Les mondes...

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axiste
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Les mondes

Nous trimbalons tous des mondes entiers dans nos têtes, des mondes entiers dans nos corps.
Un jour, j’ai vu un dessin humoristique d’une méditante envahie par ses pensées. Dans la première case, elle est assise, silencieuse et calme. Ensuite, le mot pense apparaît dans sa tête. Ensuite, un autre pense apparaît accroché à son cou, et ensuite encore un autre sur sa poitrine, et finalement, à la fin du dessin, les mots pense, pense, pense, pense, pense recouvrent son corps tout entier.
Nous sommes comme cela : nos corps sont remplis de pensées. Normalement, nous pensons aux pensées comme à quelque chose qui remplit l’esprit, mais elles se produisent également dans le corps. L’esprit est ce qui effectue l’activité de penser, mais des parties du corps sont impliquées dans le processus. C’est ainsi que nous trimbalons ces mondes entiers. Vous êtes assis ici avec votre corps, et tout à coup cela se transforme en un autre endroit. Tout cela se produit ici même dans l’esprit et le corps, dans le moment présent, mais au cours du processus, le corps et l’esprit sont transformés en un autre monde et un autre temps.
Vous pouvez comparer cela aux touches de fonction sur un clavier d’ordinateur. Normalement, si vous appuyez sur un P ou un Q, vous obtenez un P ou un Q à l’écran. Mais si vous appuyez sur la touche contrôle et qu’ensuite vous appuyez sur le P ou sur le Q, ce ne sont plus des P ou des Q. Vous obtenez quelque chose d’autre. La machine imprime ou elle quitte le programme. Brutalement, la touche fait quelque chose d’autre, car elle est dans un contexte différent.
C’est la même chose avec l’esprit et le corps dans le moment présent : vous appuyez sur votre touche interne de contrôle, et tout à coup vous obtenez un autre monde. Il n’y a pas seulement le corps qui est assis ici en train de respirer. C’est la Thaïlande ou l’Europe, New York ou le Texas. En plus de ces mondes que nous trimbalons intentionnellement, il y en a aussi de nombreux autres, non intentionnels, qui soufflent à travers notre esprit. Ceux-là apparaissent à cause de la force de nos vieilles actions. Lorsque ces tempêtes se mettent à souffler, parfois la meilleure chose à faire est de simplement s’accrocher à la respiration. De la même manière que vous condamnez toutes les ouvertures en prévision d’une tempête, vous vous faites tout petit et vous essayez de vous tenir fermement à la respiration comme si votre vie était en jeu, tandis que les vents soufflent. Vous restez cramponné à la respiration avec autant de ténacité que vous le pouvez. Même si elle ne remplit pas votre conscience, elle vous fournit au moins un coin où vous êtes encore dans le contexte du moment présent.
Dans le Discours sur l’établissement de sati(15), on vous dit que la première étape consiste à maîtriser l’avidité et l’affliction vis-à-vis du monde : vineyya loke abhijjhā-domanassam. En d’autres termes, il est possible que vous ne soyez pas capable d’empêcher ces différents
(15) Discours sur l’établissement de sati : Satipaṭṭhāna Sutta.
mondes de se manifester dans le moment présent, mais vous pouvez travailler à maîtriser toute forme d’avidité ou d’affliction à leur égard lorsqu’ils vous traversent. En d’autres termes, essayez d’être aussi équanime que possible, aussi non impliqué que possible dans le processus. Restez avec la respiration aussi consciemment que vous le pouvez.
Lorsque vous maintenez cet état, après un certain temps, les tempêtes commencent à se calmer. Ensuite, si vous vous accrochez à la respiration avec suffisamment de constance, vous pouvez commencer à voir les choses un peu plus précisément. Vous voyez de plus en plus combien vous conspirez avec ces différents mondes qui pénètrent. Mais le principe initial est que quelles que soient les décisions conscientes que vous preniez, vous vous assurez que ce sont des décisions de rester avec la respiration. Au minimum, ne vous impliquez pas dans les autres choses qui se présentent, même si elles remplissent votre corps et votre esprit. Cela aide à établir une tête de pont dans le présent. Sans cette tête de pont, vous êtes tout simplement emporté. Même s’il se peut qu’en fin de compte ce point de vue soit une fabrication, c’est une fabrication utile.
