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Bouddhisme et combativité

Publié : 25 mars 2012, 12:17
par ted
J'ai une vraie question qui a déjà été abordée ici, mais qui me revient parce que ces temps-ci, j'ai quelques soucis (litiges, adversité).
C'est le problème de la combativité. Jusqu'à quel point faut-il accepter ce qui nous arrive ?

Je prends par exemple deux extraits de L'Entraînement de l'esprit en 7 points, postés dans un autre fil :

ལེ་ལན་ཐམས་ཅད་གཅིག་ལ་བདའ།།
3. Retourne tous les blâmes vers une seule personne.


Pourtant, dans le conventionnel, il y a bien un agresseur et une victime. Comment concilier la vie quotidienne avec l'instruction précédente ?

ད་ནི་ཤི་ཡང་མི་འགྱོད་དོ།།
Si je dois mourir maintenant, je n'ai aucun regret.


Si on tombe dans un lac et qu'on se noie, n'y a t'il pas un risque de baisser les bras, de ne pas lutter pour survivre ?
Comment concilier cette instruction avec l'instinct de conservation nécessaire à notre survie ?

J'ai vu dans l'actualité, que des moines s'immolaient par le feu...
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/ar ... _3216.html
:cry:

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 25 mars 2012, 18:11
par Dharmadhatu
jap_8 Hello Ted,

ལེ་ལན་ཐམས་ཅད་གཅིག་ལ་བདའ།།
3. Retourne tous les blâmes vers une seule personne.

Pourtant, dans le conventionnel, il y a bien un agresseur et une victime. Comment concilier la vie quotidienne avec l'instruction précédente ?
Le vénérable Yéshé Lodoe Rinpoché a commenté cette phrase aujourd'hui ça tombe bien !

Il a dit que lorsqu'une personne nous est hostile, elle nous permet de cultiver la patience; si nous nous emportons en pensant "ce n'est pas juste ! pourquoi me fait-il ça à MOI ??" On perd sa paix intérieure et on n'a aucune chance de progresser spirituellement.

Par contre, si on envisage la causalité karmique, avec les différents fruits karmiques, on peut se dire que finalement c'est de notre faute car on a pu dans le passé blesser cette personne. C'est le fruit égal à sa cause (tib. gyou thun gi drébou).

Arya Shantideva, dans son Bodhicharyavatara explique que nous n'avons aucune raison de nous emporter contre les autres, nous avons seulement besoin d'éradiquer cet ego qui nous a toujours causé du tort. C'est contre l'ego que tous les blâmes doivent être retournés finalement.
ད་ནི་ཤི་ཡང་མི་འགྱོད་དོ།།
Si je dois mourir maintenant, je n'ai aucun regret.

Si on tombe dans un lac et qu'on se noie, n'y a t'il pas un risque de baisser les bras, de ne pas lutter pour survivre ?
Comment concilier cette instruction avec l'instinct de conservation nécessaire à notre survie ?
Le texte évoque plutôt une situation inexorable: par exemple, si quelqu'un a un accident de voiture et que les secours arrivent trop tard, il doit mourir maintenant.

On pourrait dire: puisque je vais mourir un jour (le plus tard possible), je n'aurai aucun regret. Ce fait est inéluctable en l'état.

Pour les Tibétains qui s'immolent, ça a commencé il y a quelques mois, le chiffre grimpe et il est rare qu'on en parle. Leur motivation doit être tenue en compte, mais en même temps si les médias ne s'en mêlent pas beaucoup plus, même cet acte est vain, hélas.

Amitié FleurDeLotus

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 26 mars 2012, 10:40
par ted
Dharmadhatu a écrit :Pour les Tibétains qui s'immolent, ça a commencé il y a quelques mois, le chiffre grimpe et il est rare qu'on en parle. Leur motivation doit être tenue en compte, mais en même temps si les médias ne s'en mêlent pas beaucoup plus, même cet acte est vain, hélas.
Mais est-ce qu'on se rend compte à quel point cet acte est un acte désespéré ! :shock:
Surtout pour des moines qui ont connaissance des enseignements sur la souffrance.
Il faut que ce niveau de souffrance soit perçu comme insupportable à leurs yeux pour qu'ils passent à l'acte de cette façon !

Pourquoi n'en parle t'on pas plus ? Pour ne pas vexer la Chine ?
Pourtant, des employés se suicident en France, sur leur lieu de travail, et leur souffrance est reconnue.. :-(

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 26 mars 2012, 11:12
par Longchen
La question que je me pose est, est-ce réellement un acte désespéré ou une façon de s’opposer à l’occupation chinoise, par le suicide par immolation, qui est spectaculaire et qui attire l’attention. Car il y a différentes façons de se suicider, et le suicide par immolation n’est quand même pas le plus courant.

J’ai bien conscience que tout cela n’est pas évident du tout... Parfois on lit qu’il ne s’agit pas d’actes désespérés, d’où ce que j’exprime, mais évidemment je n’ai aucune réponse à ce propos. Bien sûr en un sens c’est du désespoir, c’est évident, mais vous comprenez ce que je veux dire...
Je crois que le Dalaï Lama a demandé que ces immolations cessent, car elles n’apporteront rien.
Personnellement je trouve cela triste et très préoccupant, cela me dérange aussi.
FleurDeLotus

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 26 mars 2012, 11:19
par Flocon
Bon courage, Ted, pour les soucis que tu rencontres. :)

Sinon, je rejoins Dharmadhatu : il ne me semble pas que le bouddhisme prône la passivité pure, que ce soit face à la mort ou face à la malfaisance d'autrui. La vie du pratiquant y est toujours décrite comme précieuse, en tant qu'elle est une vie humaine et qu'elle a permis de rentrer en contact avec le dharma. Il faut donc la préserver par tous les moyens disponibles. Plus largement, toutes les vies sont précieuses en tant que telles, puisqu'on exprime parfois le premier précepte sous la formule de "protéger la vie". L'absence de regrets au moment de la mort ne me paraît donc pas être l'abandon de l'instinct de conservation, mais plutôt la juste compréhension de l'impermanence. Elle n'exclut pas le combat pour survivre tant qu'il est possible.

