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SHIKI SOKU ZE KU

Publié : 03 avril 2012, 09:07
par chakyam
SHIKI SOKU ZE KU : il y a quelque chose, mais il n'y a rien
KU SOKU ZE SHIKI : il n'y a rien, mais il y a quelque chose
 
C'est le paradoxe que pourtant Zazen soutient à partir d'une intuition synthétique et directe de l'Esprit originel que par ailleurs nous avions appelé WU-NIEN l'Inconscient dans un autre fil et qu'il présente comme point de départ de toute compréhension. Comprendre la condition de souffrance et l'illusion qui s'attache à l'égo c'est comprendre KU et le mouvement qui en procède dans son aspect phénoménal.
 
KU est ainsi le karma (l'action) dans son aspect constructeur/destructeur à l’instar du couple Shiva/Vishnou, c'est l'existence sans noumène ou encore la non-existence du subjectif et de l'objectif et l'existence de la non-existence non-nées, non-éteintes, non-souillées, non-pures, non-augmentantes, non-diminuantes. Qui plus est, KU ne contient pas les cinq éléments, ni les six organes de la perception, ni les six objets de la perception, ni les six consciences, ni l'ignorance, ni la vieillesse, ni la mort, ni l'extinction de l'ignorance, de la vieillesse et de la mort, ni les quatre saintes vérités, ni sagesse, ni profit, seulement MUSHOTOKU

Pour les tenants du Hinayana, cette position est intenable dans la mesure où elle semble faire fi des notions qui constituent le bouddhisme originel au sens historique en semblant rejeter l’ignorance, le vieillesse etc etc… au profit de ce que les matérialistes appelleraient une idéalisation. Cependant, MUSHOTOKU, c’est-à-dire l’action sans but, sans finalité, sans intérêt personnel n’est aucunement le rejet des bases mêmes du bouddhisme mais distanciation de l’attachement que l’Ego suscite par conceptualisation langagière auto-centrée constitutive de l’Imaginaire précisément générateur  de souffrance.
 
Au contraire, la mise à distance des schémas mentaux issues du fonctionnement du cerveau frontal permet au cerveau primordial et central de laisser émerger, spontanément et inconsciemment les informations naturelles et les rythmes cosmiques que les représentations néo-corticales voilaient jusqu’à la pratique de Zazen.
 
Il faut préciser pour se faire comprendre parfaitement que le Zen du Mahayana, à l’instar de SPINOZA qui prenait le parti de Dieu, embrasse à l’origine de son ressenti la condition même de l’Homme souffrant  et considère la sortie du Palais de Cakyamuni comme l' actualisation d’une souffrance existentielle qui, quelque soit les conditions historiques dans laquelle elle s’effectue, contraint l’homme à subir le poids de ses choix futiles, tant qu’il n’a pas quitté le Palais…
 
Il est intéressant de noter que ce dimanche matin 1/04, l’émission « voix bouddhistes » consacrait son thème à la Responsabilité Universelle qui me semble précisément rejoindre ce que nous disons. Une citation fut faite d’une sentence zen : « Entendre le nuage dans la cloche » qui  présente à la méditation d’une façon synthétique l’ensemble des éléments nécessaires à la fabrication de la cloche afin de faire « sentir » que ces éléments séparés sans noumène concourent néanmoins à l’unité de l’ensemble en même temps que cette unité en permet l’expression.

En effet, cette sentence permet de situer les éléments dans leur vérité originaire manifestant la loi de co-ordination sans substance. Autrement dit l'inter-action est la manifestation du pouvoir cosmique fondateur qui se parcellise et en se manifestant disperse et matérialise l'énergie nouménal de KU, à chaque instant totalité du cosmos, qui pourtant n'est ni l'existence ni la non-existence mais les deux à la fois.

C'est ainsi que prend tout son sens l'affirmation de HUI-NENG : « Au commencement aucune chose n'est » où cependant les dix-huit domaines, les désirs, les illusions fantasmatiques, les sens, la mort, l'ignorance etc etc.. sans existence réelle, s'enracinent par le comportement, la conscience, la parole juste que chacun peut avoir ou pas et donnent ainsi l'impression d'une existence phénoménale alors qu'ils ne sont que négation de l'origine nouménal et intelligible.

