Le bouddhisme comme je le pense juste

lausm

J'ai pu lire parfois que le bouddhisme c'est revenir à l'expérience de Shakyamuni. Mais qu'est-ce que c'est, l'expérience de Shakyamuni??
Quand j'ai un doute ainsi, je potasse les vieux sutras.

Alors, hier, voulant me rappeler ce que c'est, et m'instruire, j'ai ouvert « les entretiens du Bouddha ». Et lu le Kutadanta sutra. Ca raconte l'histoire d'un brahmane qui veut faire un sacrifice, et à l'époque ça voulait dire tuer plein d'animaux et gaspiller plein de richesses. Le Bouddha lui répond dans le cadre de son rite, il ne lui cause pas de trucs très compliqués. Il valorise les qualités des brahmanes et des chefs de famille...pour qu'à la fin ils voient comme un sacrifice le fait de ne pas tuer d'animaux, mais de partager les richesses, ils élargit leur vision sans leur demander de renoncer à leur rite, mais en utilise la forme pour montrer qu'ils peuvent avec ça faire autrement, et que tous y gagnent. Le brahmane lui demande si il y a mieux comme sacrifice. Bouddha lui dit que faire des dons aux renonçants est mieux. Et mieux? Leur donner l'asile. Et mieux encore?? Prendre refuge dans les trois trésors. Et mieux que ça? Respecter les préceptes. Et mieux encore?? Entrer dans les Jhanas, autrement dire s'asseoir en méditation et revenir à soi-même. Zazen. Après il n'y a pas mieux! Sacré Bouddha, un vrai malin pour nous emmener à la pratique!
Cependant, dans ce sutra, un passage m'a frappé. C'est le brahmane qui parle du Bouddha. Ses copains lui disent que s'il va le voir, on va penser qu'il s'infériorise. Or lui, a entendu du bien du Bouddha, et pense que ça vaut le déplacement. En gros il est prèt à faire fi des considérations d'image pour aller demander conseil au Bouddha. Belle preuve d'humilité et d'ouverture!
Donc il dit à un moment : « ...Vraiment, ô honorables amis, le Samana Gotama est pourvu des trente deux marques des grands hommes. Vraiment, ô honorables ami, le Samana Gotama accueille tous ceux qui viennent le voir, en disant « venez, vous êtes les bienvenus », il est sympathique, conciliant, il n'est pas dédaigneux, il parle souvent et il parle d'abord »... (je suppose que ce dernier point signifiait qu'il n'attendait pas que son interlocuteur vienne vers lui, mais que lui faisait le geste de l'accueillir sans attendre de marques de déférence).
Ce passage semble anecdotique dans l'ensemble, mais il témoigne d'une attitude, et c'est ce Shakyamuni-là que je vois aussi. Je ne le vois pas critiquer les gens en leur absence, je ne le vois pas se prendre le chou sur ce qu'est ou pas le satori, par contre il répond en parlant le langage que comprend son interlocuteur, se mettant à portée de sa compréhension, et ne le dévalorisant pas s'il ne comprend pas. Il ne convainc pas les gens par la force, mais il ne renonce pas à ce qu'il pense juste. Il ne se bat pas pour l'éveil, il en témoigne tranquillement. Il a confiance en son expérience, ne rejette rien de ce qui lui est différent, et explique, dialogue.
Et c'est ce bouddhisme-là auquel je crois, encore parler de bouddhisme est-il probablement une étiquette trop encombrante pour ce truc universel de l'être humain et du vivant dont il veut parler. Une identité trop limitée.
C'est pour ça que je n'aime pas parler de bouddhisme, de ce qui est le vrai éveil, le vrai satori. Je peux pointer la lune. On peut tous pointer la lune. Mais la lune, je ne peux la regarder à la place d'un autre.
Je peux comprendre que certains pensent que ce que je dis est faux, idéaliste, erroné. Soit. Mais je pense cependant que c'est la voie juste, et elle ne s'accorde pas avec sortir les armes, la guerre des mots, à montrer ce que serait le vrai bouddhisme. La vérité, elle se voit quand on ouvre les yeux. La montrer à un aveugle ne sert à rien, sa vérité est de ne rien voir. Mais il voit avec ses mains, ce que quelqu'un qui voit ne sais pas forcément faire.

Deshimaru écrivait que le satori est parfois rond, parfois carré. Qui peut enfermer le satori dans une définition? Quels mots peuvent seulement définir une expérience aussi infinie?? Ils ne peuvent qu'en approcher. Je pense qu'on peut parler de ce qui permet d'aller vers l'expérience, comme comment se concentrer, comment vivre son quotidien, comment vivre l'énergie de son corps et esprit, comment s'asseoir sur son coussin, etc....après, c'est intime.
Alors pourquoi devrait-il devenir objet de controverse et de disputes??
Dogen disait lui-même que le zazen n'était pas l'apprentissage de la méditation, mais était le parfait dharma de paix et de bonheur!
D'ailleurs, il disait dans le Bodaisatta Shishobo, que la parole d'amour était une des quatre pratiques du bodhisattva. Après le don.

