Une fois pour toutes : c'est quoi la différence ?

ted

Un lien précieux, issu des fameuses archives du Dr Berzin.
Ce lien fait le point sur les différents niveaux de compréhension de l'absence de soi dans les écoles tibétaines. Puisque le bouddhisme ancien ne plonge pas dans toutes ces subtilités. :)

http://studybuddhism.com/web/fr/archive ... sion_.html

A noter qu'il est précisé que si le phénomène imputé est illusoire, sa base d'imputation l'est tout autant.
http://studybuddhism.com/web/fr/archives a écrit : Selon le Prasanguika, cependant, quoique tous les phénomènes paraissent avoir des traits caractéristiques trouvables de leur propre côté qui établissent leur existence en tant que « ceci » ou « cela » en conjugaison avec l’étiquette mentale de « ceci » ou de « cela » qui leur est apposée, ils sont comme une illusion. S’il y avait de telles caractéristiques trouvables, elles pourraient conduire à l’attachement et à la saisie envers elles. Nous pourrions encore blâmer les objets extérieurs ou le « moi » pour nos problèmes, nous pourrions penser, par exemple, qu’il doit y avoir quelque chose qui, de façon inhérente, va de travers chez moi, faisant de moi un problème. Cependant, la vraie cause de nos problèmes est la production, par l’esprit, des apparences trompeuses de modes impossibles d’existence, et l’inconnaissance et la saisie qui en découlent.

Parce que les apparences trompeuses d’impossibles modes d’existence sont produites par l’esprit, il faut que l’esprit cesse de les projeter. Si l’existence des objets en tant que « ceci » ou « cela » était établie par quelque chose du côté des objets – même en conjugaison avec l’imputation mentale – ceci pourrait détourner le centre de notre attention de la confusion de l’esprit en tant que source de nos problèmes, et le faire glisser vers une analyse exclusivement extérieure afin de trouver les traits caractéristiques inhérents aux objets qui font des objets ce qu’ils sont pour que nous puissions les étiqueter mentalement correctement. Par conséquent, nous avons besoin de comprendre l’existence qui est établie par le seul étiquetage mental.

L’existence de tout phénomène, d’après le système prasanguika, est établie purement et simplement par le fait qu’il peut être validement imputé à (étiqueté sur) un support d’imputation. Ce à quoi l’étiquette se rapporte ne peut pas être trouvé du côté du support d’imputation. Même les traits caractéristiques définissants de ce à quoi l’étiquette se rapporte, ne peuvent être trouvés. Ce qui établit que l’imputation des phénomènes est une imputation valide – par conséquent, ce qui établit que le phénomène auquel l’étiquette se rapporte est un phénomène existant qui est validement connaissable – est purement et simplement constitué de critères provenant du côté de l’esprit.

http://studybuddhism.com/web/fr/archive ... sion_.html
  • Zopa2 a écrit :De quelle manière existe la base d'imputation sur laquelle l'ignorance surimpose un soi qui existerait de manière inhérente ? ( non pas, de quelle manière existe ce soi qui est surimposé, existe-t-il ? N'existe-t-il pas ? Mais plutôt, de quelle manière existe sa base d'imputation ? )
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davi
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Zopa2 a écrit :Je me permets de remettre ici une définition d'une base d'imputation.

On peut aussi rappeler, que lorsqu'on utilise cette expression, cela sous entend une distinction entre plusieurs facteurs :