Dans ces conditions il est aisé de concevoir « qu'aucun miroir ne brille jamais » et « qu'aucune poussière ne peut jamais s'y amasser » car la compréhension de KU dissout, non seulement les mirages mais également leurs répercussions sous forme de mérites ou de démérites... car chacun est supposé le savoir maintenant... le bien et le mal sont la maladie de l'Esprit, et partant, sans vérité.

FleurDeLotus Butterfly_tenryu

Re: SHIKI SOKU ZE KU

Publié : 04 avril 2012, 14:00
par ted
chakyam a écrit :Au contraire, la mise à distance des schémas mentaux issues du fonctionnement du cerveau frontal permet au cerveau primordial et central de laisser émerger, spontanément et inconsciemment les informations naturelles et les rythmes cosmiques que les représentations néo-corticales voilaient jusqu’à la pratique de Zazen.
C'est quoi, les rythmes cosmiques ?
chakyam a écrit :qui pourtant n'est ni l'existence ni la non-existence mais les deux à la fois.
Comment une chose peut elle en même temps exister et ne pas exister ?
Ne faut-il pas rajouter un paramètre supplémentaire (point de vue subjectif) pour lever ce paradoxe ?
chakyam a écrit :Dans ces conditions il est aisé de concevoir « qu'aucun miroir ne brille jamais » et « qu'aucune poussière ne peut jamais s'y amasser » car la compréhension de KU dissout, non seulement les mirages mais également leurs répercussions sous forme de mérites ou de démérites... car chacun est supposé le savoir maintenant... le bien et le mal sont la maladie de l'Esprit, et partant, sans vérité.
Dans ce cas, pourquoi faut-il absolument passer "par" le bien, pour pouvoir aller au-delà du bien et du mal ? :roll:

Re: SHIKI SOKU ZE KU

Publié : 05 avril 2012, 10:31
par chakyam
ted a écrit :
chakyam a écrit :Au contraire, la mise à distance des schémas mentaux issues du fonctionnement du cerveau frontal permet au cerveau primordial et central de laisser émerger, spontanément et inconsciemment les informations naturelles et les rythmes cosmiques que les représentations néo-corticales voilaient jusqu’à la pratique de Zazen.
C'est quoi, les rythmes cosmiques ?

Bonjour Ted,
Les rythmes cosmiques sont une formule générale (qui les a fait être assimilés en Inde au souffle d'Indra) sensée rendre compte de la vie de l'Univers tel qu'il semble nous apparaître à l'heure présente et qui, à notre insu, influence notre existence. Je citerai d'abord l'explosion primordiale (big bang) issue d'une précédente explosion de type naine blanche ou d'un trou noir tel que celui qui nous guette actuellement, suivie de l'expansion et de la gravitation universelle corrélative; viennent ensuite, le rayonnement stellaire et solaire et ses explosions ainsi bien sur les "dégats" du progrès tels que nous les font comprendre l'écologie qui résultent en grande partie de fausses valeurs centrées uniquement sur et par l'Ego qui s'expriment en termes de rejet et/ou de préférence sans oublier les rythmes des marées influencés par la rotation de la lune et les influences météorologiques

chakyam a écrit :qui pourtant n'est ni l'existence ni la non-existence mais les deux à la fois.
Comment une chose peut elle en même temps exister et ne pas exister ?
Ne faut-il pas rajouter un paramètre supplémentaire (point de vue subjectif) pour lever ce paradoxe ?

Certainement pas puisqu'exister ou non-exister sont déjà des points de vue subjectifs. Ton étonnement résulte d'une grave méprise qui consiste à croire en la réalité objective du monde "comme si" son existence était indépendante de ton expérience et de ta pensée. Ce qui n'est pas exact mais certes pas de la façon dont ta question le suggère. En effet, la partialité de nos choix sépare, discrimine le réel et nous fait oublier cette discrimination et par exemple que la vague n'est qu'une partie de l'Océan. Nous raisonnons à partir de la vague et l'ile, la montagne ou le volcan nous apparaissent contradictoire et en opposition avec elle.
Si nous réalisons ou avons réalisé KU, le réel, la vacuité, l'interdépendance il est aisé de se rendre compte que ces oppositions sont factices et résultent d'un a-priori égotique que précisément zazen permet d'annihiler par la pratique de shikantaza
.
chakyam a écrit :Dans ces conditions il est aisé de concevoir « qu'aucun miroir ne brille jamais » et « qu'aucune poussière ne peut jamais s'y amasser » car la compréhension de KU dissout, non seulement les mirages mais également leurs répercussions sous forme de mérites ou de démérites... car chacun est supposé le savoir maintenant... le bien et le mal sont la maladie de l'Esprit, et partant, sans vérité.
Dans ce cas, pourquoi faut-il absolument passer "par" le bien, pour pouvoir aller au-delà du bien et du mal ? :roll:

