Samedi dernier, vers 13h00, j'étais sur la plage du coté de Perpignan... Il y avait beaucoup, beaucoup de vent.
J'avais une natte de plage, qui est en fait un tapis de gym que j'ai depuis 10 ans.
Tandis que je marchais le long de la plage (déserte avec ce temps), une rafale m'a arraché le tapis des mains et l'a emporté vers la mer.
Il est retombé, s'est gonflé comme une voile.
J'étais en jeans. J'ai hésité une seconde à sauter dans l'eau pour le récupérer.
Et là, le vent s'est mis à souffler encore plus fort. Et rapidement, le tapis s'est éloigné vers le large.
J'ai ressenti un profond déchirement. Pas pour la valeur matérielle de ce petit tapis usé, mais pour tout ce que j'avais partagé avec lui pendant 10 ans.
Il dérivait de plus en plus loin et semblait me dire : "Tu m'as abandonné. Je suis emporté vers la haute mer."
Il était si près. Et déjà si loin... Je me suis mis à pleurer comme on perd un être cher.
J'ai longé la plage pendant 1H30 en espérant que les courants allaient le renvoyer vers la côte.
Hélas ! Rien... A part le cri des mouettes et de rares promeneurs...
Et il a fallu revenir ensuite...
Toutes les choses que j'ai perdues dans ma vie, toutes les personnes disparues, se sont concentrées dans ce petit bout de tapis vert qui s'éloignait et dérivait, impuissant, emporté par le vent violent... Je me suis maudit de ma lacheté !
"Je suis un lâche. J'aurais du sauter à l'eau ! tout de suite !" me disais-je...
La tristesse a laissé un grand vide en moi.
C'est seulement le soir que j'ai retrouvé un peu le sourire en dansant dans les rues de Leucate lors de la fête Sol y Fiesta.
A toi, ma natte de plage, qui n'était qu'un petit tapis de Gym à plier en quatre... toi qui a supporté mes joies, mes peines et mes efforts...
Toi qui est au fond de l'océan à présent... Je te demande pardon...
Je me suis quand même demandé si je ne faisais pas une dépression pour réagir comme ça...
J'ai eu pas mal d'emmerdes ces derniers temps...
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 00:36
par onmyway
Allons Ted, un tapis c'est un tapis, rien de plus; Sauf ce que ton mental y projette comme "souvenirs-attachement- appropriation"
Par contre, si j'avais été à ta place, ce n'est pas pour la "perte d'un objet familier" que j'aurais été désappointé, mais
pour avoir ajouté un peu de "pollution humaine" dans l'océan naturel ... ! qui en supporte déjà beaucoup avec des plastics flottants et dérivants, sans parler d'autres formes de pollutions...
Pour le reste, ton tapis avait peut-être envie de prendre le large qui sait
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 01:13
par ted
onmyway a écrit :Allons Ted, un tapis c'est un tapis, rien de plus; Sauf ce que ton mental y projette comme "souvenirs-attachement- appropriation"
Non. Il était vivant, je le sais... Il a souffert...
Quand on aime un objet très fort, on l'imprègne d'une partie de nous-même...
C'est dégueulasse de demander aux gens de se détacher de ce qu'ils aiment... C'est inhumain !
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 09:20
par axiste
Quand j'étais enfant, je m'étais attachée à une plante qu'une voisine m'avait donné avant de mourir
J'avais l'impression que tant que je pourrais contempler ce cassis fleur, elle vivrait toujours à travers lui et moi
La vie m'a dit l'année suivante: vous déménagez !
Ca m'avait arraché le coeur…mon dernier regard et ma dernière pensée avant que mon père ne démarre la voiture pour un ailleurs, allaient au cassis fleur tout entier…j'avais l'impression que je trahissais mes promesses, je m'étais jurée de veiller sur lui, de grandir avec lui…et bien, c'était peu de choses qui s'en allaient dans le cahin caha de la voiture de mon père
Tellement peu de choses mais je ne savais pas
Je me suis longtemps demandée ce qui était arrivé à ce cassis fleur…était-il arraché lui aussi, avait-il survécu ?
