L'homme religieux n'est pas celui qui observe d'innombrables rituels, qui se plie aux traditions, qui vit une culture morte, dépassée, qui explique sempiternellement la Gita ou la Bible, qui psalmodie interminablement, (...), cet homme là n'est pas religieux, il fuit la réalité des faits.
L'homme religieux suscite en lui-meme une totale et complete transformation, qui signifie pour lui la cessation de toute avidité, de toute envie, de toute ambition; Il n'est plus dépendant des conditions alentour;
L'homme religieux est responsable, il doit par conséquent se comprendre lui-meme; Donc, dans sa réalité, c'est ici meme qu'il doit commencer, et non dans un temple;
(...) Quelle relation peut-il y a avoir entre celui qui a le sens de la compassion et l'homme qui reste terré au sein d'une collectivité, d'une tradition ? Ce qui cherche à se conformer ne peut fleurir dans le bien, le juste.
Pour cela, la liberté est necessaire; Ce n'est pas au sein de la société qu'à lieu cette floraison du bon et du juste, car la société elle-meme est toujours corrompue. Seul celui qui comprend toutes les structures, tous les mécanismes de la société, et s'en libère, seul celui-là a du caractère, et lui seul peut s'épanouir dans le bien.
L'esprit religieux ne fonctionne pas à partir d'une autorité, qu'elle consiste dans le savoir accumulé sous forme de tradition, ou du conditionnement.
L'esprit religieux, n'est pas ritualiste, il n'est inféodé à aucune église, à aucun groupe, à aucun système de pensée.
L'esprit religieux, c'est celui qui a plongé au coeur de l'inconnu, c'est le véritable esprit révolutionnaire, qui n'est pas une réaction par rapport au passé. Il est véritablement explosif, créatif, il est en état de création.
La religion, telle que nous la connaissons ou la reconnaissons en général, est une gamme de croyances, de rituels, de superstitions, de cultes rendus à des idoles, de fétiches et de gourous, destiné à ce qui représente selon vous le but ultime.
L'ultime vérité, c'est une projection de vos propres désirs, c'est ce qui va vous rendre heureux, vous donnera l'assurance d'un état qui échappe à la mort. L'esprit ainsi empetré dans tous ces problèmes, crée une religion, une religion de dogmes, de mainmise de pretres, de superstitions et de culte idolatre - et vous etes happés par cela, et votre esprit stagne.
S'agit-il là de religion ? La religion est-elle affaire de croyance, de connaissances, est-elle le fait des expériences et assertions d'autrui ? Ou bien consiste-t-elle simplement à se soumettre à une morale ?
Vous savez qu'il est relativement facile d'avoir de la morale - de faire ceci mais pas cela. Parce que c'est facile, vous etes capable de copier un code moral. Derrière cette moralité se tapit sournoisement l'égo, qui grandit et s'enfle, agressif et dominateur. Mais cela est-il la religion ?
Nous devons trouver ce qu'est la vérité parce que c'est la seule chose qui compte (...) et la mort est toujours là.
C'est donc sans l'appui d'aucune croyance qu'il vous faut trouver; vous devez avoir assez de vigueur, de confiance en vous, d'initiative, pour arriver à savoir par vos propres moyens ce qu'est la vérité. Nulle croyance ne vous sera d'aucun secours, car elle ne fait que corrompre, asservir, obscurcir.
Qu'entendons-nous par "religion" ? Certainement pas la religion organisée, certainement pas l'hindouisme, le bouddhisme ou le christianisme - qui sont autant de croyances organisées, avec leur propagande, leurs conversions, leur prosélytisme, leur coercition, et ainsi de suite.
Elle peut engloutir la vérité, l'emprisonner dans ses filets, mais la religion organisée n'est pas authentique, elle divise les hommes.
Je suis musulman, vous etes hindou, tel autre est chrétien ou bouddhiste - et nous nous querellons, nous nous massacrons.
Où est la vérité dans tout cela ?
Pour trouver la réalité, ce qu'il nous faut, c'est la vertu. La vertu, c'est la liberté, et ce n'est qu'à travers la liberté que la vérité peut etre trouvée - et pas lorsqu'on est aux mains d'une religion institutionnelle, avec toutes ses croyances.
De toute évidence, c'est parceque les croyances sont pour vous une source de sécurité et de réconfort, un guide. Tout au fond de vous, vous avez peur, vous avez besoin de protection, d'un appui, c'est pour toutes ces raisons que vous créez l'idéal, qui vous empeche de comprendre ce qui est.