1) la base d'imputation (également appelée base de désignation)
2) l'esprit qui impute ( l'agent qui impute et désigne)
3) l'action d'imputer elle même (lorsque l' ignorance saisit un soi qui existerait de manier inhérente).
4) l'objet qui est imputé sur la base d'imputation (ou ce que l'on impute, en l' occurrence, l'existence inhérente)
Je pense que ton 4) gagnerait à être précisé. L'objet qui est imputé sur la base d'imputation est l'existence conventionnelle de l'objet. Ensuite, là-dessus, à cause de la saisie du soi, son existence inhérente est conçue.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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Zopa2
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jules a écrit :
Zopa : Il y a en revanche un point qui serait intéressant à aborder, à mon avis, dans toute réflexion sur la vacuité c'est :
De quelle manière existe la base d'imputation sur laquelle l'ignorance surimpose un soi qui existerait de manière inhérente ? ( non pas, de quelle manière existe ce soi qui est surimposé, existe-t-il ? N'existe-t-il pas ? Mais plutôt, de quelle manière existe sa base d'imputation ? )
Il me semble qu’à proprement parler, ce serait une erreur de dire qu’il existe une base d’imputation sur laquelle l’ignorance surimposerait le soi, car en réalité, il m’apparaît plutôt que cette base d’imputation est déterminée concomitamment à la saisie du soi.

En effet, exprimer la chose tel que tu le fait revient il me semble à essayer de trouver cette base d’imputation indépendamment du soi ; ce serait ainsi considérer l’existence du soi intrinsèque du phénomène propre à la base d’imputation. Or le soi des phénomènes est aussi réfuté dans le bouddhisme.


Donc pour répondre directement à la question que tu soulèves, la base d'imputation existerait en dépendance de l'illusion du soi, et il ne serait pas possible de trouver une base d'imputation autre que celle relative à cette illusion.
J’espère avoir bien compris ta question.


Merci pour ta réponse Jules. En fait, c'est moi qui ne suis certain d'avoir bien compris ta réponse.


Tu sembles dire dans un premier temps qu'il n'existe pas de base d'imputation sur laquelle l'ignorance surimposerait un soi et dire ensuite que cette base d'imputation existe en dépendance de l'illusion du soi. C'est bien cela ? Y-a t-il d'après toi un phénomène qui constitue la base de désignation ? Par exemple ton visage ou une sensation de bonheur, sur laquelle tu surimposerais un soi inhérent ? Ce visage existe-t-il en tant que base de désignation ? Si oui, de quelle manière existe-t-il ? Si non, n'y a t-il donc rien ? Un pur néant ?



Si l'on dit (comme Ted) que le phénomène imputé sur la base de désignation est illusoire (ce que j'admets) et que sa base d'imputation l'est tout autant (ce sur quoi je me questionne), hé bien, peut-on alors préciser ce que l'on entend par "illusion" ?


Comment comprenez- vous ce terme ?


Une illusion est-elle une perception qui apparaît mais qui est cependant erronée dans la mesure où elle ne correspond pas à la réalité ?
Ou bien par exemple,
S'agit-il d'une simple apparence de quelque chose, mais qui n'utiliserait aucun matériau du réel pour se former ?
Ou une autre définition peut être ?


Si l'on dit que cette illusion est une apparence (quelque chose apparaissant bien à l'esprit) d'une chose qui n'existe pas du tout en réalité, est ce que cela veut dire qu'il n'y a rien au-delà de cette apparence ? Un pur néant ?
Ou bien, y a -t-il quelque chose qui existe au-delà de l'apparence, au-delà de l'illusion ? Si oui, qu'est-ce que c'est ?
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davi
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Concernant l'illusion, c'est très bien expliqué dans l'article mis en référence par Ted.
Les choses existent comme une illusion
L’essence de l’analogie que les choses sont comme une illusion, est qu’une illusion paraît réelle mais qu’en fait, elle n’existe pas de la manière dont elle paraît exister. Par exemple : une corde à rayures peut être le support de l’illusion que la corde existe comme serpent. La corde paraît exister comme serpent mais, en fait, elle n’existe pas de cette façon. Néanmoins, le support de l’illusion, c’est-à-dire : la corde à l’apparence trompeuse de serpent, fonctionne : elle nous effraie. On ne peut pas dire que c’est ce que l’illusion paraît être, c’est-à-dire : on ne peut pas dire que c’est le serpent qui nous effraie, car en réalité le serpent n’existe pas – quoique l’apparence de ce qui ressemble à un serpent ait lieu et, donc, existe. L’illusion réside dans le fait de l’apparence du serpent qui a lieu sur le support de la corde. La corde elle-même n’est pas l’illusion ; la corde, telle qu’elle apparaît à un esprit trompé est tout simplement comme une illusion.