Aujourd'hui quand je repense à tout ça, c'est comme si je me jetai dans un vide, comme si je volais aussi….il est toujours là, mais il s'est transformé: il me laisse une douceur, une saveur…celle de mon enfance comme les images d'un rêve dont je ne peux me saisir, elles me traversent parfois mais c'est pour me sourire
Une autre fois, j'étais devant la porte du cabinet de mon père et la femme de ménage se faisait congédier: j'étais là, et mon père tout à coup en me voyant a fermé la porte…j'ai eu mal au ventre subitement, je savais que quelque chose de grave se passait mais j'ignorais quoi..un peu plus tard, c'est l'image que j'ai eu de la mort: celle d'une absence qui mange tout…alors ensuite je sais pas, je crois que je me suis mise à la place de cette dame et que pour la première fois j'ai vécu dans la peau d'une autre comme si c'était moi…ça m'a dénudé certainement, parce que son absence était plus forte que ma présence…peut-être comme un premier pas qui me disait combien l'autre compte autant que soi…alors c'était vécu dans un flou enfantin, mais j'ai certainement éprouvé une première forme de compassion…après, tout le baratin et les justifications de la vie s'en sont mélés…comme on bâti des histoires sur la vie…
De toutes les façons, on passe sa vie à se détacher de ce(ceux) que l'on aime. Mais on aime toujours un peu mieux à chaque fois.
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 10:01
par Xily44
C'est qui ce tapis ?
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 10:04
par Xily44
Axiste,
Tes deux histoires me touchent. Es-tu désabusée ?
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 10:17
par Erratum
On se pose sur un tapis... comme sur un ami ! Je comprends ta peine... fort heureusement à coeur et magasin ouvert on peut toujours se faire de nouveaux amis/tapis Ted
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 10:21
par axiste
Es-tu désabusée ?
euh...non, j'espère pas...
Chaque pas que l'on fait vient mourir le suivant
faudrait pleurer en marchant si on était cohérent
mais pleurer de joie aussi bien
Notre regard se perd dans l'étendue de la vie
Peut-être qu'on devient juste un peu plus silencieux avec le temps...enfin, moins prétentieux certainement... <<metta>>
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 10:26
par Jean
Fallait que ça sorte!
Tout es OK, c'est le genre d'expérience qui peut se reproduire, une toute petite remontée du passé peut la produire et suivant l'état de conscience, un big blues apparait!
En fait, c'est une super expérience car derrière le pleur, il y a un cœur ouvert et tendre qui se manifeste. Il peut être un objet de méditation à saisir
ou bien pour profiter de l’ouverture du cœur, la maintenir ou même l'augmenter , il est possible de pratiquer Ton Len, de réciter les 4 Infinis de manière qu'elles semblent jaillir du cœur ouvert, de visualiser cette ouverture du cœur sous la forme du mantra rayonnant du Yidam au centre de cœur ouvert
et ensuite de re-goutter sans rien faire, de se reposer en pleine conscience sur ce cœur ouvert, vulnérable, tendre. "Ouvert, vulnérable, tendre" sont des qualificatifs qu'utilisait Trungpa à propos du cœur ouvert.
Il y a un lien établi par l'expérience méditative ou yogique entre ouverture du cœur et glandes lacrymales,, le cœur s'ouvre, les larmes coulent. Si on est encore pris dans le mental, des souvenirs, en relation avec cet état de conscience, peuvent surgir.
Il est possible aussi, en étant établi dans cet état, de l'utiliser quand il y a un conflit avec une personne, répulsion, rancœur, haine, etc.
On crée le souvenir de cette personne et on la contemple depuis cet état de conscience, la perception de la situation change et cela entraine une sorte de changement de perspective complet dénué de toute émotion négative et beaucoup plus clair que l'état de conscience pollué par la répulsion etc. Cela permet de régler ce problème de relation qui peut être aussi un très vieux problème dont le souvenir revenait de temps en temps, et polluait l'ambiance à chaque fois. La disparition de l'aspect souffrance du souvenir peut être rapide, comme peut prendre un certain temps.
Les pliures du coeur quand elles se déplient, s'ouvrent, se déploient provoquent les larmes.
Inversement les larmes peuvent provoquer l'ouverture du coeur quoi qu'il existe aussi des larme de haine.
Ce n'est pas pour ça qu'il faut vivre dans le Blues! Il y a aussi le sourire de Thich Nath Han : Un cœur ouvert provoque l'apparition du sourire, et sourire provoque l'ouverture du cœur
Re: Un petit tapis de gym s'en est allé...
Publié : 16 mai 2013, 11:28
par jules
Ce que dit Jean me fait penser que beaucoup d'arts martiaux, ont été créés sur la base que la faiblesse vainc la force, idée fort développée dans le taoïsme. Savoir trouver cette source en soi, y compris lorsque nous devons gérer nos émotions, me semble intéressant; c'est vraiment prendre à rebours ce mauvais réflexe consistant à ériger des murailles émotives à la moindre contrariété. A l'inverse, ce genre de techniques d'ouverture du coeur à l'existence de la douleur, me semble bien mieux répondre à l'idée de plonger dans le mal, pour se fondre en lui et pour renaître depuis une nouvelle unité.