Se sentir blessé

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tirru...
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ted a écrit :Qui est capable ici, d'essuyer une insulte, un reproche ou un acte de malveillance, sans en ressentir de la tristesse ?
Un être détaché. Un esprit froid. Un homme sans coeur.
Mais d'où vient cette certitude d'avoir été blessé, sinon de la saisie permanente d'un soi ?
Aussi impermanentes soient-elles, les réactions causées par l'offense sont bien réelles tant au niveau mental, émotionnel que physique. Ceci dit, nous ne sommes pas limités à être acteur mais nous pouvons nous asseoir zeeeennnyyy confortablement à la place du spectateur. La saisie et donc l'identification est plus ou moins intense selon l'angle choisit. Au delà de cette observation, devons-nous éviter d'être blessé ? Si par différentes méthodes nous avons la capacité de faire abstraction de l'acteur qui est en nous, devons-nous pour autant l'ignorer ? Je crois que c'est cette proximité entre acteur et spectateur qui fait de nous des humains.

La stance n°3 et 4 du Dhammapada se rapproche du thême abordé ici :
Dhammapada a écrit :3. " Il m'a maltraité, il m'a battu, il m'a vaincu, il m'a volé ", la haine de ceux qui chérissent de telles pensées n'est pas apaisée.

4. "Il m'a maltraité, il m'a battu, il m'a vaincu, il m'a volé ", la haine de ceux qui ne chérissent pas de telles pensées est apaisée.

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anjalimetta
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Katly

ted a écrit :On parle de blessures, mais est ce que la solution est l'abandon du soi ?
ted a écrit : Mais d'où vient cette certitude d'avoir été blessé, sinon de la saisie permanente d'un soi ?
Et qui serait prêt ici à abandonner son soi ? :D :mrgreen:

Autant sauter dans un précipice sans fond, sans parachute... :)
Les pratiquant avancés décrivent une étape terrible de vipassana qui s'appelle "la dissolution" et où une peur panique, une angoisse terrible, s'abat sur le pratiquant qui vient de réaliser que les choses sont "sans soi" et que lui même aussi ! :shock:
J'en rêve ! mais j'ai comme un cordon ombilical fantôme qui me relie, et un cadavre d'enfant sur le dos.
Les moments où je peux vraiment vivre l'instant présent sont un immense bonheur pour moi.
ted

tirru... a écrit :Je crois que c'est cette proximité entre acteur et spectateur qui fait de nous des humains.
C'est marrant. J'aurais dit plutôt l'inverse : c'est cette proximité entre l'acteur et le spectateur qui nous empêche d'être totalement humain.
Un être pleinement humain est un éveillé, à mon sens. jap_8
ted

ted a écrit :Et qui serait prêt ici à abandonner son soi ?
Flocon a écrit :Pas moi, aucun doute là-dessus. Je le vérifie tous les jours. :)
Erratum a écrit : ce n'est pas abandonner son soi qui me semble aider, mais au contraire la bonne connaissance de ce qu'est notre soi.
Pourtant, tant qu'on adhère à l'illusion d'un soi, parait qu'on demeure dans l'ignorance et qu'on saisit les apparences. :cool:
Katly

Ce qu'on fait par rapport à ce soi, à s'y accrocher, on fait pareil avec les autres. Ce qu'on ne dit pas souvent c'est l'idée d'un soi qu'on se fait de l'autre auquel, on s'accroche, parce que ça arrange ou rassure, le moindre qualificatif sert à cette fabrication. Et bien des gens s'étonnent de l'impermanence, de voir un être qui n'est plus le même. Butterfly_tenryu
Katly

Lorsqu'on retient un soi, on empêche l'évolution, la progression, on s'empêche de vivre, on empêche un enfant de grandir, une femme de s'épanouir, on bloque le cycle de la vie et c'est cela qui fait souffrir, créer des problèmes.
Dhammadanam

ted a écrit :Qui est capable ici, d'essuyer une insulte, un reproche ou un acte de malveillance, sans en ressentir de la tristesse ?
Un Eveillé

Libéré des facteurs perturbateurs, ayant brisé vedana, sans kilesa il ressentira metta et karuna.
La tristesse est une émotion caractérisée par des sentiments de désavantages, de perte, d'impuissance, de chagrin et de rage
Les Trois Poisons/Trois racines malsaines indissociables désignent l'attachement (avidité/convoitise...), aversion (colère...) et l'ignorance considérées comme l'origine de toutes les souffrances

Qu'en dit Ajahn Akincano Bhikkhu ?
Est-ce qu’on peut dire que le fait d’observer en témoin, les effets d’une émotion lui fera perdre son énergie et finalement lui permettra de s’atténuer et de disparaître ? a écrit :
Oui, on peut dire cela. Parfois cela fonctionne mais parfois non. Cela dépend vraiment de la qualité. Etre témoin de quelque chose veut dire plusieurs choses, par exemple qu’on se tient à l’extérieur. En fait, dans ce cas, on ne témoigne pas vraiment, on voit avec deux doigts, cliniquement, quelque chose qu’on a distancé en soi, qu’on n’a pas vraiment accepté comme sien.