Il ne faut absolument pas....Ces qualités sont encore et toujours des choix subjectifs dont l'explication de l'alinéa précédent rend compte. Une montagne, un volcan, une vague c'est bien ou mal ? oui peut être si on veut nager ou escalader mais le réel (KU) n'a que faire de ces satisfactions et appellations et de son point de vue (qui d'ailleurs n'en est plus un) elles sont égales, d'où la notion d'équanimité bouddhique.


FleurDeLotus Butterfly_tenryu

Re: SHIKI SOKU ZE KU

Publié : 05 avril 2012, 11:24
par chakyam
"....Apprendre la Voie du Bouddha, c'est s'étudier soi-même...." - Shobogenzo - maître Dogen -

EST-ON CAPABLE DE S'ETUDIER AU POINT DE SE RENDRE COMPTE QUE LA SEPARATION N'A PAS D'EXISTENCE PROPRE ET RESULTE DE CHOIX SANS NOUMENE ?

FleurDeLotus Butterfly_tenryu

Re: SHIKI SOKU ZE KU

Publié : 23 avril 2012, 13:28
par chakyam
EQUANIMITE -

S'il est une caractéristique de l'état de bouddha (qui pourtant n'en a pas) qu'il soit possible de mentionner c'est bien l'équanimité dont il y a lieu de supposer, dans le cadre d'une communication sur un forum, qu'elle est la forme ultime par laquelle on pourra en faire état, sauf évidemment à vivre soi-même son propre Satori.
 
On doit pouvoir définir l'équanimité comme l'égalité d'attitude vis-à-vis de soi même, des autres, des évènements, des liens qu'ils tissent entre eux, sans que pour autant cette qualité devienne un état ou un but à atteindre ou même une « chose en soi » au sens de KANT.
 
C'est d'ailleurs ce que prétend ce présent texte dénommé : Sutra de la Grande Sagesse (Maka Hannya Haramita Shingyo) – en voici un extrait :

Mu mumyo yaku mu mumyo jin – il n'y a ni ignorance ni extinction de l'ignorance
Mu gyo yaku mu gyo jin – ni action ni extinction de l'action
Mu shiki yaku mu shiki jin – ni conscience ni extinction de la conscience
Mu myo shiki yaku mu myo shiki jin – ni forme ni extinction de la forme
Mu roku nyu yaku mu roku nyu jin – il n'y a ni les six sens ni leur non-existence
Mu shoku yaku mu shoku jin – ni contact ni non-existence du contact
Mu ju yaku mu ju jin – ni perception ni non-existence de la perception
Mu ai yaku mu ai jin – ni désirs ni non-existence des désirs
Mu shu yaku mu shu – ni attachement ni non-existence de l'attachement
Mu u yaku mu u jin – ni possession ni non-existence de la possession
Mu sko yaku mu sho jin – ni devenir ni non-existence du devenir
Mu roshi yaku mu roshi jin – ni vieillesse et mort ni non-existence de la vieillesse et de la mort

 
Ce texte est la transcription littéraire d'une expérience que les Maîtres, les Boddhisattwas, les Bouddhas ont réalisé et réalisent à chaque instant de leur existence et que chacun d'entre nous peut également vivre à l'issue d'une compréhension du caractère fantasmé de notre existence habituelle. Ainsi en est-il de l'ignorance, de l'action, de la conscience, de la forme, des six sens dont ni l'usage, ni l'introspection ne permettent de trouver en nous la racine.
 
C'est dire autrement qu'ignorance, action, conscience sont le produit d'un mésusage de l'Esprit que nous manifestons et qui se manifeste en nous, notamment par la poursuite du monde soumis à la causalité et l'attente d'un résultat hypothétique et hypostasié. Il nous appartient cependant de ne développer aucun préjugé face aux objets des 6 sens qui en eux-mêmes et par eux-mêmes ne connaissent aucune distinction.
 
