladie, à la vieillesse et à la mort. Ca, je trouve qu'on l'oublie un peu vite.
Où as-tu lu que le Bouddha voulait mettre fin à la maladie, à la vieillesse et à la mort ? Ne disait-il pas : "la maladie est souffrance, la vieillesse est souffrance, la mort est souffrance" ? Ce n'est pas la même chose ! Et par ailleurs, le Non-né (Nirvana), n'étant pas soumis au temps, est la fin de la maladie, de la vieillesse et de la mort, c'est à dire de la souffrance. Tu l'aurais pas oublié un peu vite ? :mrgreen:
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