En bref, le support de l’illusion et l’apparence de l’illusion, les deux existent et fonctionnent. Mais ce que l’illusion paraît être n’existe pas et ne fonctionne pas.

La même analyse s’applique à une situation difficile de la vie qui paraît exister comme problème insoluble. La situation difficile peut causer la perte de notre emploi, par exemple, mais l’apparence de son existence comme problème insoluble est comme une illusion. La situation difficile et son apparence comme problème insoluble existent, mais les problèmes insolubles n’existent pas. Il y a toujours une solution à une situation difficile, même si ce n’est pas une solution idéale.

[...]
Nous pouvons appliquer l’exemple que les choses existent comme une illusion autant aux êtres individuels (personnes) qu’aux phénomènes en général. Voyons d’abord comment il s’applique aux êtres individuels.

L’absence d’une « âme » impossible chez la personne
Tous les systèmes de pensée philosophique bouddhique acceptent l’existence conventionnelle d’un soi, le « moi ». Le « moi » conventionnel, cependant, semble exister d’une façon qui ne correspond pas à celle dont il existe en réalité. Le « moi » conventionnel semble exister à la manière d’une « âme » impossible (bdag, skt. atman). Un soi qui existe de cette façon fausse est connu comme le faux « moi », le « moi » qui est à réfuter. Ainsi,

* le « moi » conventionnel est comme une illusion, et il existe,
* l’apparence d’un faux « moi » est l’illusion, et elle existe,
* ce qui correspondrait à l’illusion – un faux « moi » réel – n’existe pas.

