Bouddha a souvent été comparé à un médecin qui examine un malade. Dans les quatre vérités, il identifie le problème (souffrance), en explique la cause (soif/avidité), détaille le pronostique (il est possible de cesser la souffrance), et prescrit un traitement (l'octuple sentier).
Le problème auquel s'adresse Bouddha est très abstrait, et omniprésent. C'est la souffrance, qui se manifeste dans la peur de la mort et de l'incertitude, l'affliction des maladies et vieillesse, l'insatisfaction envers la vie. Mais en fait, le Bouddha s'intéresse moins à ces problèmes en particulier qu'à la façon dont nous les gérons et envisageons. En ce sens il est souvent appelé le premier psychologue.
Et de fait, le traitement que prescrit le Bouddha est entièrement psychologique. Il n'y a pas de chirurgie, de prise de médicaments, tout passe par le mental et le comportemental, de sorte qu'on pourrait voir la voie médiane comme une sorte de psychothérapie.
Pourtant, ces parallèles sont mis à mal par un certain nombre de facteurs. Par exemple les retraites et une pratique sérieuse et assidue semble démanteler les protections psychiques qui nous ont permis de survivre jusque là, et parfois provoquer une crise mentale profonde (cela est discuté dans le fil sur les "méfaits de la pratique et la méditation"), à telle enseigne qu'on dit qu'il vaut mieux avoir résolu ses problèmes psychologiques graves (dépression, addiction, etc) avant d'entamer la pratique de la voie spirituelle.
Ce point de vue est notamment développé dans un texte de Han De Wit (La Souffrance Névrotique et la Souffrance Existentielle), qui compare l'approche de la psychothérapie moderne à la pratique du bouddhisme. Je cite simplement le résumé:
Je souhaiterais donc vos points de vue (et éventuellement expériences personnelles) au sujet de ces deux pratiques. Sont elles vraiment d'application à deux niveaux différents? Est-ce une mauvaise idée de penser que l'on peut résoudre nos problèmes psychologiques par la pratique du Bouddhisme? Et pourquoi? Devrait-on exclure les personnes fragiles?Han F. De Wit a écrit :nous examinerons la relation entre deux approches de l’esprit, celle du bouddhisme et celle de la psychothérapie occidentale. Toutes deux sont basées sur leur compréhension respective de la souffrance. Il apparaît que la façon d’interpréter la "souffrance" est totalement différente dans ces deux traditions. La voie bouddhiste est en premier lieu et en définitive un moyen de vaincre ce que nous appellerons la «souffrance existentielle», celle engendrée par notre incapacité à faire avec et à accepter les réalités de la vie humaine que le bouddhisme appelle les Trois Marques de l’Existence. Les approches psychothérapeutiques semblent avant tout s’efforcer de surmonter ce que nous qualifierons d’une façon quelque peu désuète de "souffrance névrotique" et que nous définirons ici comme étant la souffrance qui naît de l’incapacité à gérer et à apaiser la souffrance existentielle. Ce sont les distinctions et les relations entre ces deux types de souffrance qui servent d’outil diagnostique et qui déterminent le choix entre une indication psychothérapeutique ou l’approche bouddhiste, avec en particulier la pratique de la méditation. En outre, cette distinction nous fait prendre conscience des risques encourus lorsqu’on confond les disciplines psychothérapeutique et spirituelle.
Il est aussi intéressant de comparer les méthodes des deux approches: tandis que la psychothérapie passe par les efforts du psychothérapeute à amener le patient à verbaliser ses schémas psychologiques et comportementaux, ce qui lui permet d'en prendre conscience, et à partir de là de les déconstruire, le bouddhisme emprunte deux autres voies: le conditionnement comportemental (agir tel qu'on devrait agir, pour devenir celui qu'on devrait être, voir par exemple les cinq préceptes des laïcs), et par la pratique de la méditation (que ce soit via la concentration (samādhi), ou la vision pénétrante (vipassana), qui vise à épurer l'esprit de ses distractions tout en permettant de voir les choses telles qu'elles sont.
On pourrait se dire que ce sont des méthodes qui visent à rechercher la même chose (une meilleure compréhension de "soi", "ego"), pourquoi auraient elles un champ d'application différent/complémentaire?