On voit donc bien que les évènements/objets n'ont d'existence que par celle que nous leur octroyons, volontairement ou pas, et qu'aucun destin ne nous contraint à la souffrance qui n'a d'autre réalité ontologique que celle de nos illusions.
 
C'est d'ailleurs ce que permit de constater le premier tour de roue de la loi lancé par le sermon de Bénarès et formalisé par la chaîne des douze causes interdépendantes où la souffrance (dukkha) et l'ignorance (mumyo) jouent le rôle fondateur que nous connaissons au travers de SHIKI (les formes couleurs ainsi que les phénomènes de conscience) – Cette pré-éminence de la forme devait nécessairement entraîner un second tour de roue au Pic des Vautours sous la forme des enseignements de la Prajnaparamita et de la vacuité de tous les phénomènes sous le vocable MU (ne pas...) en opposition/complémentarité aux formes-couleurs précédemment mentionnées. Survint alors le troisième tour de roue où le Bouddha enseigna la luminosité de l'Esprit, la conscience-base-de-tout et la nature de bouddha présente en tous les êtres sous le terme KU (essence, réalité)
 
On peut alors reprendre la citation du départ et constater que le vocable MU qui précède chaque phrase en explicite la non-existence. Dans la mesure où cette non-existence s'applique à chaque élément déterminant la chaîne des causes interdépendantes, elle en annule le caractère pernicieux en relevant sa vacuité constitutive. Ainsi en est-il des termes cités : mumyo/ignorance – gyo/action – shiki/conscience – myo shiki/forme – roku nyu/six sens etc etc ... qui ainsi apparaissent « vide d'en soi »
 
Dans la mesure où il n'est en réalité profonde, aucune ignorance, aucune action, aucune conscience... il est parfaitement cohérent de prétendre à leur non-extinction – comment pourrait-on éteindre ce qui n'a aucune existence ? - et en conséquence, par redoublement sémantique, affirmer à nouveau leur vacuité.
 
C'est d'ailleurs ce que se propose ledit redoublement des termes auquel s'adjoint le phonème : jin qui signifie extinction, fin totale. Nous pourrons ainsi lire les extraits mentionnés plus haut en en comprenant le caractère affirmatif dans la négation et le caractère négatif dans la même négation (redoublement). Nous avons donc, en résumé, une triple affirmation liée aux trois tours de roue mentionnés, l'affirmation de la vérité de la souffrance liée à l'ignorance, l'affirmation de la vacuité des phénomènes et la troisième affirmation du caractère lumineux de l'Esprit ainsi que l'universalité de la Nature de Bouddha.
 
Dans la philosophie occidentale le philosophe HEGEL et son ouvrage : la doctrine de l'Essence définit le premier tour de roue comme réflexion posante, le second tour de roue comme réflexion extérieure et le troisième tour de roue comme réflexion déterminante. Appliquée à la philosophie bouddhiste, la réflexion posante va poser la souffrance comme vérité immédiatement sensible (son identité) – ce sera SHIKI, la réflexion extérieure comme liée à des conditions sur lesquelles il est possible d'agir pour la modifier (sa non-identité) – ce sera MU et la réflexion déterminante comme expression complète et totale de l'Esprit par la reconnaissance de l'identité d'essence de l'identité et de la non-identité – ce sera KU.
 
Le Réel ayant ainsi été reconnu, c'est alors le déploiement sans frein de l'équanimité, les préférences et craintes éventuelles n'ayant plus aucun fondement sur lequel s'appuyer pour se déployer. S'étudier soi-même en étudiant la voie du bouddha concrétise alors le triple cheminement nécessaire à l'émancipation par l’advenue dans notre quotidienneté de l’espace du non-né, non-devenu, de l’éternité de KU, c'est-à-dire du « toujours déjà-là » symbolisé par Maître DOGEN sous la notion du « temps qu'il-y-a » - UJI -

Re: SHIKI SOKU ZE KU

Publié : 01 mai 2012, 11:12
par chakyam
A la réflexion et à la re-lecture de l'article précédent, je vais oser une comparaison identitaire entre les trois tours de roue du bouddhisme mahayana, les trois modalités réflexives de HEGEL et les perspectives de Salut du Christianisme au travers du Paradis perdu/Jardin d’Eden, du Purgatoire et du Paradis

Selon la philosophie zen et sa pratique zazen, l'opposition/complémentarité de l'Esprit/Corps, des évènements et du monde s'explicite par la dialectique du Cœur/Conscience/Phénomènes (SHIKI) de leur négation dualiste (MU – ne pas...) et de l'essence (KU – vacuité), l’ensemble déjà décrit précédemment.

