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En bus ...

Publié : 22 novembre 2012, 21:52
par Sourire
Aujourd'hui, j'ai pris le bus avec une amie...
La ville défilait.
Elle la trouvait triste, sale, sinistre, dégueu...
Je regardais les taches de lumière sur les feuilles d'arbre jaunies et rougies par la fin d'automne, les tags éclatants sur les murs, les silhouettes d'insectes géants des machines de chantier et des ferrailles du chemin de fer...
Elle voyait la souffrance
Je voyais la vie
Alors oui, bien sûr, tout ça est aussi de la souffrance,
de même que la protubérance du nid de cynips sur la branche de ce grand églantier que j'ai trouvé, poussé sait-on comment dans une barrière, montant à plusieurs mètres de haut et retombant en courbe pour offrir en lourdes grappes ses fruits "gratte-cul" que les oiseaux adoreront venir manger.
Ou bien les épines de ce même églantier...
Mais si notre vie était parfaite, aurions-nous envie de l'améliorer ?

Re: En bus ...

Publié : 22 novembre 2012, 22:21
par Erratum
:mrgreen: dans le métro c'est moins facile :mrgreen:

Ca me rend triste quand je suis avec des personnes qui ne voient pas la même chose que moi :oops: que toi...
Il y a tellement de raison d'aimer et s'émerveiller love_3

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 04:20
par ted
C'est sur que bien souvent, il faut être dans la merde pour voir la tristesse du monde.

Quand tout va bien pour nous, on trouve toujours une raison de se réjouir.

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 06:59
par Flocon
Sourire a écrit :Elle voyait la souffrance
Je voyais la vie
Oui, c'est une expérience qu'on peut faire couramment : parfois, au cours d'une même journée les perceptions s'inversent. Dans le même spectacle, celui/celle qui voyait la souffrance le matin verra la vie le soir, et vice-versa. Au gré des humeurs.
L'idéal est de voir les deux à la fois, non?
Et puis, du noir au rose, heureusement, il y a toute la palette des couleurs...

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 08:05
par Sourire
Je ne dis pas que je ne vois pas la tristesse, Ted...

Mais de tout ce que nous avons croisé, finalement, il n'y avait pas vraiment beaucoup de souffrance flagrante.
Nous n'avons croisé aucun SDF, aucun enfant venant de se ramasser sur les genoux...
Alors évidemment, il y a les immeubles, les voitures, le pont de chemin de fer...
La vie est faite de choses contradictoires. La souffrance et la combattivité en font partie et c'est là qu'est toute la beauté. Une beauté étrange, parfois doucement agitée, parfois franchement tourmentée... Mais si on retire ça, il ne reste que la perfection minérale.
Les choses vivantes sont comme cette branche d'églantier, immense, qui jaillissait de derrière une barrière = blessés, jaillissants, agressifs, généreux.

Si elle ressent la dureté dans ce spectacle c'est parce qu'elle est ultra-sensibles aux duretés présentes dans sa propre vie... Mais je ne suis jamais sûre quand je l'entends se plaindre, de ce que je dois en penser.
Elle est plutôt du genre à voir le verre à moitié vide. Et si elle trouve la ville sale c'est parce voir ça la dérange. Pas parce que ça lui inspire de la pitié.
Je crois plutôt que beaucoup de gens ont dans les yeux le mirage d'un monde tout joli tout beau comme dans les contes de fées, et que quand on leur montre autre chose, ils n'arrivent pas à s'y faire.
Cette amie n'est pas la seule personne que je connaisse comme ça...

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 08:09
par Flocon
Sourire a écrit :Je crois plutôt que beaucoup de gens ont dans les yeux le mirage d'un monde tout joli tout beau comme dans les contes de fées, et que quand on leur montre autre chose, ils n'arrivent pas à s'y faire.
N'est-ce pas le cas de tout le monde, d'une certaine manière?

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 08:58
par Sourire
Peut-être bien... ;-) On a tous des choses qu'on ne veut pas voir...

Moi qui vis dans la lune peut-être la première !



Mais à quoi bon se torturer en ne voyant que le mauvais ?
Ca me dépasse...

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 09:26
par Sourire
Il y a plus de vingt ans, j'ai été pour ainsi dire morte. Prisonnière vivante dans un corps presque cadavre.
Je n'étais pas dans le coma. C'était pire que ça; Le matin, le réveil sonnait, je le faisais tomber en voulant l'éteindre de la main droite, je l'éteignais de la main gauche, et la journée commençais. Une journée avec un bras droit pire que mort. Agité de secousses si brutales qu'elles se répercutaient dans tout le corps et qui m'obligeaient à m'allonger.
Impossible de tenir un crayon. Quand on est au lycée, c'est jouasse. Fabuleux, les rapports humains, aussi, avec ce genre de crises qui vous guette sans arrêt : les gens ont peur. Et l'avenir, je vous dis pas... A l'âge où on demande aux jeunes de penser à leurs études, moi on me prédisait à court terme la paralysie totale de la moitié de mon corps. Pire que la paralysie...
Même tenir un livre, c'était devenu difficile.
Alors, dans le jardin, ou dans la cour du lycée, je m'asseyais et je regardais les feuilles, les fleurs, la lumière...
Je me récitais des poèmes, ou j'inventais des histoires... Comme les autres, j'avais choisi un avenir, mais cet avenir il était beaucoup moins réel pour moi que les poèmes de Baudelaire ou les chansons de Trenet.
La seule réalité, c'était les plantes, les fourmis... Toutes ces petites choses.
Sitôt que je devais regarder ailleurs, tout devenait noir, vide... Sans espoir.
Quand on a décidé de m'opérer, j'ai choisi de ne pas penser au fait que c'était terriblement risqué.
Cette opération, c'était une bougie dans ma nuit.

Ben tu vois, Flocon... Après ça, j'ai perdu toute imagination pendant plusieurs mois. Impossible de dessiner après mon opération (alors qu'avant, de la main gauche, j'essayais de gribouiller, ça donnait rien, mais au moins je m'entraînais...), impossible d'imaginer la moindre histoire.
Le monde était peut-être devenu trop parfait...
Jusqu'à la mort de mon grand-père. Là, c'est revenu d'un coup.

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 09:49
par Flocon
Oui, je sais.
Moi aussi, j'ai connu quelque chose du même genre (mais je n'ai pas envie de donner de détails, pardon). Les difficultés qu'on rencontre dans la vie sont une source profonde d'inspiration et un réservoir de forces insoupçonnées.

Mais bon, on ne va tout de même pas souhaiter à ton amie d'avoir des ennuis, pour apprendre à en tirer le meilleur. :lol:
Il n'y a pas moyen de lui remonter le moral? :shock: :-(

Re: En bus ...

Publié : 23 novembre 2012, 10:22
par Sourire
Des ennuis, elle en a eu...
Seulement quand elle n'en a pas, elle les fabrique, et quand elle en a, elle en fabrique d'autres encore...
Des fois, ça m'épate la quantité de tuiles qu'elle est capable d'entasser sur l'étagère avant que ça lui tombe dessus à grand fracas.
:neutral: Alors...

Non, je vais pas lui souhaiter de retomber au pire de ce qu'elle a vécu...
Je me le souhaite surtout pas à moi ! Elle était abominable à ce moment-là !
Mais si, des fois, elle pouvait voir ce qu'elle a, un peu... Au lieu de ce qu'elle n'a pas...