Le rôle du désir dans la quête spirituelle ?

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Zopa

Bonjour à tous,

Il est souvent rappelé dans les enseignements bouddhistes que tous les êtres sont semblables car ils recherchent tous le bonheur et cherchent également à éviter la souffrance. Ils est également dit que c'est une aspiration légitime.

La question qui se pose alors est la suivante : quel est le rôle du désir dans cette double quête ?

Admettons que nous définissions le "Désir" comme le mouvement global de l'individu vers un avenir et une satisfaction. Pourrions nous alors considérer que le désir est l'essence de l'homme, c 'est à dire que la conscience est par essence désirante ? ou encore, que notre esprit aspire naturellement à l'épanouissement, dans la joie, la liberté, l'ouverture aux autres et au monde, car telle est son essence ?

Cette aspiration fondamentale de l'être humain qui met en mouvement l'individu - et que nous avons appelé le "Désir"- n'est le résultat ni d'une faiblesse, ni d'une déchéance, ni d'une faute. Elle n'est pas en tant que tel, la source de la souffrance, du malheur ou de la passion.


Qu'en pensez vous ?

Amicalement,
zopa
Robi

Bonjour,

Tout être vivant désire vivre. Tout être sensible désire bien vivre, c'est-à-dire fuit la souffrance.

Le désir humain s'exprime en une multitude de désirs. Mais l'être humain ne peut satisfaire tous ses désirs. Il s'apperçoit bien vite qu'il faut faire des choix dans ses désirs. Il y a des désirs qui sont sources de joie, de bonheur, etc... (comme par exemple pour la plupart désirer avoir un métier, fonder une famille, etc) et des désirs qui sont sources de souffrance (par exemple désirer tout avoir, désirer faire la fête tout le temps, etc...). Il faut harmoniser ses désirs avec la vie, avec les autres, avec ses capacités...

L'aspiration (désir) au bonheur, à l'épanouissement, à la joie est donc naturelle chez l'homme mais tous les désirs n'y mènent pas. Comme je viens de le dire il faut faire des choix dans ses désirs. Mais le refoulement de ce choix est tenace chez l'homme: il se manifeste par l'avidité, la vanité, l'égoisme, etc...
Nous sommes tous malades de ce refoulement, nous sommes tous une peu ou beaucoup avide, vaniteux ou égoiste , c'est notre humanité ainsi faite mais c'est aussi notre humanité ainsi faite de combattre ce refoulement ou ces travers. C'est le leit-motiv des spiritualités ou des philosophies de discourir des chemins du bonheur pour l'homme... "Connais-toi toi même": connait tes bons et tes mauvais désirs.

amicalement,
binah

Zopa a écrit :Bonjour à tous,

Il est souvent rappelé dans les enseignements bouddhistes que tous les êtres sont semblables car ils recherchent tous le bonheur et cherchent également à éviter la souffrance. Ils est également dit que c'est une aspiration légitime.

La question qui se pose alors est la suivante : quel est le rôle du désir dans cette double quête ?

Admettons que nous définissions le "Désir" comme le mouvement global de l'individu vers un avenir et une satisfaction. Pourrions nous alors considérer que le désir est l'essence de l'homme, c 'est à dire que la conscience est par essence désirante ? ou encore, que notre esprit aspire naturellement à l'épanouissement, dans la joie, la liberté, l'ouverture aux autres et au monde, car telle est son essence ?

Cette aspiration fondamentale de l'être humain qui met en mouvement l'individu - et que nous avons appelé le "Désir"- n'est le résultat ni d'une faiblesse, ni d'une déchéance, ni d'une faute. Elle n'est pas en tant que tel, la source de la souffrance, du malheur ou de la passion.

Qu'en pensez vous ?

Amicalement,
zopa
Je dirais que le désir par lui-même fait parti de l'essence de l'homme. Inéluctablement, s'il y a du désir, il y aura de la souffrance comme du bonheur. Comme dans la vie, si tu as l'amour, tu as aussi sa part de joies et de peines.
C'est lié.

J'édite le message avec la notion de l'impermanence, je sais pas pourquoi ça m'interpelle pour ce post, pour le désir.

Dans la tradition Theravada
L'impermanence des choses, c'est l'apparition, le passage et la transformation des choses ou la disparition des choses qui ont commencé à être ou qui ont apparu. Cela signifie que ces choses ne persistent jamais de la même façon, mais qu'elles disparaissent et se dissolvent d'un moment à l'autre (visuddhimagga)

(...) Symbole de l'impermanence
La fleur est un symbole de l'impermanence - épanouie aujourd'hui, fanée demain - et c'est pourquoi les fleurs forment une des offrandes traditionnelles au Bouddha et se trouvent presque toujours sur les autels bouddhiques.