On n’en n’a pas vraiment accepté la responsabilité mais on espère que cela va s’améliorer. On peut dire que c’est un témoignage, on peut dire, qu’on s’y jette vraiment, qu’on voit avec tout. On l’embrasse et on dit : c’est un témoignage. Mais en fait, on a déjà mis en scène. La qualité de ce témoignage dépend beaucoup de notre capacité à attendre, pouvoir attendre quelque chose, c’est directement dû à Sati, à notre capacité d’unifier l’esprit.

Il y a des choses dont on peut témoigner en les laissant passer, sans s’y mêler. Mais pour cela on a besoin d’une situation de culture. Souvent, même toujours, on ne fait pas comme cela on ne témoigne pas, on met en scène.

Le contraire de cette mise en scène serait le refoulement.

Une autre forme de mise en scène serait de voir les choses calmement : maintenant il y a des pensées de colère qui montent et je peux les mettre en scène en les prenant, en les affirmant, en cherchant des raisons, des causes, un bouc émissaire, en fournissant des images. Et puis je commence à me sentir indigné, il y a une sorte d’énergie qui s’empare de moi que peut être j’affirme aussi parce que j’aime bien l’énergie, cela me donne un sentiment de puissance.

J’aime beaucoup plus l’énergie de la colère que l’énergie de la dépression. Donc, une mise en scène et une affirmation subtile du contenu de cette expérience, disons l’image et la pensée, et on finit avec un état physique où le pouls s’accélère, l’adrénaline coule, les yeux se dilatent. Vous reconnaissez les symptômes n’est ce pas ?

Et quand cela s’intensifie jusqu’à un certain point, votre processus cognitif va changer, les visages sont plus accentués, les gens autour de vous ont l’air de caricatures. Il y a tout un processus que je considère comme une mise en scène du contenu d’une première petite pensée.

Or, témoigner d’une manière qui permet à l’émotion de s’épuiser, est un témoignage qui ressent et qui en même temps reste dehors. Quand il s’agit d’un témoignage de cette sorte, très bien, c’est le cas idéal ; on permet aux choses de monter, on les met dans un cadre transparent mais bien fortifié, et puis on reste témoin jusqu’à ce qu’elles meurent.

Elles font leur bruit, elles font leurs mouvements, on dit : « oui, je t’écoute, je vois très bien de quoi tu me parles, tu as toute ma compassion, mais en fait je ne peux pas vraiment te relâcher, ça fait trop de saleté, trop de dégâts. » Et on témoigne de l’apparition, de la durée et la disparition de cet état, tout en restant en contact, on ne ferme pas son coeur.

Mais on ne dit pas : « Ah oui ! Tu as raison… » On reste en contact de manière neutre mais en résonance. C’est très important de comprendre çà, ce n’est pas une stérilité qui est demandée, ce n’est pas la distance et la coupure. Il est nécessaire de rester en contact donc de sentir les vibrations mais pas de les affirmer ou les transmettre à travers les pensées, les actes, ou les mots. C’est en fait une sorte de grande compassion, une compassion prête à sentir ce qui fait mal dedans.

La traduction parfois utilisée pour Vipassana est de voir à travers quelque chose. C’est le cas idéal, quand on permet aux émotions de se montrer. C’est le meilleur des cas, quand on peut se mettre en résonance avec elles, sans les affirmer, sans les magnifier ni les refouler et en même temps rester avec. C’est cela qui est difficile, parce qu’une émotion, mes émotions, je ne sais pas les vôtres, me disent « prends moi au sérieux, fais quelque chose, ne regarde pas seulement, je suis là, il faut faire quelque chose ! » Elles essaient de m’impliquer. Il y a plein de petits crochets, de petites irritations.

En faisant une telle pratique, la valeur de ce que nous essayons de faire dépend directement de notre capacité de nous mettre vraiment en contact avec ce qui se passe. Donc, penser n’aide pas du tout.

Nous ne redoutons pas nos émotions si nous ne faisons que penser à ce qui nous a fait mal ou à ce qui nous a fait du bien. Il faut vraiment un contact aussi physique que possible avec la qualité et la vibration de cette émotion et en même temps, il faut le calme, une stabilité de l’esprit qui ne se fait pas prendre, qui est capable de sentir l’émotion sans se faire phagocyter. Peut-être que cela clarifie un peu la notion de témoignage…
Dernière modification par Dhammadanam le 29 mars 2013, 23:00, modifié 3 fois.
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tirru...
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ted a écrit :
tirru... a écrit :Je crois que c'est cette proximité entre acteur et spectateur qui fait de nous des humains.
C'est marrant. J'aurais dit plutôt l'inverse : c'est cette proximité entre l'acteur et le spectateur qui nous empêche d'être totalement humain.
Un être pleinement humain est un éveillé, à mon sens. jap_8
Dhammadanam a écrit :Un Eveillé

Libéré des facteurs perturbateurs, ayant brisé vedana, il ressentira metta et karuna.

