et prenant des textes de la prajnaparamita..
L’essentiel du contenu est l’exposition de tous les dharmas comme shunya (vides), tels qu'ils apparaissent à qui est doté de la sagesse parfaite. Selon la tradition hinayana, la sagesse pañña (pali pour prajna) permet d’interpréter le monde phénoménal en termes de processus psycho-physiques impersonnels, les dharmas, que différentes écoles ont regroupés en listes pour la commodité de l’enseignement, et qui sont examinés en détail dans l’Abhidharma. La vacuité (sunyata), thème principal de deux sutras du canon pali (Grand et Petit Discours sur la Vacuité), réfère à l’absence de soi des divers objets, êtres et phénomènes, corollaire de la coproduction conditionnée.
Le mahayana va plus loin en étendant cette déconstruction du monde phénoménal (vacuité relative) aux dharmas eux-mêmes (vacuité absolue), basant tout d’abord la sunyata sur l’absence de svabhava « nature propre » et non seulement de « soi » âtman. Ainsi, les dharmas sont décrits comme non-existants ou ayant une existence purement nominale ; sans marque distinctive, ils n’interagissent pas et ne sont jamais réellement produits. Illusion, écho, reflet, mirage, espace sont des images récurrentes pour représenter le monde phénoménal et les dharmas qui le sous-tendent. Il en ressort que l’on ne doit pas se former de notion, ni de conviction, ni viser une réalisation, ni faire d’assertion, et pratiquer les perfections paramita de façon tout à fait désintéressée.
Cependant, bien que les textes prajnaparamita préfèrent les expressions négatives (non-ceci ou non-cela) aux assertions, ils contiennent des avertissements contre une conception purement nihiliste de la vacuité ; il s’agit plutôt de promouvoir une conscience non discriminante, non-dualiste et ainsi, une conscience plus holistique ou globale des phénomènes et des situations dans la vie quotidienne. Le déni de l’existence de caractéristiques propres implique l’identité fondamentale des dharmas, et donc, selon E. Conze, un monisme dont le dharma dhatu (élément de dharma) serait l’unité absolue. La déconstruction intégrale des phénomènes ouvre aussi la voie à l’idéalisme qui sera revendiqué par certains courants mahayana comme le yogacara.
Le bodhisattva selon la pensée prajnaparamita
Selon cette perspective, après avoir acquis la prajnaparamita, la dernière et la plus importante des six perfections1, le bodhisattva perçoit l’univers comme un être éveillé pour qui les phénomènes sont vides de nature propre et l'opposition samsara / nirvāna n’est plus pertinente. Atteindre l’illumination ne veut plus dire quitter le samsara à sa mort comme l’arhat, mais faire usage des capacités que procure l’éveil pour aider par compassion tous les êtres à s'éveiller.