Source : Wikipédia

Je suis allé au plus simple pour la recherche directe, veuillez pardonner... Le désir, donc dans l'impermanence, se transforme, mute, apparaît voir disparaît. Et bizarrement, le désir va aussi très bien avec cette notion de fleur car épanoui ou fané demain.

J'ai développé, c'est ce qui me vient, et me pousse à la réflexion.

Bienvenue à toi, Zopa FleurDeLotus . Tu donnes du fil à retordre, côté post, continues... jap_8
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jules
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J'ai lu quelque part ceci :
Ne pas demander à la vie ce qu'elle ne peut pas nous donner.
Donc se contenter de peu c'est en quelque sorte être comblé.
Robi : Nous sommes tous malades de ce refoulement, nous sommes tous une peu ou beaucoup avide, vaniteux ou égoiste , c'est notre humanité ainsi faite mais c'est aussi notre humanité ainsi faite de combattre ce refoulement ou ces travers. C'est le leit-motiv des spiritualités ou des philosophies de discourir des chemins du bonheur pour l'homme... "Connais-toi toi même": connait tes bons et tes mauvais désirs.
jap_8

Justement, au sujet de ce "connaîs-toi toi même", Maître Deshimaru disait ceci : Au final, le disciple s'apercevra qu'il n'est ni si bon, ni si mauvais que cela.
Ainsi, il est possible aussi de développer de la soif envers les vertues, ce qui peut-être nommé l'avidité spirituelle, sans doute l'un des pièges les plus pernicieux de la Voie.
Zopa

Bonjour et merci à vous trois pour vos réponses qui m'aident à réfléchir et m'inspirent.

Poursuivons notre échange,

Nous venons de voir que notre aspiration au bonheur va s'incarner dans de multiples désirs. Elle va s'exprimer de façon concrète et singulière : ce sont les différents désirs. Notre Désir global est donc un mouvement général auquel nous donnons chaque fois un contenu particulier.

Vous avez aussi introduit la notion de distinction entre les "bons" et les "mauvais" désirs. C'est affirmer que le Désir n'est pas toujours intelligent et généreux. Il peut être ignorance, ignorance de soi, ignorance de l'autre, ignorance de sa vraie signification. Il peut nous rendre esclaves de l'imprudence, de la hâte. Lorsqu'il est associé à l'ignorance et à la confusion, il peut être maladroit, devenir nocif, susciter la dépendance, enclencher des actions contre-productives qui vont donner forme à la douleur et à la souffrance. Et tout cela, c'est peut être par un manque de réflexion, un manque de connaissance de soi, un oubli de l'invitation de Socrate "connais-toi toi même". On ne réfléchit pas et cette forme de spontanéité se retourne contre elle-même.
Mais à côté de ces désirs impulsifs, spontanés et non réfléchis, nous pouvons aussi cultiver des désirs réfléchis qui vont devenir le matériau fondamental de notre bonheur.

Faire le tri entre ses désirs, c'est d'une certaine manière regarder différemment sa propre façon d'être dans le monde, de faire ou de ne pas faire les choses, d'entrer ou non en relation avec les autres, de décider ou de temporiser, d'abandonner ou de persévérer, d'espérer ou de renoncer. Ce travail sur soi va bien sûr s'exprimer par des choix et des préférences.

Je me demande comment le bouddhisme perçoit vraiment le désir. J'ai l'impression que le désir y est surtout décrit comme négatif : le désir perçu comme étant un manque, le désir perçu comme insatiable, le désir comme poison de l'esprit, comme source de souffrance, etc. Il me semble voir (mais je trompe peut être) que le désir est dévalorisé et critiqué dans le bouddhisme. Cette conception négative et pessimiste du désir n'est-elle pas partielle et partiale ? Ne peut-elle pas contribuer à identifier le désir comme la cause profonde de toute souffrance (cf 2ème noble vérité) ? Et aboutir finalement à un chemin menant à l'extinction du désir ?

Amicalement,
binah

jules a écrit : Ainsi, il est possible aussi de développer de la soif envers les vertues, ce qui peut-être nommé l'avidité spirituelle, sans doute l'un des pièges les plus pernicieux de la Voie.
C'est pas toujours bon l'avidité spirituelle même risqué. On a trop de prétentions à vouloir savoir, rien n'est digéré, vécu. Butterfly_tenryu
binah

Zopa a écrit :Bonjour et merci à vous trois pour vos réponses qui m'aident à réfléchir et m'inspirent.