On est en droit de se demander, en tant que pratiquants laïcs non éveillés :cool: , comment peut-on être liés à son humanité en l'absence de toute sensation ?
Bhante Gunaratana a écrit : Le Vénérable Sariputta, tel que mis par écrit dans le Anguttara Nikaya, dit dans un de ses dialogues: “Ce nibbâna est le bonheur” [sukham idam avuso nibbanam]. Alors, un des moines qui écoutait demanda: “Ami Sariputta, quel est ce bonheur expérimenté quand rien n'est ressenti dans ce [nibbana]?” [kim pan avuso Sariputta sukham, yad natti vedayitam ti?"] Répondant à cette question Sariputta dit: “Cette absence même de sensations c'est le bonheur même.” [etad eva khv avuso sukham, yad ettha natthi vedayitam.]
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anjalimetta
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Dhammadanam

Tirru,

Je dirais que l'humanité telle que nous pourrions la définir est une illusion qui nous renvoie à l'Ego.
L'humanité désigne à la fois l'ensemble des individus appartenant à l'espèce humaine (Homo sapiens) mais aussi les caractéristiques particulières qui définissent l'appartenance à cet ensemble
Nous associons l'absence de sensations au nihilisme, au néant.

Mais tu as raison et la réponse à ta question est surement l'une des clef vers la libération.

anjalimetta
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axiste
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Nous associons l'absence de sensations au nihilisme, au néant.
Sans doute pas tout compris, mais j'aurais tendance à croire que l'absence de sensations serait une connaissance totale de ces sensations... :oops:


j'essaie ça: prendre soin de mes émotions et de mes sensations, comme si c'étaient mes enfants…parce que mes sensations ne sont pas des ennemies à vaincre mais des indications très précieuses sur ce que la vie me dit, sur ce que je suis…

Quand je suis en mode off, je passe totalement à côté de la vie et ça m'arrive aussi. Dans ces cas là c'est très perturbant: où est passée la vie en moi ? C'est un drôle d'état où je deviens mort-vivante. Heureusement, je prends conscience que cette insensibilité apparente est aussi une émotion et alors peu à peu cela disparaît: mais seulement parce que j'accepte cet état de fait, parce que je lui ouvre grand mes bras.
C'est l'enfant en moi qui s'était totalement insensibilisé, tétanisé, arrêté. Mais maintenant, je le reconnais et je le prend doucement par la main.

Je sais qu'il a eu très très peur parfois, peur de mourir aussi et parce qu'il s'est senti en insécurité totale il n'avait pas le choix de sa stratégie…

Quelquefois, je suis obligée de lui raconter des histoires, de lui lire des poèmes, de dessiner pour lui…c'est tout un cheminement en patience…pour lui, je ne peux plus me couper de mes sensations, je les laisse s'épanouir…
Je lui apprends peu à peu à marcher sereinement…et peu à peu nous devenons un, nous nous accordons à nouveau…il a fallu aller le chercher au fond de son mutisme et de son refus de la vie. Au début, il n'entendait rien, strictement rien…
Peu à peu l'écoute est venue, très lentement…quand il a commencé à écouter, j'ai cessé d'être divisée…une grande paix tout au fond de moi parce que je ne pouvais plus vivre dans l'isolement d'une partie de moi même : c'est une situation trop "autistique".

Je ressens encore parfois son mutisme qui laisse encore ses empreintes dans mes mots actuels, et j'ai besoin d'exploser ce truc là…alors parfois ça part en vrille mais c'est très bien comme ça…en fait, tout est très bien comme c'est, même les émotions qui débordent, même les non retenues, ou les opacités passagères que je repère de mieux en mieux : je ne m'en voudrai plus jamais pour cela…c'est juste impossible !

Devenir acteur et spectateur à la fois, c'est une grande liberté …
C'est sans doute pas l'éveil dont vous parlez si souvent, mais en tous cas, c'est certainement une grosse tranche de sérénité dans mon corps esprit à nouveau réunis.

Avec un recul possible, qui n'est plus dans l'absence, mais dans la présence qui se fait de plus en plus vive….(et d'ailleurs, merci aussi le Dhamma pour cela !)

Alors, se sentir blessée, non, ça ne m'arrive plus si souvent en fait…

J'aurais plus peur de blesser que d'être blessée actuellement.
Alors, je fais attention aussi à ça en ce moment…
Etre présente. C'est tout. Alors je me concentre là dessus.

Quant à savoir si je dois tuer ou pas mon moi, ce serait presque un luxe de penser comme cela…l'ouverture entraîne nécessairement et naturellement un allègement de cette entité moi. Le reste suivra…je me suis déjà suffisamment tuée pour l'instant… :shock: et la prochaine fois, je laisserai la vie me tuer quand elle le décidera, ce sera beaucoup plus simple et beaucoup plus serein. jap_8
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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