Au début, vous remarquez à peine que c’est une fabrication. Vous remarquez seulement que c’est un endroit où vous vous tenez calme, où vous pouvez prendre position et essayer de rester aussi ferme que possible, aussi non impliqué que possible, afin que votre cadre de référence ne change pas — afin que vous ne vous retrouviez pas tout à coup à Las Vegas ou à Pattaya(16). Vous êtes ici même. Ces autres mondes pénètrent, mais ils pénètrent ici même. Et vous faites de votre mieux, même s’il se peut que vous vous impliquiez un peu, pour vous assurer que vous ne ressentez aucune avidité ou affliction en ce qui concerne les mondes qui pénètrent. En d’autres termes, vous ne vous impliquez dans aucune histoire qui vous emmènerait encore plus loin. Vous ne laissez pas ces choses vous troubler. Parfois, cela requiert de simplement rester au calme avec la respiration. À d’autres moments, cela requiert de réfléchir à ces différents mondes : que vous apportent-ils ? Que vous réservent-ils ? Quel est leur degré de réalité ?
Il y a un passage où le Vénérable Ratthapala parle à un roi qui veut savoir pourquoi le Vénérable s’est fait ordonner. Après tout, sa famille est riche, ses parents sont encore vivants, il est lui-même jeune et en bonne santé. Pourquoi quelqu’un qui, manifestement, ne souffre pas veut-il se faire ordonner ? Le Vénérable Ratthapala dit qu’il a estimé que : « Tous les mondes sont balayés ; ils ne durent pas. » C’est sa manière d’exprimer le principe de l’inconstance et de l’impermanence. « Ils n’offrent pas de refuge, il n’y a pas de responsable. » Personne ne peut vous protéger de la souffrance de ces mondes. C’est le principe du stress et de la douleur. « Le monde ne possède rien qui lui soit propre, nous devons tous mourir, laissant tout derrière. » C’est le principe de anattā : il n’y a rien à quoi vous puissiez vraiment vous accrocher, dans aucun de ces mondes. Quelle que soit la force avec laquelle vous les saisissez, ils vous filent tout simplement entre les doigts, comme de l’eau. Finalement: «Tous les mondes sont insuffisants, insatiables, esclaves du désir ardent. » Aussi bons qu’ils soient, ils ne sont cependant pas assez bons pour l’esprit. Une fois que l’esprit développe un sentiment de désir pour ces choses, il n’est jamais satisfait.
Le Dhammapada contient un verset où le Bouddha dit que même s’il pleuvait des pièces d’or, cela ne suffirait cependant pas à satisfaire nos désirs sensuels, parce que toutes les choses qu’elles nous permettraient d’acheter continueraient à nous échapper, nous échapper. Elles sont impermanentes, instables, stressantes, anattā. Elles n’offrent pas de protection réelle, rien à quoi vous puissiez vraiment vous accrocher. Réfléchir à cela permet de lâcher prise plus facilement de ces mondes lorsqu’ils pénètrent en nous en rugissant. Si
(16) Pattaya : station balnéaire en Thaïlande.
vous ressentez une tentation quelconque de vous laisser prendre au piège dans un monde particulier, s’il semble intéressant ou intrigant, réfléchissez simplement à ceci : aussi bon que cela soit, cela ne sera jamais assez bon. Dans le même temps, cela peut provoquer beaucoup de souffrance, non seulement pour vous, mais aussi pour les gens autour de vous. Vous restez assis ici avec un esprit capable de créer ces mondes, mais ils requièrent un corps comme point de départ. Et le simple fait de conserver ce corps humain vivant : pensez au nombre de personnes qui doivent souffrir afin que vous ayez assez de nourriture, d’abris, de vêtements et de médicaments pour continuer à vivre. Et ensuite, que faites- vous ? Vous utilisez ce corps pour vous distraire, comme point de départ pour vos mondes privés. Jusqu’à quel point pouvez-vous être égoïste et irréfléchi ?
Donc, ces mondes que vous construisez, vous ne les construisez pas seulement sur votre propre souffrance, mais aussi sur la souffrance des autres. Lorsque vous pensez à ça, cela vous amène à vous demander : pouvez-vous développer une habileté grâce à laquelle vous ne soyez pas obligé de construire ces mondes, et cependant être heureux ? Pouvez- vous trouver un bonheur qui ne dépend pas du corps ?