Lorsque l'esprit s'écarte complètement de tout le savoir qu'il a accumulé, que pour lui il n'y a plus ni bouddha, ni christ, ni maitres, ni dispensateurs de savoir, ni religions, ni citations; quand l'esprit est complètement seul, exempt de toute contamination, alors seulement deviennent possibles une révolution, un changement fondamental...
L'homme religieux, c'est celui qui n'appartient à aucune religion, à aucune nation, à aucune race, qui est, à l'interieur de lui-meme, complètement seul, dans un état de non-savoir, et c'est pour lui qu'advient la bénédiction du sacré.
Il est tout aussi absurde d'etre théiste que d'etre athée. Si vous saviez ce qu'est la vérité, vous ne seriez ni théiste, ni athée, car dans cette conscience lucide, la croyance n'est plus nécessaire.
Pour découvrir la vérité, l'esprit doit etre libéré de tous les obstacles qui se sont crées; Pour franchir le rempart que forment ces obstacles, l'intellect ne suffit pas, il vous faut beaucoup d'intelligence. L'intelligence c'est la pleine harmonie du coeur et de l'esprit; et vous découvrirez alors par vos propres moyens, sans rien demander à personne, ce qu'est la réalité.
L'homme religieux (texte Jiddhu krishnamurti)
Je ne suis ni du Nord ni du Sud
Par Pierre Rabhi le vendredi 03 décembre 2010, 13:19
Lorsque l’on est, comme moi, composé de deux cultures, du Nord et du Sud (je suis français d'origine algérienne), on se construit sur des valeurs qui ne sont pas nécessairement convergentes. Vers 42 ans, je me suis beaucoup questionné sur mon identité. Durant des années, mes préoccupations avaient été tournées vers ma ferme. Allais-je réussir à nourrir ma famille ? Devions-nous rester ou nous en aller ? Nous étions absorbés par notre production agricole, jusqu’à ce que nous réussissions enfin à en vivre. C’est à ce moment-là que mes problèmes d’identité m’ont rattrapé.
La crise s’est d’abord manifestée par une grande fatigue. Toutes mes interrogations, notamment sur la religion, me menaient dans l’impasse. J’ai eu le réflexe, au début, de me raccrocher à l’une ou l’autre de mes cultures. Mais à quoi ? Aux dépens de quoi d’autre ? Plus je cherchais des repères clairs, plus le doute augmentait, et plus cela m’était douloureux.
J’ai alors découvert Krishnamurti (Jiddu Krishnamurti (1895-1986) philosophe et éducateur d’origine indienne, et l'auteur de nombreux ouvrages, dont "La Première et Dernière Liberté"*). Ce philosophe postulait qu’un changement de société ne pouvait advenir sans un changement profond de l’individu, une mutation de son « vieux cerveau conditionné ». Je découvrais que je ne pourrais pas m’en sortir sans me libérer de mes appartenances. J’ai appris à ne plus être ni du Nord ni du Sud, à ne plus me définir par aucune idéologie, aucun parti ou choix confessionnel, qui me mettraient en opposition avec d’autres. Nous avons la prétention, avec une capacité de penser limitée, d’appréhender le réel de nature infinie. Or nous pouvons tout juste comprendre un fragment de réalité exiguë, souvent différent de celui de nos semblables. Krishnamurti dessine la voie d’un humanisme qui aboutit à reconnaître l’unité absolue du genre humain. Nous ne pourrons aller vers cet universel sans dépasser nos affirmations identitaires, nos divers conditionnements.
Le débat actuel sur le voile me paraît par exemple symptomatique du chemin à parcourir pour établir un vivre-ensemble satisfaisant pour tous. Je suis bien sûr hostile aux confinements imposés aux femmes. La posture laïque, lorsqu’elle transcende les oppositions religieuses, est souhaitable. Mais la politique a bien d’autres choses à faire que de débattre de ces broutilles. Il est temps de cesser de regarder ce qui nous sépare pour trouver une convergence sur ce qui nous unit et qu’aucun humain ne peut nier. Prendre soin de la Terre comme bien commun, universel, indispensable à la vie de chacun sans exception, est une nécessité bien plus urgente et irrévocable pour l’espèce humaine tout entière.
Pierre Rabhi
http://www.pierrerabhi.org/blog/index.p ... -ni-du-Sud