Chacun comprend la symbolique de la roue liée à la rotation des existences telle que décrite par le bouddhisme hinayaniste sans que pour autant cette symbolique ne soit à prendre au premier degré. Cela serait-il que la démonstration n'en perdrait pas sa pertinence sauf, si bien évidemment, on en nie le principe.

HEGEL n'avait que faire de ces préoccupations dont la nature ne devait pas l'effleurer bien que le point de départ de son attitude soit identique à celle du Bouddha quant à la prise en compte du Réel tel qu'il se présente (Heidegger dirait : dasein, son être au monde) – C'est l'attitude en principe de chacun d'entre nous vis à vis du Monde visible des objets qui se présente et qu'aussitôt nous intégrons à nos sensations, nos manières de vivre, pour assurer naturellement notre survie et le maintien de notre être dans son Etre (Spinoza) ; c'est en ce sens que l'on peut dire que nous posons le monde d'où l'appellation de réflexion posante. C'est la plus basique que j’apparente à Shiki.

Cela fait, le devenir naturel des éléments et des rapports qu’ils nouent entre eux en lien avec le déploiement et l’influence de notre propre ego complexifient la réalité vécue au point qu’elle va se scinder en éléments contraires exacerbant les désirs et les passions amenant certains d’entre nous à s’interroger sur ce qui leur semble être la conséquence d’un déterminisme absolu qu’ils essaieront de conjurer, entre autre, par le refuge en religion. Cet enchevêtrement sans fin autrement appelé dualité que j’apparente à Mu, va suggérer un possible dépassement vers une dimension d'altérité permettant d'instituer une réflexion extérieure par l'instauration de valeurs normatives externes telles que la/les divinités nous les suggèreron ajoutant encore à la confusion. C'est la démarche intermédiaire et plus particulièrement le résultat du fonctionnement dictatorial du cerveau frontal

La dualité et la multiplicité des combinatoires qu'elle rend possible n'apportant aucun apaisement et aucune base certaine de connaissance, sera alors expérimenté un nouveau paradigme qui suppose l'identité de l'identique et du différent, l'identité de l'objet désigné d'avec le sujet désignant en bref l'Unité de principe du Monde . Encore faut-il la définir et la nommer et ce sera la notion de Vacuité liée à l'interdépendance des éléments, réflexion fondatrice dont rien ne permet de faire un point d'appui bien qu'elle en soit totalité constitutive. C'est la démarche déterminante que j’apparente à Ku.

LES MYTHES, L’ATTITUDE RELIGIEUSE

La structure ternaire de connaissance du monde est ainsi en place et il importe maintenant de constater qu'elle satisfait ou pas aux besoins de compréhension indispensable à l'intégration des humains au Monde moderne dont les marchands d'illusion nous disent pourtant qu'il répond, à lui seul, à la totalité de leurs désirs et souhaits

Les religions révélées et l'ensemble des mythes font état d'un âge d'Or que la tradition moyen-orientale assimile au Jardin d'Eden lieu de mémoire culturelle d'une époque simple où les hommes vivaient de la générosité divine sans connaître les tourments de la civilisation perçue comme souffrance. La simplicité explicitée fait état d'une humanité vivant en harmonie avec elle-même, avec les animaux et avec Dieu dans une nature où rien ne manque et d'où le conflit et la convoitise sont exclus, à tel point que le terme « Paradis » sera employé dans la bible hébraïque ainsi que dans la littérature apocalyptique et talmudique

Après la chute, la connaissance et la réification du bien et du mal, la mise à distance de la nature pour mieux l’ exploiter, l'exaltation des spécificités nationales et ethniques, l'exacerbation généralisée de la volonté de puissance vont développer un antagonisme généralisé, non seulement entre les hommes et leurs organisations politiques, sociales et religieuses mais à l'intérieur des concepts et des valeurs qui les guident et les formatent. Parallèlement la nécessité d'une autre vision du Monde va générer un ou des idéaux de Paix et de Fraternité qui se présenteront comme alternatifs à la violence constatée avec les notions d'enfer et de purgatoire supposées être un lieu de « purgation » dans l'attente d'une future salvation.