De la même façon, la "non-nuisance" ne signifie pas forcément l'absence de réponse aux actes de malfaisance dont on est victime. Normalement, pour un bouddhiste, la souffrance qu'il éprouve à être l'objet de tels actes est dûe non à ces actes en eux-mêmes, mais aux facteurs perturbateurs qui souillent son esprit : je crois que c'est en ce sens que le "blâme" peut être porté contre lui-même et non contre l'auteur des actes. De là à ne pas répondre et à tout subir, il y a un pas important, car subir est aussi favoriser chez l'autre la création d'un karma négatif : donc c'est plutôt de la lâcheté que de la bienveillance, ou un refus d'endosser ses responsabilités. Il faut plutôt trouver une juste réponse, une réponse conforme aux préceptes de l'éthique. Pas facile, évidemment...

Quant aux suicides des moines, soit ce sont des actes de désespoir, soit ce sont des actes de générosité (ils donnent leur vie pour une cause qui leur paraît importante, la liberté de leur pays par exemple). Il est bien délicat de séparer les deux. La presse française en a pas mal parlé, je n'ai pas l'impression que le phénomène ait été tant que ça occulté par les médias. Après, que faire, c'est une autre question... :???:

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 26 mars 2012, 11:36
par Longchen
Cela me paraît curieux de dire que les suicides des moines tibétains pourraient être des actes de générosité.
Personnellement, j’ai envisagé qu’il pouvait s’agir d’actes de désespoir, soit et d’actes de désespoir et de résistance. J’avais relevé que le premier suicide a eu lieu après -mais pas tout de suite après cependant- la tentative de suicide par immolation de ce jeune tunisien qui par la suite est décédé et est devenu le symbole que l’on sait (par rapport au printemps arabe). Par contre il n’y a peut être aucun lien entre ceci et cela, mais je me suis posé des questions.
Sujet délicat et complexe...
FleurDeLotus

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 26 mars 2012, 14:16
par Dharmadhatu
jap_8 Je pense en effet que c'est pour ménager les grandes susceptibilités de certains gouvernants chinois hélas.

Amitié FleurDeLotus

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 27 mars 2012, 13:07
par ted
Flocon a écrit :De la même façon, la "non-nuisance" ne signifie pas forcément l'absence de réponse aux actes de malfaisance dont on est victime. Normalement, pour un bouddhiste, la souffrance qu'il éprouve à être l'objet de tels actes est dûe non à ces actes en eux-mêmes, mais aux facteurs perturbateurs qui souillent son esprit : je crois que c'est en ce sens que le "blâme" peut être porté contre lui-même et non contre l'auteur des actes. De là à ne pas répondre et à tout subir, il y a un pas important, car subir est aussi favoriser chez l'autre la création d'un karma négatif : donc c'est plutôt de la lâcheté que de la bienveillance, ou un refus d'endosser ses responsabilités. Il faut plutôt trouver une juste réponse, une réponse conforme aux préceptes de l'éthique. Pas facile, évidemment...
Concrètement :
- Faut-il répondre à quelqu'un qui vous insulte dans la rue ?
- Faut-il se facher (ou faire semblant de se facher) si on n'a pas l'augmentation promise par son patron ?
- Faut-il ne rien dire quand on se fait doubler par quelqu'un dans une file d'attente ?

Mais, dans le même temps, si on s'accroche à une place dans une queue, une augmentation ou une insulte, est-ce qu'on n'est pas encore très attaché aux choses matérielles ?

Sauf pour l'augmentation, je crois qu'il est sage de laisser tomber... :mrgreen:

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 28 mars 2012, 08:55
par Flocon
Je crois que dans les cas que tu cites, il est sage en effet de laisser tomber, bouddhisme ou non : c'est du bon sens élémentaire. :lol:

Mais il existe des situations plus graves : que faire si l'on est victime de violences physiques, par exemple? Ou d'abus racistes? Faudrait-il renoncer à porter plainte et à obtenir justice, sous prétexte que l'on est bouddhiste? Je ne pense pas : le travail intérieur demandé par l'approche bouddhiste n'exclut pas l'action, lorsqu'elle est nécessaire.

Re: Bouddhisme et combativité

Publié : 28 mars 2012, 08:58
par Sourire
Longchen a écrit :Cela me paraît curieux de dire que les suicides des moines tibétains pourraient être des actes de générosité.
Personnellement, j’ai envisagé qu’il pouvait s’agir d’actes de désespoir, soit et d’actes de désespoir et de résistance. J’avais relevé que le premier suicide a eu lieu après -mais pas tout de suite après cependant- la tentative de suicide par immolation de ce jeune tunisien qui par la suite est décédé et est devenu le symbole que l’on sait (par rapport au printemps arabe). Par contre il n’y a peut être aucun lien entre ceci et cela, mais je me suis posé des questions.
Sujet délicat et complexe...
FleurDeLotus
jap_8