Pour moi, la mémoire c'est pas du par coeur, mais c'est par le coeur qu'elle passe..(vraiment bizarre la ronde des mots…)
En plus, lorsque je lis un texte j'essaie de le lire un peu comme une poésie, sinon, mon regard parcourt une suite de signes incompréhensibles qui se juxtapose dans une danse opaque et trop lointaine..pour me rapprocher des mots, il faut que je les ressente: en fait, il m'arrive de lire dix fois un texte que je trouve beau, tellement j'ai soif ! (soif de sa musicalité étrange qui fait vibrer les mots selon leurs disposition, leur contexte ou leur thème, ou que sais-je...…chaque respiration compte, chaque longueur de ligne, sonorité, virgule, point ou silence…)
Bon, quelquefois j'ai l'attitude inverse: je parcours une suite de signes complètement surprenants et j'essaie d'y goûter doucement, d'habituer mes pupilles (non, pas mes papilles), et peu à peu, souvent, cela fonctionne…(pas pour tout, j'ai déjà essayé de lire une bible économique, et j'ai pas dépassé la première ligne…j'ai feuilleté le book et perçu sa forme, ses graphiques et tableaux, et le sens m'a échappé complètement…le livre a glissé de mes doigts et je me suis sentie complètement anorexique. Je suis certaine que l'anorexie peut être vaincue, mais là, je manquais vraiment trop de motivation…)
Les nouveaux mots me font une impression étrange: je voyage…de belles rencontres aussi. C'est comme découvrir un nouveau parfum.
Pour les textes du Dhamma, ça a été tout un poème: au début, les toutes premières fois, une résistance vis à vis des répétitions des suttas…une envie terrible de sauter les lignes, et puis, si je forçais trop, une irrésistible envie de m'assoupir…
Les choses ont bien changé.
Il y a eu l'étape où je n'ai plus ressenti de fatigue ni de résistance.
Puis l'étape où j'ai apprécié leur musicalité particulière, et surtout, la répétitivité de certains mots et expressions: je me laissais guider…
Puis finalement, l'étape où la forme a fait partie de moi et ne me posait plus de problème…
Il y avait comme une reconnaissance là...
Mais le par coeur, non, ce n'est pas trop mon truc…
D'ailleurs, lorsque j'apprends une nouvelle chanson, le rythme vient au secours de ma mémoire…sur le rythme, les mots viennent se coller et se précipiter…
C'est compliqué la mémoire car elle est souvent très sélective…mais au final, quels sont les mots qui nous traversent ? Pas tous ces mots dits sans modération…surtout, ceux que nous avons pris le temps de peser, de regarder, d'écouter véritablement, et quelque fois entre deux silences et deux hésitations…ceux qui ont vraiment frappés à notre porte sont ceux qui nous ont inspiré un émerveillement et un respect immense, ceux qui, on ne sait trop pourquoi, ont vibré et résonné dans notre silence…alors on était certainement en position d'écoute totale…
La mémoire, c'est peut-être aussi une attitude...?!