« La parole d'amour veut dire, en regardant les êtres, éprouver d'abord de la compassion à leur égard et leur adresser une parole d'attention bienveillante. Il n'y aura jamais de parole violente ni malveillante. Dans le monde profane, il est poli de prendre des nouvelles les uns des autres. Dans la Voie de l'Eveillé, il est bienséant de demander à l'autre de se ménager et de prendre soin de sa santé. La parole d'amour consiste à utiliser le langage avec cette pensée au coeur: « L'Eveillé regarde les êtres comme si le parent couvait son petit enfant .
Respectez ceux qui ont des mérites et ayez pitié de ceux qui sont sans mérites. A partir du moment où vous aimez la parole d'amour, celle-ci se met à croître. Ainsi, même la parole d'amour qui vous restait longtemps inconnue et invisible se présente devant vous yeux. Tant que votre vie et votre corps présent subsisteront, pratiquez volontiers la parole d'amour. Ne reculez pas durant toutes vos vies à venir.
On prend pour principe fondamental la parole d'amour afin de faire rendre les armes aux pires ennemis et d'apporter la réconciliation entre les princes. La parole d'amour entendue face à face rend nos visages joyeux et donne le plaisir à nos coeurs. La parole d'amour entendue par l'intermédiaire de quelqu'un, nous nous la gravons dans l'âme et l'esprit. Sachez-le, la parole d'amour sort du coeur aimant, et le coeur aimant a pour semence le coeur compatissant. Il faut apprendre que la parole d'amour a la force de pouvoir tourner le ciel. Il ne s'agit pas seulement d'admirer le talent de l'autre. »

Voilà donc le bouddhisme que j'aime, auquel je crois. D'ailleurs, en fait, parler de cette façon d'etre en disant "le bouddhisme", ça me gène. Trop chargé de projections et d'identifications qui font écran avec l'expérience que ça signifie.
C'est marcher dans les pas de ces gens-là, comprendre qui ils furent, comment ils ont vécu, comment ils ont marché dans le monde, et sans les singer, réaliser ce qu'ils ont réalisé, qui m'intéresse.
Peut-être certains trouveront mon point de vue niais, mièvre, idéaliste, autistiquement inadapté à ce monde. Peut-être me trompé-je.
Mais c'est quand même ce que je pense juste, profondément juste, et que le bouddhisme ne cautionne aucune violence, et prône une attitude bienveillante pour tous. Et cette valeur de compassion, je la pense nécessaire dans notre monde, et que sans elle, il n'y a pas d'éveil véritable qui s'exprime.
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yudo
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Dire "le Bouddhisme", c'est pratique. On peut aussi dire "le Bouddhadharma", c'est plus ésotérique et moins pratique. On peut aussi prétendre bannir tous les mots en "-isme", mais le plus souvent, c'est créer l'espace pour un nouvel -isme. Deshimaru critiquait beaucoup les -ismes, et une fois mort, on a fait de lui un "deshimarisme".

Je suis essentiellement d'accord avec ce qu'écrit lausm, mais je pense qu'il vaut mieux, en ce qui a trait au "bouddhisme", se pénétrer de l'idée qu'aucune doctrine, quelle qu'elle soit (et elle sont presque toutes terminées par un -isme) n'est à prendre comme un corps figé, irrévocablement congelé dans la carbolite, comme Ian Solo dans la Guerre des Etoiles. Car tant que c'est figé, cela ne sert à rien. C'est comme la sauce à l'arrabbiata que j'ai mis au compartiment glace l'autre jour. Elle ne sera utilisable que lorsque je l'aurai fait dégeler.

Le Bouddhisme, le vrai, c'est de l'action, pas des excommunications pour hérésie. C'est savoir donner, savoir aider, savoir être aimable et savoir coopérer.

Ce dernier point est toujours assez délicat. Car il implique que des gens qui ne s'aiment pas forcément (et parfois ont de solides rancoeurs personnelles), fassent l'impasse sur leurs différends afin d'agir au bénéfice de tous, eux-compris. Cela implique parfois des efforts sur soi assez énormes. Et lorsqu'on est témoins de tels efforts, on devrait savoir les apprécier à leur juste mesure.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Loro

En somme, moins de bouddhologie et plus de pratique. oiseau2julie
lausm

Tout à fait.
Voilà, du bouddhisme frais, tout juste récolté dans le jardin.
Toujours est-il qu'il faut bien utiliser un mot que tout le monde comprenne!
Lupka

Ca me parait pas mal tout ca jap_8

Si on commençait par se détacher un peu des mots et des maux :mrgreen:
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michel_paix
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Si l'éveil était réellement qu'au-dela du voile cognitif, ceux atteint de maladie cognitive s'éveilleraient ! S'assoir sans la connaissance, les animaux le font et s'éveil pas. S'assoir la tête pleine de connaissances (mots), change rien a l'habitude passé, l'on s'éveil pas plus.
:)
passagère

alors , bien plus que la "tête" , il faut peut être y mettre tout le "corps" ? Que ça "prenne corps" dans l'esprit ?

( y compris la queue ? ça s'est pour les zenistes et la queue du Buffle )

<<metta>>
Loro

Que ça prenne coeur dans le mental.

Mais les concepts ont la vie dure, c'est progressif.

Il ne faut rien brusquer, ce qui n'empêche pas la diligence. Youkaïda.
passagère

coeur dans le mental , progressif , ne rien brusquer , diligence , ...et Youkaida .


Si tu tends trop la corde elle casse , si tu ne la tends pas assez elle ne raisonne pas

Renaud

coeur, corps, esprit à l'équilibre
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