Où s'arrête la curiosité ? Où commence la spéculation ?

ted

Le Bouddha a déconseillé les spéculations mentales, les comparant à un guerrier qui tenterait de connaître dans le détail les caractéristiques et la provenance de la flèche qui l'a blessé, avant d'extraire celle-ci.

- Mais qu'en est-il de la recherche scientifique ? Après tout, elle se développe largement à partir de spéculations qu'on va tenter de vérifier, d'expérimenter.

- Qu'en est-il de cet élan de curiosité naturelle qui va pousser l'homme à s'interroger sur l'univers et à essayer d'en comprendre le fonctionnement ?

Où s'arrête la curiosité légitime et où commence la spéculation stérile ?


  • – Faut-il vivre la vie sainte, Māluṅkyaputta, parce qu'on croit que le monde est éternel ? Non. Faut-il vivre la vie sainte parce qu'on croit que le monde est temporaire ? Pas davantage. Mais que l'on croie que le monde est éternel ou temporaire, il y a la naissance, le vieillissement, la mort, le chagrin, les lamentations, la douleur, l'insatisfaction et le désespoir dont je montre l'anéantissement dans la vie présente.

    – Faut-il vivre la vie sainte parce qu'on croit que le monde est fini... qu'il est infini... que le principe vital et le corps sont identiques... qu'ils sont distincts... qu'après la mort le Tathāgata existe encore... qu'il n'existe plus... qu'il existe et n'existe pas... ni qu'il existe ni qu'il n'existe pas ? Non, Māluṅkyaputta. Mais que l'on croie ceci ou cela, il y a la naissance, le vieillissement, la mort, le chagrin, les lamentations, la douleur, l'insatisfaction et le désespoir dont je montre l'anéantissement dans la vie présente.

    – Par conséquent, Mālunkyaputta, tiens pour inexpliqué ce que je n'ai pas expliqué, et pour expliqué ce que j'ai expliqué.

    – Que n'ai-je pas expliqué ? Je n'ai pas expliqué si le monde est éternel ou temporaire... Pourquoi ne l'ai-je pas expliqué ? Parce que ce n'est pas utile pour atteindre le but, que ce n'est pas le départ de la vie sainte, que cela ne mène pas au désenchantement, au détachement, à la cessation, à l'apaisement, à la connaissance directe, à la pleine réalisation ni au Dénouement. Voilà pourquoi je ne l'ai pas expliqué.

    – Et qu'ai-je expliqué ? J'ai expliqué “ceci est le malheur”, “ceci est la source du malheur”, “ceci est la cessation du malheur” et “ceci est le chemin qui mène à la cessation du malheur”. Pourquoi l'ai-je expliqué ? Parce que c'est utile pour atteindre le but, que c'est le départ de la vie sainte, que cela mène au désenchantement, au détachement, à la cessation, à l'apaisement, à la connaissance directe, à la pleine réalisation et au Dénouement. Voilà pourquoi je l'ai expliqué. »

    Majjhima Nikaya MN 63
    Cūḷamāluṅkya Sutta — Le court discours à Māluṅkya —

    source
Katly

A l'instant ou goodbye for now. <<metta>>
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axiste
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La curiosité légitime ne saisit pas… elle découvre et s'émerveille, pour libérer l'homme de ses carcans ou ignorances, ainsi la science nous permet de moins faire souffrir parfois et de guérir (greffes, implants, etc)

La spéculation satisfait ses intérêts propres avant tout, peu importe ce qui arrive à l'homme, c'est une vue courte, pas éclairée, destructrice...

Mais c'est d'abord une question d'éthique que l'on comprend ou pas sans doute….?! shuuuuuuuuuuuuttttt
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
longchen2

La curiosité peut être légitime jusqu’à un certain point, puis effectivement si on se laisse emporter par une pensée qui en amène une autre et puis une autre etc. (comme une forme de distraction) on peut tourner en rond dans le labyrinthe de l’intellect.
Par contre j’ai beaucoup de mal à fixer la limite, et il est possible que cela soit personnel, les plus intellectuels pousseront sans doute la curiosité le plus loin, mais au final il est possible qu’il faille tout lâcher, alors pourquoi ; oui, pourquoi ? :mrgreen:

Pour développer la Confiance ? Si c’est cela je ne crois pas pour ma part que le raisonnement suffise, mais que cela soit une composante, oui certainement. Enfin ce n’est que mon avis. <<metta>>
ted

C'est pas facile comme question, n'est ce pas ? Moi-même, je ne sais pas trop où j'en suis de ce point de vue.
Ayant une formation scientifique, j'ai tendance à chercher régulièrement le pourquoi des choses. Et je crois que bien des découvertes majeures sont nées de cette tendance de l'homme.
En même temps, il y a une grande satisfaction à accepter les choses telles qu'elles sont. C'est une torture de moins pour l'esprit. Mais imagine t'on Newton, Galilée ou Einstein, évoluant sans un minimum de pression intellectuelle ?