La première étape, comme je viens de le dire, c’est apprendre comment ne pas s’impliquer dans les mondes qui traversent l’esprit. Essayez d’établir ce cadre de référence ici même, dans le corps en tant que tel. Même s’il se peut que la respiration ne remplisse pas entièrement votre conscience dès le tout début, même s’il se peut que ces différents mondes continuent à faire irruption en vous, vous pouvez au moins revendiquer un coin de votre conscience et tenir bon. Le principe fondamental, c’est de ne pas vous impliquer dans quoi que ce soit d’autre, à l’exception de la respiration. Vous restez simplement ici même.
Ensuite, lorsque vous restez ici avec plus de constance, vous découvrez que ce cadre de référence commence à remplir davantage votre conscience. Ce cadre de référence « en tant que tel » devient de plus en plus prédominant, à mesure que vous développez un intérêt pour la respiration. Ce n’est pas simplement une affaire d’« entrer-ressortir ». Il y a toutes sortes de variations dans le flux de l’énergie respiratoire qui court à travers le corps. Lorsque vous les explorez, vous découvrez que vous apprenez des choses non seulement à propos de la respiration, mais également à propos de l’esprit. Vous commencez à voir l’esprit de façon beaucoup plus claire lorsque vous restez avec la respiration et que vous êtes de plus en plus absorbé dans ce cadre de référence : le corps, les sensations, l’esprit, et les qualités mentales en tant que telles, tous ces éléments étant présents ici même avec la respiration. C’est ce qui vous aide à vous maintenir ancré. De plus en plus, cela remplit votre conscience. Lorsque le corps remplit votre conscience et que votre conscience remplit le corps sans que tous les autres mondes y pénètrent, lorsque finalement vous arrivez à un sens de solitude où vous n’êtes pas impliqué dans ces choses-là, c’est alors que vous pouvez vous établir dans la Concentration Juste. Cela vous fournit ici même un cadre de référence de plus en plus fort.
Ensuite, vous examinez le processus dans lequel ce cadre de référence subit une commutation. Quelle est la touche contrôle qui transforme un simple P en une commande d’impression ? Quel est le commutateur qui, dans votre cadre de référence, transforme le processus de fabrication dans le corps et dans l’esprit en un autre monde ? Vous devez être rapide pour observer ces choses lorsqu’elles se produisent. Plus vite vous remarquez ce processus de fabrication — avant qu’il ne commence à former un monde, lorsque c’est simplement un petit frémissement dans l’esprit — mieux c’est.
Ici, la première étape consiste à observer simplement comment le remarquer et le dissoudre, le remarquer et le dissoudre. Faites-en votre sport favori. Dès qu’il y a le moindre frémissement qui pourrait se transformer en monde, dès que vous êtes conscient que cela est en train de se produire, supprimez-le, tout simplement. Respirez à travers lui. Relâchez toute tension qu’il peut y avoir autour de lui, dans quelque partie du corps qu’elle puisse se manifester, parce qu’à chaque fois qu’une pensée se présente dans l’esprit, il y a une tension correspondante dans le corps. Lorsque vous restez de façon constante avec la respiration, vous pouvez le voir clairement. Et vous continuez à supprimer cette tension avec la respiration, pour la dissoudre, vous la supprimez pour la dissoudre.
C’est comme tirer sur des canards en plastique dans une galerie de jeux. Personne n’est vraiment blessé. Ce ne sont pas de vrais canards sur lesquels vous tirez. Essayez simplement de devenir un bon tireur d’élite. Le Bouddha compare ceci à quelqu’un qui est vraiment bon au tir à l’arc, qui peut transpercer de grandes masses, et qui peut tirer rapidement plusieurs flèches à la suite. En d’autres termes, une fois que vous vous sentez établi dans le corps en tant que tel, ou dans les sensations en tant que telles, vous voulez abattre le processus de fabrication aussi rapidement que vous le pouvez. Dès qu’il commute du « en tant que tel » à un autre cadre de référence, abattez-le.
Progressivement, vous devenez de plus en plus rapide, et vous commencez à voir de plus en plus comment vous vous impliquiez dans le processus. Il y a des moments où vous prenez une décision : « Vais-je laisser ce que j’ai ici passer dans un autre cadre de référence ? » Et il y a cette curiosité : « Que va faire cette pensée-ci ? Que va faire cette pensée-là ? » Vous êtes toujours en train d’espérer que quelque chose va vous fournir une satisfaction, vous fournir un divertissement, mais si vous conservez à l’esprit le fait que ces choses ne peuvent jamais fournir suffisamment de satisfaction, aussi grand le monde qu’elles créent puisse-t-il être, vous pouvez simplement les abattre.
