La nuit arrivait...

Katly

C'était là, sans doute aussi le pressentiment de "Fleur de bananier". Mais son inquiétude toute maternelle à l'égard du Bouddha s'était apaisée, depuis longtemps, car elle avait une forte confiance, telle une montagne.
Traversant le village, elle croisa alors un mendiant.
Elle ressentit une immense estime et affection pour ce mendiant l'interpellant sur le chemin et lui donna généreusement l'aumône. Elle le salua comme s'il s'était toujours connu et poursuivit sa marche matinale vers les champs. "Fleur de bananier" fredonna alors un air, une chanson du passé, du présent et du futur :

Sans venir et sans partir,

Ni avant, ni après.

Je te tiens près de moi,

Et te laisse pour être libre,

Parce que je suis en toi, et tu es en moi,

Parce que je suis en toi, et tu es en moi.


Et elle sourit.
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axiste
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Quand elle fredonnait ce chant, elle revenait dans l'instant et ressentait l'interdépendance des êtres et des choses…ça la remettait littéralement debout et elle se sentait être partout et nulle part à la fois: une plume dans ses contradictions…
Elle repensa au mendiant et se rappela que juste avant de lui parler elle avait vu une plume sur le sol…était-ce pour cela qu'elle se sentait si légère ? Non, c'était autre chose: le mendiant peut-être… mais ses pensées refusèrent d'aller au delà et virèrent de bord.
Pourtant, lorsqu'elle arriva sur le seuil de sa maison, un élan s'empara d'elle : elle fit un ménage total, referma la porte et quitta les lieux pour se rapprocher du campement et de sa communauté. C'était une décision sans temps.
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
longchen2

Sans doute ses retrouvailles karmiques avec le mendiant Mahadéva avait à son insu réactivé une "mémoire" et contribué à la décision de Fleur de bananier. Lorsqu’elle arriva au campement elle s’entretint longuement avec le moine le plus âgé nommé Écorce de santal blanc ; il l’écouta et se réjouit profondément de son choix.
Fleur de bananier revêtit alors la robe traditionnelle et en signe de renoncement se rasa le crâne comme les autres moines à qui elle dit (en s'exclamant deux fois) : " Désormais Fleur de bananier n’est plus, mon nom sera Sœur résolue !! "
Les cinq moines joignirent leurs mains au niveau de leur cœur, une nouvelle vie commençait pour Sœur résolue...
Butterfly_tenryu
ted

Mara, le déva maléfique, était furieux ! Il avait décidé de dissoudre la petite communauté. Et voila qu'elle se renforçait d'un nouveau membre. Et quel membre ! Fleur de bananier, dont les formes parfaites éveillaient parfois des élans de désir trouble chez les moines les plus aguerris ! Fleur de bananier donc, venait de déjouer la ruse de Mara. Il revoyait son regard clair et franc dans le miroir.

Par le passé, elle l'avait écouté, poursuivant avec attachement des relations sans lendemain. Et sa souffrance inéluctable avait réjouit l'antique déva. Mais maintenant, quelle transformation ! Il ressentait chez elle cette lucidité, cette joie sans objet, cette sagesse naissante. Autant de paramita qui, tels des affluents, venaient renforcer l'aura de la présence éveillée du Bouddha. Mara sentait qu'elle commençait à lui échapper. Il roda alors autour du camp, à la recherche d'un jeune moine influençable. Il ne remarqua pas Mahadéva qui, ayant pris l'apparence d'un mendiant, s'était camouflé sous une gangue de souffrance illusoire.

Mahadéva observait attentivement les manoeuvres de Mara. La nuit s'épaississait. Des cris de bêtes sauvages retentissaient au loin. Une douce fraicheur s'installait peu à peu. Les feuilles bruissaient doucement.
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axiste
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D'étranges histoires continuaient à agiter la petite communauté, mais Fleur de Bananier, si elle écoutait tout, ne donnait pas prise aux inquiétudes qu'elles véhiculaient..