Il m’apparaît évident que ces trois ages, périodes, tours de roue représentent un schème inconscient de compréhension et de signification du monde au sens où l’entendait JUNG. Bien qu’il se manifeste sous des formes culturelles différentes il nous appartient, au-delà des formes, d’en trouver le sens général sans pour autant amalgamer le Tao, le Yin et le Yang des taoïstes, le Père, le Fils, le Saint-Esprit des Chrétiens, le Corps absolu, le Corps de Rétribution, le Corps d’Apparition des Bouddhistes Mahayanistes, Ormuz, Ahriman et Ahura Mazdâ du Mazdéisme, la période des retraite de 3 ans, 3 mois, 3 jours des Bouddhistes tibétains, la trinité des Védas où Vishnou construit les Mondes que Shiva détruit et que Brahma fait néanmoins croître sans oublier bien entendu l’exemple précédemment cité de Zazen.

Qu’est-ce que ces constatations signifient ? Pour le croyant et quel que soit son Dieu, elles explicitent un ordre du monde créé dans des temps immémoriaux par une force extérieure à lui-même, monde soumis à un ensemble de règles qu’il se doit de respecter sous peine de damnation. S’il le respecte, un endroit merveilleux plein de félicités l’attend, quelques fois après un séjour de repentance où ses « pêchés » seront effacés pour atteindre la béatitude céleste et divine

Si on analyse le contenu des 3 tours de roue et /ou des 3 périodes hégéliennes on va remarquer que la première est marquée par une innocence fondatrice où les évènements/objets/personnes sont en relations idylliques marquées par une simple présence d’où les passions sont absentes dans la mesure où l’envie, l’orgueil, la cupidité, la concupiscence, l’appropriation… ne sont pas encore apparues. En effet, l’abondance règne et nulle envie de conquête ne se fait jour puisque chaque besoin est immédiatement satisfait dans une relation de totale osmose avec la nature, les animaux et la divinité.

La seconde va être constituée d’affrontements sans fin liés à la dualisation de l’esprit et de la matière, du maître et de l’esclave, de la vie et de la mort, de la domination de l’homme sur l’homme et la femme, de la séparation oppositionnel de l’intérieur et de l’extérieur, du tien et du mien, etc etc… le tout sous l’égide de dieux ou d’un Dieu supposés couvrir de leur sagesse les agissements désordonnés et égotistes des humains.

La troisième est l’état où les passions vont être dépassées par un effacement des catégories représentatives mises en place par le cerveau frontal permettant le libre jeu du cerveau reptilien au niveau du thalamus et de l’hypothalamus. Ce qui peut sembler une régression est en fait la condition « siné qua non » de l’attitude méditative, symbolisée ici par zazen, au-delà et en deçà des discriminations conceptuelles forgées par la dualisation imposée aux visions du monde par ledit cerveau. Cette attitude nommée Hischyrio est en fait l’accès à la non-pensée en même temps qu’elle en permet l’advenue dans notre quotidienneté, à l’immersion dans l’élan vital cosmique symbolisé par l’innocence du jeu de l’enfant mais adoubé de la Connaissance du Sage qui lui permet d’affirmer « qu’au commencement aucune chose n’est »

L’ETERNEL RETOUR

Il n’y a pas lieu de s’étonner d’une telle gradation ou, selon le cas, d’une telle régression pour ceux qui ne seront pas convaincu. Ces modalités de connaissance ne sont que libre jeu de modalités anthropologiques constitutives de l’imaginaire humain en termes de structures organisationnelles incontournables car génétiquement contenues dans l’évolution du monde. Ainsi sera remplie et comprise l’injonction de DOGEN selon laquelle « suivre la voie de bouddha, c’est s’étudier soi-même »

Mais en outre,
SHIKI SOKU ZE KU : il y a quelque chose, mais il n'y a rien
KU SOKU ZE SHIKI : il n'y a rien, mais il y a quelque chose
se réalisera et réalisera sa nature immanente et transcendante, transcendante et immanente pour l'ensemble des être sensibles.

FleurDeLotus Butterfly_tenryu