Il y a l’exemple que le Vénérable Ratthapala donne du roi qui contrôle un territoire vraiment étendu et prospère. Arrive la nouvelle qu’il existe un autre territoire en direction de l’est qu’il pourrait également conquérir, et sur lequel il pourrait régner. Donc, il envoie ses troupes pour le conquérir. Ensuite, on lui parle d’un autre territoire en direction de l’ouest. S’il le voulait, il pourrait probablement envoyer son armée là-bas et le vaincre lui aussi. Donc, il part en direction de l’ouest et il continue à s’étendre, à étendre son territoire jusqu’à ce qu’il contrôle tout — est, ouest, nord, sud — de ce côté de l’océan. Ensuite, quelqu’un lui parle d’un autre territoire qu’il pourrait conquérir de l’autre côté de l’océan, et donc il décide d’y aller et de le conquérir.
L’esprit est comme cela : il n’en a jamais assez. Ces mondes que nous créons ne nous fournissent jamais de satisfaction. Lorsque vous réfléchissez à cela, c’est plus facile de vous consacrer au processus qui consiste à les abattre, à les abattre. Toute distraction qui apparaît et qui pourrait perturber votre concentration, abattez-la tout simplement, dès que vous vous rendez compte que cela se produit. Dans ce processus, la respiration est très utile. Lorsque votre conscience commence à remplir le corps, vous devenez de plus en plus sensible aux endroits obscurs dans le corps où les pensées peuvent atterrir, ou utiliser différentes sensations dans le corps comme base. Plus votre cadre de référence remplit complètement le corps, plus vite vous pouvez voir ces choses.
Vous pouvez les abattre, les abattre, et alors vous commencez à voir : « À partir de quels matériaux bruts ces mondes sont-ils créés ? » Eh bien, pas grand-chose : simplement un petit frémissement par ci, un frémissement par là, et c’est vous qui les reliez. Vous les cousez ensemble. Dans quel but, à quelle fin ? Vous commencez à vous rendre compte qu’il n’y a là rien qui puisse fournir une quelconque satisfaction réelle. Les mondes que vous créez n’offrent pas de satisfaction ; les choses à partir desquelles vous les créez sont
toutes très éphémères. Elles n’offrent rien de vraiment ferme à quoi vous pouvez vous accrocher. C’est comme construire une maison avec de la viande congelée. Il est inévitable qu’elle fonde et commence à empuantir l’endroit.
Vous rendre compte de ceci vous permet de vous établir de plus en plus fermement dans vos cadres de référence dans le présent : le corps en tant que tel, les sensations, l’esprit, les qualités mentales, tous en tant que tels. Avant que ces choses puissent se transformer en quoi que ce soit de plus élaboré, vous les maintenez vraiment propres, vous les déblayez, vous les maintenez aussi simples que possible.
En fin de compte, votre regard se tournera vers les blocs de construction fondamentaux eux-mêmes. Même ce cadre de référence présent, c’est aussi une forme de devenir. Il y a là un élément de fabrication, un élément de création également. Mais avant de commencer à démonter ceci, il faut que vous en fassiez une fondation vraiment ferme pour pouvoir démonter d’autres choses, des choses plus évidentes.
Lorsqu’ils pratiquent, la plupart des gens sont beaucoup trop pressés. Ils obtiennent un petit peu de concentration et ils disent : « Bien, la prochaine étape est le discernement. » Donc, ils abandonnent leur concentration et la détruisent avant qu’elle ait vraiment eu une chance de faire son travail. Nous aimons comprendre les choses trop à l’avance. Après tout, nous pensons que nous sommes intelligents, et que cela demanderait moins d’énergie, prendrait moins de temps si nous pouvions progresser aussi rapidement que possible. Mais il y a des choses que vous ne pouvez pas précipiter.
L’analogie que le Bouddha donne est celle d’une femme qui est enceinte. Elle demande à son mari de prendre un singe et de le teindre, afin que lorsque l’enfant naîtra, il ait un petit singe avec lequel jouer. Le mari veut savoir de quelle couleur il faut le teindre, selon que ce sera un garçon ou une fille, et donc la femme ouvre son ventre sur-le-champ, et bien sûr cela tue l’enfant. Il y a des choses que vous ne pouvez pas précipiter. C’est la même chose avec l’entraînement de l’esprit : il faut que les choses soient vraiment établies fermement, vraiment centrées ici, sur la respiration. Ne vous inquiétez pas à propos de l’étape suivante, où elle va vous mener.