Elle alluma un feu pour réchauffer les moines qui s'installaient côte à côte pour méditer.
Un jeune moine novice s'endormit sous les assauts du sommeil.
Mais il se réveilla soudain et poussa un cri : quelque chose venait de lui frôler le visage…

La nuit souffla lentement les flammes qui s'affaissèrent vaincues.
A ce moment là, Fleur de bananier ouvrit les yeux et vit sous la lueur de la lune une forme quasi humaine rapide et totalement transparente qui courait dans leur direction : cette vision fugitive la saisit trois secondes, puis disparut. Elle fit le vide dans son esprit et retrouva un calme profond, tout en se demandant comment elle avait pu projeter cette forme étrange et fuyante autour d'eux…et d'ailleurs, l'avait-elle projeté ?
Elle décida de redoubler de vigilance et d'attention et se plongea dans un calme imperturbable. Oui, Mara devait roder par là, elle reconnaissait bien là ses façons !
Cinq clefs pour la parole correcte :
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Katly

Elle ne pouvait rien pour ce qui pouvait se produire dans l'esprit des autres, seulement pour son propre esprit.
Fleur de bananier avait pris conscience combien son manque d'attention et de vigilance, parfois, la plongeait dans la confusion, les perturbations et donnait la faille à Mara. Elle avait des regrets passés, mais surtout, les larmes lui montait aux yeux d'avoir retrouvé son calme profond, sa liberté d'esprit. Quelque chose qu'elle sentait en elle, les prémisses d'une force invincible, qui renaît à chaque instant, qu'elle ne pouvait encore décrire, et la tirait irrésistiblement vers la sagesse. Mais une joie spéciale l'emplissait.
Un peu solitaire, elle continua à se consacrer à des tâches qui favorisaient son calme et sa concentration, cultivant cela comme une bonne et solide terre de jardin pour nourrir les fleurs. Parfois elle dessinait une fleur de lotus, sur le mur de sa hutte, et regardait en souriant, avec une douce tendresse, les traits des visages familiers de la communauté, qu'elle croisait et saluait.
Ce retrait, lui permettait d'être plus lucide et d'être mieux au service des autres.
Elle pensait aux laïcs qui viennent parfois, et à la souffrance des enfants, des femmes et des hommes, des animaux aussi, à chaque instant dans les villages alentour et dans le monde entier. Tant qu'il en serait ainsi le véritable bonheur ne serait pas là...
longchen2

La petite communauté des moines à laquelle Fleur de bananier était tout juste venue se joindre respirait l’harmonie, aussi le visage de Mara brillait d’un éclat plus sombre qu’à l’accoutumé, ses yeux avait aussi une lueur plus rouge...

Il faisait chaud dans la jungle et la fraîcheur du soir était attendue avec soulagement par tous, surtout par Fleur de bananier qui s’était dédiée de bon cœur à différentes tâches avec diligence. Sa concentration était bien meilleure depuis qu’elle avait pris ses vœux et, toute à l’objet de sa concentration, il lui arrivait même d’oublier ce qui l’entourait.
Ce soir-là, moite de sueur, elle se déshabilla et se baigna entièrement nue dans le petit lac qui jouxtait le campement, oubliant la communauté des moines, qui la regardaient, les yeux écarquillés :shock:
Mara quant à lui, souriait...
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axiste
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L'eau se fendait au passage de son corps, ouvrant un chemin fugitif qui se refermait derrière elle à chacune de ses brasses…il n'y avait plus que le mouvement de ses bras, celui de ses pieds puis celui de son corps, puis le contact avec l'eau et le monde tout autour était englouti dans sa nage qui la mettait face à un vide qui se remplissait à chaque fois des rythmes de ses mouvements…c'était un tempo: ondulations de l'eau qui s'enfuyaient jusqu'à devenir invisibles, mouvement de ses bras en cadence respiratoire et battements de pieds sur l'expire…Fleur de Bananier dansait au rythme des étoiles.