Poursuivons notre échange,

Nous venons de voir que notre aspiration au bonheur va s'incarner dans de multiples désirs. Elle va s'exprimer de façon concrète et singulière : ce sont les différents désirs. Notre Désir global est donc un mouvement général auquel nous donnons chaque fois un contenu particulier.

Vous avez aussi introduit la notion de distinction entre les "bons" et les "mauvais" désirs. C'est affirmer que le Désir n'est pas toujours intelligent et généreux. Il peut être ignorance, ignorance de soi, ignorance de l'autre, ignorance de sa vraie signification. Il peut nous rendre esclaves de l'imprudence, de la hâte. Lorsqu'il est associé à l'ignorance et à la confusion, il peut être maladroit, devenir nocif, susciter la dépendance, enclencher des actions contre-productives qui vont donner forme à la douleur et à la souffrance. Et tout cela, c'est peut être par un manque de réflexion, un manque de connaissance de soi, un oubli de l'invitation de Socrate "connais-toi toi même". On ne réfléchit pas et cette forme de spontanéité se retourne contre elle-même.
Mais à côté de ces désirs impulsifs, spontanés et non réfléchis, nous pouvons aussi cultiver des désirs réfléchis qui vont devenir le matériau fondamental de notre bonheur.

Faire le tri entre ses désirs, c'est d'une certaine manière regarder différemment sa propre façon d'être dans le monde, de faire ou de ne pas faire les choses, d'entrer ou non en relation avec les autres, de décider ou de temporiser, d'abandonner ou de persévérer, d'espérer ou de renoncer. Ce travail sur soi va bien sûr s'exprimer par des choix et des préférences.

Je me demande comment le bouddhisme perçoit vraiment le désir. J'ai l'impression que le désir y est surtout décrit comme négatif : le désir perçu comme étant un manque, le désir perçu comme insatiable, le désir comme poison de l'esprit, comme source de souffrance, etc. Il me semble voir (mais je trompe peut être) que le désir est dévalorisé et critiqué dans le bouddhisme. Cette conception négative et pessimiste du désir n'est-elle pas partielle et partiale ? Ne peut-elle pas contribuer à identifier le désir comme la cause profonde de toute souffrance (cf 2ème noble vérité) ? Et aboutir finalement à un chemin menant à l'extinction du désir ?

Amicalement,
Namasté Zopa,
Le désir te semble dévalorisé et critiqué. On pourrait croire que oui, vu qu'il y a un certain détachement de ce désir, dans le bouddhisme. Ne crois-tu pas que c'est propre à l'homme de choisir sa voie dans le désir... Le libre-arbitre d'être ou non dans le désir, au final?
Personnellement, je ne crois pas qu'elle soit partiale... Car propre à chacun. Etre dans le désir ou ne pas l'être....

"Ne peut-elle pas contribuer à identifier le désir comme la cause profonde de toute souffrance"... Tout dépend du contexte. Un désir n'est pas toujours lié à la souffrance. Pour moi, pas d'extinction du désir, même l'ermite au fin fond de sa montagne en a, qu'ils soient bons ou mauvais lol... FleurDeLotus
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jules
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C'est vrai que le Bouddhisme porte cette image d'une philosophie qui cherche à nier la place du désir.
Beaucoup tombent dans le piège d'essayer en vain de se couper de tout désir, car effectivement pour reprendre une chose que tu disais dans ton premier post, le désir est probablement une force ou une énergie inhérente à l'homme.

Dans le bouddhisme, je pense que le désir dans sa forme la plus pure est exprimée dans les voeux du bodhissathva.

Ce n'est pas un désir égoïste, c'est un désir qui serait plutôt tourné vers des notions telles que le don, la recherche de la sagesse, la compassion, la connaissance de soi, de l'éveil et j'en oublie, tout ceci pour le bien de tous les êtres.
Zopa

Oui Jules, je suis sensible à ce que tu viens d'écrire : l'esprit d'éveil (bodhicitta) est le désir peut être le plus élevé puisque c'est un désir d'éveil par compassion pour autrui.

C'est bien un désir la aussi, magnifique sur le fond, qui libère et élève. Est-il réaliste ? C'est une autre question.
Mais le rôle de ce désir est primordial sur le chemin du mahayana.

Pour une fois qu' un désir n'est pas critiqué, ça fait du bien !
ted

Baaaah ! C'est bien d'avoir des désirs altruistes... en attendant la libération définitive...

Mais faut bien reconnaitre que, techniquement, le nirvana se traduit par l'extinction de tous désirs pour une raison très simple : toutes les satisfactions sont réalisées d'un coup. C'est pas pour rien que ça s'appelle le Nirvana ! :mrgreen:
FleurDeLotus
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