Lorsque vous vous établissez avec la respiration, vous devez absolument vous souvenir que ce n’est pas le point ultime — c’est simplement un lieu de repos temporaire —, mais en même temps, vous avez besoin d’essayer de le rendre aussi bon et confortable que possible, aussi ferme que possible. C’est seulement alors qu’il peut vous fournir un cadre de référence à partir duquel vous pouvez voir d’autres choses qui sont subtiles et raffinées. Essayez d’habiter ce monde de façon aussi continue que possible — le monde du moment présent, le monde où les choses sont maintenues simples : le corps en tant que tel, les sensations en tant que telles, l’esprit en tant que tel, les qualités mentales en tant que telles, avant qu’elles ne soient transformées en quelque chose d’autre avec la touche contrôle qui transforme votre cadre de référence. Gardez ce cadre de référence aussi constant que possible afin de pouvoir voir les autres mouvements de l’esprit, comprendre comment ils surviennent, comment les choses se produisent, comment elles apparaissent, demeurent, comment elles disparaissent.
Essayez de garder cet endroit aussi ferme que possible afin d’être capable de voir ces autres mouvements subtils dans l’esprit. Cela, vous le découvrirez, fera disparaître une grande partie de la souffrance qui accompagne ces choses. Sans cette fondation ferme, vous êtes tout simplement balayé. Le monde est balayé — vous êtes aussi balayé avec lui. Le monde n’offre pas de refuge — vous avez perdu votre refuge ici dans le moment présent. Ces mondes ne possèdent rien qui leur soit propre — eh bien, vous ne possédez
rien en propre dans le moment présent, parce que vous le détruisez continuellement, en abandonnant votre cadre de référence, pour courir après des ombres. Ces mondes sont esclaves du désir ardent — vous êtes l’esclave. Donc, faites de votre mieux pour établir un bon état ferme ici même dans le moment présent, quel que soit le niveau où vous pouvez le faire, que ce soit simplement le niveau de ne pas être impliqué dans l’avidité et la tristesse vis-à-vis des mondes qui soufflent à travers votre esprit, ou le niveau où vous êtes de plus en plus indépendant d’eux.
En fin de compte, vous voulez arriver au stade où vous êtes totalement indépendant de tout monde. Anissato viharati na ca kiñci loke upādiyati, comme il est dit dans le Satipaṭṭhāna Sutta. Vous demeurez indépendant, non attaché à quoi que ce soit dans le monde. C’est la direction dans laquelle vous voulez aller, là où vous n’êtes attaché à aucun monde.
Donc, que cela concerne simplement le niveau où vous résistez aux mondes dont la maîtrise semble vous échapper totalement, ou bien que vous deveniez de plus en plus souverain et indépendant ; quel que soit le niveau où vous vous trouvez, faites de votre mieux pour rester aussi ferme que possible, aussi non impliqué que possible. Ne soyez pas perturbé parce que vous n’êtes pas complètement non impliqué. Travaillez, quel que soit le niveau où vous vous trouvez, parce que le travail de la pratique s’appuie sur vos pas antérieurs, vos pas plus chancelants, pour en faire quelque chose de plus ferme et sûr. C’est une voie sur laquelle vous pouvez faire des progrès, même si c’est seulement pas-à-pas.
Beaucoup de gens disent : « Je ne veux pas de cela. Je veux l’Éveil soudain. » Eh bien, certaines choses peuvent se produire soudainement, mais aucune compréhension, aucune habileté n’accompagne les choses soudaines qui se produisent aléatoirement dans l’esprit. Ici, nous travaillons sur une habileté, l’habileté d’apprendre à rester centré, de conserver ce cadre de référence, en n’en changeant pas pour d’autres. C’est seulement cette habileté en tant que telle qui peut éliminer beaucoup de souffrance.
Donc, lorsque vous méditez, essayez de rester aussi près que possible du terrain. Comme toujours, les personnes qui restent près du terrain sont celles qui ne sont pas balayées. Les personnes qui restent près du terrain ont l’occasion de voir des choses intéressantes, ont l’occasion de découvrir des choses intéressantes que les autres ont tendance à négliger.