Puis tout à coup, une algue vint interrompre son ballet aquatique et la rebascula dans le monde: elle se rappela qui elle était…une méditante sur son chemin. Elle oublia l'eau, son corps et sa danse et retrouva ses esprits. Ce bain, c'était un Léthé. Elle allait repartir à zéro, ne plus céder à ses désirs de volupté…elle aperçut alors les moines et leur cria: c'est rien, j'avais juste trop chaud.

Elle nagea jusqu'à la berge et renfila sa robe. Puis elle se dirigea vers le campement…depuis lequel elle entendit nettement le bruit de plongeons au lointain…décidément, l'effet de mimétisme allait bon
train !
Après tout, il faisait chaud.

Mara était aux anges…
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
Katly

Marchant tranquillement, elle s'arrêta à l'orée du campement, en le contemplant. Elle songea à un hameau pour les femmes. Car elle avait perçut des aspirations à la vie monastique chez des villageoises qui venaient chercher l'enseignement du Dharma du Bouddha. Et quelques femmes laïques de tous âges, de toutes situations, aux aspirations, et tempérament différents voulaient des conseils pour pratiquer dans leur quotidien et s'éveiller.
Dans son village, on avait eu vent de son départ pour rejoindre une communauté et des enseignements du Bouddha. Les graines de bonnes nouvelles avaient porté loin, dans les champs de culture on parlait bien.
Fleur de Bananier avait creusé un sillon dans son carré de jardin. Laissant ses songes au temps et aux saisons...
La fraîcheur de la nuit enveloppait les arbres, les lampes éclairait doucement de leurs petites flammes stables, les lueurs se mêlant au feuillage. Sous le ciel clair et étoilé, elle s'assit silencieusement en méditation. Puis marcha un peu sur le sentier, tranquille et sereine, avant un bon sommeil.

Elle sourit au petit matin d'une nouvelle journée.
ted

Avidinanda était en pleine confusion. Jeune moine novice, il vouait une admiration sans borne au Bouddha. Il avait rejoint la petite communauté parce qu'il ne supportait plus l'autorité constante de sa famille, ni les travaux de la ferme. Ni les villageois, qu'il trouvait stupides et ignorants.

Maintenant qu'il portait la robe, il aimait bien retourner au village pour voir leurs regards respectueux se poser sur lui. Avant, il passait inaperçu, et les femmes qui l'intéressait ne daignait même pas lui accorder un regard. Il avait fini par se résigner et oubliait sa peine en parcourant les champs, les forêts, les monts et les vallées. Séduit par la vie au grand air du sangha, fasciné par la personnalité du Bouddha, il avait pris les voeux. La chaleur et la gentillesse de la petite communauté lui avait fait peu à peu oublier ses rancoeurs.

Mais la vue du corps nu de Fleur de bananier, plongeant dans les eaux, avait réveillé tous ses vieux démons. Même ici, il fallait qu'une de ces créatures inaccessibles, le poursuive de sa présence sensuelle. Il percevait cependant l'innocence des actes de la novice. Son absence totale de provocation. Mais en lui, quelque chose s'était éveillé. Une petite voix qui lui murmurait : "Elle l'a fait exprès", "Elle veut te faire rager".

Au début de la nuit, il avait senti une caresse sur son visage. Réveillé en sursaut, il avait entrevu une forme féminine gracieuse qui tendait les bras vers lui. Cette vision fugitive avait laissé un désir trouble en lui. Inquiet, il jeta un regard alentour. Son front était si brûlant, sa respiration tellement oppressée, qu'il craignit de se faire remarquer. Une bonne partie de la communauté s'était déjà endormie. Des lumières filtraient encore par ci, par là. Comme un automate, il se dirigea vers la hutte de Fleur de Bananier. L'esprit en feu. Avidinanda allait écarter d'un geste brusque le rideau de paille, quand son regard fut attiré par un mouvement dans l'ombre : un vieux mendiant, couché près de la hutte, le regardait d'un regard clair.

- "J'ai soif", dit le mendiant.
- "A boire, je vous en prie. J'ai si soif !"
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