Flocon a écrit :Mais si on pose la question sous l'angle de la renaissance, qu'en est-il? Reviennent-ils ou non? Si oui, qu'est-ce qui les fait revenir? Ce ne peut être que le karma.
Personne ne revient. Quand on dit que les Bodhisattvas reviennent, c'est la sagesse de la Compassion Infinie qui s'exerce et elle s'exprime sous la forme d'un Nirmanakaya. Un Nirmanakaya n'est pas un Bodhisattva qui renaît ; c'est le Corps d'Apparition (ou de Métamorphose) du Bouddha qui exprime la Sagesse du Corps de Loi du Bouddha (Dharmakaya), lequel est "non-né". Les Nirmanakaya peuvent d'ailleurs prendre n'importe quelle forme (humaine ou non), voire plusieurs en même temps, pourvu qu'elle soit reconnue par les êtres sensibles (humains ou non) auxquels elle (la forme du Nirmanakaya) s'adresse (pour leur enseigner le Dharma).
La nature de Buddha est présente dans tous les êtres sensibles, sans exception. Dès lors, cette nature s'exprimera ou non selon le karma de ces êtres (ce qui veut dire qu'ils la reconnaîtront ou pas). Si elle ne s'exprime pas, leur nature de Bouddha est comme un Pratyekabuddha, ce qui veut dire que ces êtres sensibles pourraient rencontrer le Bouddha ou un Bodhisattva mais ne le reconnaîtraient pas (en eux comme à l'extérieur, car il est impossible de reconnaître un Bouddha à l'extérieur si on ne le reconnaît pas à l'interieur). Bien entendu, ces êtres sont insensibles au Dharma puisqu'ils sont incapables de l'entendre et encore moins de le comprendre. Si leur nature de Bouddha s'exprime, alors le Bodhisattva apparaît (c'est le Nirmanakaya). Quand on dit que la nature de Bouddha s'exprime dans les êtres, cela veut dire que ces êtres la reconnaissent, c'est le Samboghakaya (Corps de Rétribution) ; c'est quand le Bouddha apparaît au Bodhisattva. Et quand ils la reconnaissent (c'est à dire reconnaissent leur nature de Bouddha), alors ils deviennent eux-mêmes, objectivement, des Bouddhas (c'est à dire des Nirmanakaya).
Mais le Bodhisattva, ce n'est pas un être à part d'eux ; c'est chacun d'entre nous si nous le reconnaissons. Si nous ne le reconnaissons pas, c'est le Pratyekabuddha car celui-ci ne peut nous enseigner. Mais le Bodhisattva ou le Pratyekabuddha n'est personne d'autre que nous-même. Lin Tsi disait à ses disciples (mais il aurait pu le dire à chacun d'entre nous) : «
Le rayonnement pur émanant de votre esprit à chacune de vos pensées, c'est là le Bouddha en son Corps de Loi (Dharmakaya) qui est en votre propre maison ; la rayonnement sans différentiation subjective qui émane de votre esprit à chacune de vos pensées, c'est là le Bouddha en son Corps de Rétribution (Samboghakaya) qui est en votre propre maison ; le rayonnement sans différentiation objective qui émane de votre esprit à chacune de vos pensées, c'est là le Bouddha en son Corps de Métamorphose (Nirmanakaya) qui est en votre propre maison. Ces Trois Corps ne sont autres que vous-mêmes qui êtes là, devant mes yeux, à écouter la Loi... » (les mots entre parenthèse : Dharmakaya, Samboghakaya... sont ajoutés par moi-même, pour rendre la lecture plus claire)
Peut-être n'y a-t-il pas du tout d'éveillé qui ne revienne pas : c'est le sens du kôan du renard blanc, je crois.
C'est cela même. Il n'y a pas de Samsara séparé de Nirvana. L'idée de vouloir échapper au Samsara pour entrer en Nirvana est une vue dualiste. Les mauvais esprits diraient "vue hinayaniste", ce qui – au passage – n'a strictement rien à voir avec les Théravadins.