Et qu'est ce que la spéculation métaphysique par exemple dont parle le bouddha (l'univers est-il éternel, le Tathāgata existe t'il après la mort, etc...) sinon cette curiosité, cette soif de savoir, mais appliquée aux choses de l'esprit ?

Je crois qu'il faut donc bien séparer deux choses :
- se libérer de la souffrance
- acquérir une connaissance intellectuelle

Reste à savoir si l'acquisition d'une connaissance intellectuelle fait partie de ces plaies du samsara qui nous enchainent ? Je pense que non.
Le bouddhisme laisse une large part à l'étude. La démarche du Bouddha était celle d'un scientifique observant son esprit.
Je pense qu'il dénonce plutôt les mauvaises approches : un mauvais outil d'expérimentation étant l'esprit rempli de confusion du chercheur qui ne se connait pas lui-même.
Katly

Il y a besoin des deux choses.
Même s'agissant de la souffrance, "la curiosité légitime" est importante comme pour tout le travail fait par des médecins dans le domaine de la psychologie et de la psychanalyse pour comprendre la souffrance humaine. Car il y a différents types de souffrances, physiques et psychologiques, psychiques et qui peuvent comporter séquelles et trauma dû à une blessure physique ou psychologique ou les deux.
La tension, la pression du chercheur, d'explications, de remèdes vient de son aspiration bienveillante à vouloir faire cesser une souffrance, un questionnement profond.

Mais se libérer d'une souffrance immédiate dans l'instant, c'est faire aussi cesser les spéculations, pour être justement dans cet instant qui permet parfois d'avoir les réponses, la guérison, faisant cesser d'un coup le questionnement, pour accepter dans le lâcher-prise.

Emerveillement, curiosité, recherche, conscience, raisonnement.. tout cela fait partis de l'être humain.
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axiste
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cela mène au désenchantement, au détachement, à la cessation, à l'apaisement, à la connaissance directe, à la pleine réalisation et au Dénouement.
J'ai du mal avec le mot désenchantement.
Il y a quelque chose qui ne colle pas avec ce mot, vraiment.
Je sais pas si c'est un problème de traduction ou si c'est moi qui ne comprend pas.

Peut-être ça veut dire qu'on n'a plus d'illusions ?… alors là je comprendrais mieux.

Mais le mot désenchantement prête à confusion, parce qu'il faut chercher pour le relier à ce sens là.

On ne peut pas être désenchanté du monde sinon on n'a plus l'élan de vie.

Par contre, on peut perdre ses illusions et se rapprocher de la réalité et ça, c'est plutôt porteur de beaucoup d'élans et de forces.
Je crois qu'il faut donc bien séparer deux choses :
- se libérer de la souffrance
- acquérir une connaissance intellectuelle
Oui, l'intellect a sa place s'il n'est pas déconnecté de la réalité, et la réalité ne peut être abstraite non plus de ce que vivent les gens au quotidien.
Oui, c'est une question difficile oiseau2julie
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- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
ted

axiste a écrit :On ne peut pas être désenchanté du monde sinon on n'a plus l'élan de vie.
L'élan de vie, c'est la renaissance assurée... C'est pas ce qu'on est censé chercher... :oops:

Il y a cette lecture du bouddhisme qui dit que le samsara n'a rien de bon à nous offrir. Pas même, je suppose, les connaissances scientifiques ? :roll:
C'est une vision un peu adjorpienne, mais qui existe.

Les moments paisibles dans le samsara ne seraient que du bon karma qu'on consomme. Une fois cette rétribution terminée, dukkha se fera (se ferait) sentir dans toute son implacabilité.
Katly

L'élan de vie va avec un sens à sa vie, et cela même si on sait qu'on va mourir ce qui est la réalité. Et la réalité de toutes choses de l'impermanence.

"Les moments terribles dans le samsara ne seraient que du mauvais karma qu'on consomme. Une fois cette rétribution terminée, sukkha se fera ( ferait ) sentir dans toute sa mansuétude."

C'est un peu comme le docteur Créo qui cherche, mais passe à côté de l'instant, l'élan de vie qui est dans l'instant :



Mais il faut les pieds sur terre, descendre des nuages pour toucher les nuages.
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axiste
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L'élan de vie, c'est la renaissance assurée... C'est pas ce qu'on est censé chercher...
Si l'élan vital ne nous traversait pas, nous ne serions pas là en effet.
Même pas dans l'instant présent.
Si on sourit c'est grâce à lui.
Si on respire aussi.

La vision que tu décris comme celle d'Adjorpa" est aussi dans cet élan là: Adjorpa respire parmi nous.
L'impermanence et le non soi y ont leur place aussi.

Tout dépend sans doute comment les mots portent la vie...notre regard y fait beaucoup.

Revenir à l'instant, oui ...là où les concepts perdent leur élan vital...
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