Thanissaro Bhikkhu

http://www.refugebouddhique.com/texteschoisis/blog.html
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
ted

Thanissaro Bhikkhu a écrit :Il y a l’exemple que le Vénérable Ratthapala donne du roi qui contrôle un territoire vraiment étendu et prospère. Arrive la nouvelle qu’il existe un autre territoire en direction de l’est qu’il pourrait également conquérir, et sur lequel il pourrait régner. Donc, il envoie ses troupes pour le conquérir. Ensuite, on lui parle d’un autre territoire en direction de l’ouest. S’il le voulait, il pourrait probablement envoyer son armée là-bas et le vaincre lui aussi. Donc, il part en direction de l’ouest et il continue à s’étendre, à étendre son territoire jusqu’à ce qu’il contrôle tout — est, ouest, nord, sud — de ce côté de l’océan. Ensuite, quelqu’un lui parle d’un autre territoire qu’il pourrait conquérir de l’autre côté de l’océan, et donc il décide d’y aller et de le conquérir.

L’esprit est comme cela : il n’en a jamais assez.

Avant, quand je lisais ce genre de démonstration, j'étais d'accord.
Maintenant, je ne le suis plus. Je crois qu'on finit par avoir une forme de lassitude de l'impermanence, qui fait qu'on se contente de peu.
En ce qui me concerne, je ne cours plus après les augmentations de salaire, les possessions, les femmes, la notoriété ou la nourriture...
J'aurais du mal à admettre que mon esprit "n'en a jamais assez".
Pourtant, je ne suis pas éveillé. Je suis vraiment monsieur tout le monde...

Cette vision de l'être humain habité par une avidité incessante ne devrait pas être généralisée. :oops:
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Dharmadhatu
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Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

ted a écrit :
Thanissaro Bhikkhu a écrit :Il y a l’exemple que le Vénérable Ratthapala donne du roi qui contrôle un territoire vraiment étendu et prospère. Arrive la nouvelle qu’il existe un autre territoire en direction de l’est qu’il pourrait également conquérir, et sur lequel il pourrait régner. Donc, il envoie ses troupes pour le conquérir. Ensuite, on lui parle d’un autre territoire en direction de l’ouest. S’il le voulait, il pourrait probablement envoyer son armée là-bas et le vaincre lui aussi. Donc, il part en direction de l’ouest et il continue à s’étendre, à étendre son territoire jusqu’à ce qu’il contrôle tout — est, ouest, nord, sud — de ce côté de l’océan. Ensuite, quelqu’un lui parle d’un autre territoire qu’il pourrait conquérir de l’autre côté de l’océan, et donc il décide d’y aller et de le conquérir.

L’esprit est comme cela : il n’en a jamais assez.

Avant, quand je lisais ce genre de démonstration, j'étais d'accord.
Maintenant, je ne le suis plus. Je crois qu'on finit par avoir une forme de lassitude de l'impermanence, qui fait qu'on se contente de peu.
En ce qui me concerne, je ne cours plus après les augmentations de salaire, les possessions, les femmes, la notoriété ou la nourriture...
J'aurais du mal à admettre que mon esprit "n'en a jamais assez".
Pourtant, je ne suis pas éveillé. Je suis vraiment monsieur tout le monde...

Cette vision de l'être humain habité par une avidité incessante ne devrait pas être généralisée. :oops:
jap_8 C'est vrai, parfois y'en a marre et on pose un peu les valises. Pour moi, ça a été la clope récemment. Vraiment marre. Et j'ai de nouveau arrêté (à part un cigarillo après un bon gueuleton l'autre lundi !)

C'est peut-être par périodes ces types de lassitude, je ne sais pas.

Le fait de ne jamais en avoir assez est aussi contradictoire avec ce que le Bouddhisme appelle la souffrance du changement, qui fait que si on veut manger encore et encore de cet excellent flan caramel maison du Globe à Annemasse, on finit par se calmer spontanément parce qu'on n'en peut plus. Et comme tu dis, Ted, ça arrive à tous les gens pas éveillés.

Peut-être qu'au fond, ce fait de ne jamais en avoir assez est un clin d'oeil sur l'absence de limites de notre esprit, dont les désirs peuvent être vraiment sans limites eux aussi, vu qu'il y a la place (d'ailleurs, il y a la place pour des mondes entiers, comme le suggère le post d'Axiste). Après qu'on veuille les combler ou non, ça dépend. On peut donc finir par imaginer qu'un gentil serveur nous présente une part de flan caramel maison à chaque fois qu'on entre dans une pièce... mais on se rend compte que ce n'est pas très réaliste (et c'est tant mieux !).

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
boudiiii !

Dharmadhatu a écrit :On peut donc finir par imaginer qu'un gentil serveur nous présente une part de flan caramel maison à chaque fois qu'on entre dans une pièce...
oui, on appelle ça un laborantin :shock: :oops: shuuuut_8 :mrgreen:
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