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Zopa2
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Oui mais ce passage ne répond pas à toutes les questions posées.
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davi
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Zopa2 a écrit :Si l'on dit que cette illusion est une apparence (quelque chose apparaissant bien à l'esprit) d'une chose qui n'existe pas du tout en réalité, est ce que cela veut dire qu'il n'y a rien au-delà de cette apparence ? Un pur néant ?
Ou bien, y a -t-il quelque chose qui existe au-delà de l'apparence, au-delà de l'illusion ? Si oui, qu'est-ce que c'est ?
Il n'y a pas rien au-delà de cette apparence illusoire du soi (inhérent) du phénomène parce qu'il y a le phénomène qui est une simple imputation sur une base, et que cette base apparaît à l'esprit qui impute. Si l'esprit se focalise sur cette base il verra que les éléments de cette base sont eux-mêmes sujets à imputation, et qu'il n'est pas possible de trouver quoi que ce soit qui existerait par lui-même telle une entité. Tout phénomène observé d'un peu trop près disparaît à l'esprit pour faire place à d'autres phénomènes lesquels font place eux-mêmes à d'autres et ainsi de suite validant la nature interdépendante de ceux-ci. La première relation dépendante est celle qui relie causes et effets avec apparition de ceux-ci en dépendance de conditions, raison pour laquelle certains phénomènes apparaissent et pas d'autres (karma). Si j'apparais, ce n'est pas parce que je suis moi-même, mais parce ce que "mes" agrégats sont apparus en dépendance de causes karmiques, et aussi à partir d'une simple imputation par l'esprit sur ces agrégats.
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jules
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Zopa : Tu sembles dire dans un premier temps qu'il n'existe pas de base d'imputation sur laquelle l'ignorance surimposerait un soi et dire ensuite que cette base d'imputation existe en dépendance de l'illusion du soi. C'est bien cela ?
Disons pour que ce soit plus clair qu'il me semble qu’il n’y-a pas de base d’imputation hors imputation, ce qui rejoint ce que dit Davi dont je laisse les propos enrichir ici les miens.
Y-a t-il d'après toi un phénomène qui constitue la base de désignation ? Par exemple ton visage ou une sensation de bonheur, sur laquelle tu surimposerais un soi inhérent ? Ce visage existe-t-il en tant que base de désignation ?
Il existe à mon sens en tant que base d’imputation concomitamment au geste de l’imputation.
Sans ce geste (spontané en l'occurrence), pas de base de désignation (voir encore ici les précisions de Davi). Pareil pour la sensation de bonheur qui est une sensation propre à l’attachement au soi, sensation de bonheur qui ne serait pas à confondre avec la joie qu’éprouverait un Bouddha qui serait quant à elle inconditionnelle et donc ne dépendant aucunement d’un quelconque phénomène.
Si oui, de quelle manière existe-t-il (le visage de jules) ? Si non, n'y a t-il donc rien ? Un pur néant ?
Cette question se base à mon sens sur une différenciation entre monde objectif et monde subjectif. Il ne me semble pas que cette distinction ait lieu d’être puisque d’une part, s’il n’existe aucune manière de percevoir le monde autrement que subjectivement alors dire qu’il existe un monde subjectif et un monde objectif s’avérerait être le fait de notre subjectivité, et d’autre part si on admettait cependant qu'il existait un monde du seul côté des objets, nous n’y aurions de toute façon aucun accès du fait de notre subjectivité.
Si l'on dit (comme Ted) que le phénomène imputé sur la base de désignation est illusoire (ce que j'admets) et que sa base d'imputation l'est tout autant (ce sur quoi je me questionne), hé bien, peut-on alors préciser ce que l'on entend par "illusion" ?
Comment comprenez- vous ce terme ?
L’illusion consiste à mon sens dans le fait de vouloir statuer sur la réalité sur la base de la croyance en son existence intrinsèque. La fin de l’illusion en revanche consisterait je pense à ne plus statuer du tout sur elle, autrement dit, il s'agirait comme le dit Nagarjuna d'être parvenu à évacuer toutes les opinions la concernant. Dire que la réalité n'a pas d'existence intrinsèque conduit à cette évacuation.
Une illusion est-elle une perception qui apparaît mais qui est cependant erronée dans la mesure où elle ne correspond pas à la réalité ?
Je ne crois pas. Je crois que dans le bouddhisme il s’agirait de dire que l’illusion est Dukkha, c’est à dire qu’elle est une vue imparfaite du point de vue de la possibilité de se libérer de l’insatisfaction.
Ou bien par exemple,
S'agit-il d'une simple apparence de quelque chose, mais qui n'utiliserait aucun matériau du réel pour se former ?
Cette question me semble encore ici reposer sur l’idée d'une réalité objective et d'une réalité subjective. Mais la réalité est en fait me semble t-il sous nos yeux, et Dukkha consisterait en l'occurrence à vouloir la diviser de la sorte.

Si l'on dit que cette illusion est une apparence (quelque chose apparaissant bien à l'esprit) d'une chose qui n'existe pas du tout en réalité, est ce que cela veut dire qu'il n'y a rien au-delà de cette apparence ? Un pur néant ?
Je complèterai ici la réponse que j'ai déjà faite là dessus :
Je dirais tout bonnement que la réalité et les apparences sont un, mais l’esprit affamé ne se contente pas de ce constat, il veut cerner la réalité, il veut statuer sur elle, il rejette son aspect insaisissable, notamment en cherchant à discerner à son sujet ce qui serait vrai ou faux.
Ou bien, y a -t-il quelque chose qui existe au-delà de l'apparence, au-delà de l'illusion ? Si oui, qu'est-ce que c'est ?
Pour moi, il n’y a rien au delà de l’apparence. Sortir de l’illusion (dans le sens bouddhiste que j'ai précisé plus haut), c’est à mon sens comprendre que tout n’est qu’apparence. Ainsi au final n’y a-t-il pas de dichotomie entre apparence et réalité : l’apparence est réalité et la réalité est apparence.
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