Les leçons de la voix intérieure
Publié : 25 novembre 2011, 13:14
Les leçons de la voix intérieure
Thanissaro bhikkhu
Août 2002
Une des premières choses que vous observez, lorsque vous essayez de rendre l’esprit silencieux, c’est l’absence de silence — tout le bavardage qui se déroule, toutes les discussions, les dialogues, les discussions de comité qui se déroulent dans votre tête, et parfois dans votre corps tout entier. On dirait qu’il y a un bavardage incessant.
Souvent, lorsque nous commençons à méditer, notre première pensée est : « Comment puis-je arrêter le bavardage ? Comment puis-je rendre silencieuses toutes ces voix afin que les choses soient parfaitement silencieuses à l’intérieur ? » Mais lorsque vous pratiquez, vous commencez à vous rendre compte que ce n’est pas ainsi que vous pouvez mettre un terme à ces choses-là. Cela requiert un processus plus graduel, apprendre à contrôler cette conversation. Lorsque vous débutez, il y a beaucoup de voix malhabiles à l’intérieur, et fréquemment la discussion n’est pas menée selon les règles de la Procédure Parlementaire.
Cette voix-ci fait irruption, cette voix-là vous crie dessus, cette voix murmure à votre oreille. Et tous les subterfuges et les techniques d’une réunion politique ne sont rien, comparés à ce qui se passe dans l’esprit — tous les tours que l’esprit se joue à lui-même, comment les différentes voix essaient d’obtenir ce qu’elles veulent — parce que beaucoup d’entre elles ne sont pas simplement des voix dépourvues de but, qui disent des choses au hasard. Elles ont un but en disant ce qu’elles disent. Il y a une incitation à agir dans un sens ou dans un autre, et donc elles essaient toutes sortes de ruses afin d’obtenir ce qu’elles veulent. L’esprit dispose d’un nombre illimité de moyens pour faire parvenir une idée particulière ou une motion particulière au comité. Donc, pour commencer, lorsque nous travaillons avec l’esprit, nous voulons rendre cette discussion plus habile.
Lorsque vous commencez à méditer, essayez de vous détacher au moins en partie de ces voix, afin de les observer depuis l’extérieur, au lieu de vous joindre à la conversation, de considérer ces voix comme étant les vôtres. C’est l’une des leçons de l’enseignement sur anattā : ce n’est pas vous qui êtes en train de parler, là. Il y a des voix, là, à l’intérieur, et vous avez eu tendance à vous identifier à elles, mais vous pouvez également commencer à vous désidentifier d’elles. Dites-vous : « Je ne suis pas nécessairement responsable des choses qui font irruption dans l’esprit. Je ne suis pas obligé d’agir lorsque chaque terminaison nerveuse est excitée. Je ne suis pas obligé de m’impliquer. » Si une voix entre et vous incite à l’action, laissez-la simplement inciter, inciter, inciter, et au bout d’un moment, elle s’arrêtera. Vous pouvez simplement continuer à observer. Le simple fait de vouloir rendre cette conversation plus habile vous permet, en soi, de commencer à prendre vos distances.
Pratiquez la concentration sur la respiration comme un moyen de vous donner une bonne base ferme sur laquelle vous appuyer, de sorte que vous puissiez rester à l’extérieur de la discussion. Mais le simple fait d’observer la discussion ne va pas permettre de la faire disparaître toute seule. Vous devez également apprendre comment la rendre plus habile. Parfois, cela signifie introduire de nouvelles voix, comme la voix de la méditation qui dit : « Hé, reste avec la respiration, reste avec la respiration, rends la respiration confortable, permets à la respiration d’être confortable. Fais-nous de la place ici même. »
C’est la raison pour laquelle le Bouddha n’encourageait pas ses moines à prendre un vœu de silence. Dans le Vinaya, il y a l’histoire d’un groupe de moines qui commencèrent la retraite de la saison des pluies en prenant le vœu suivant : « Bon, nous n’allons pas nous parler. Chacun gardera le silence tout au long de la retraite. » À la fin de la retraite, ils allèrent voir le Bouddha, très fiers du fait qu’ils avaient réussi à ne pas se parler pendant les trois mois complets. Mais il ne leur fit pas d’éloges. À la place, il leur dit : « Vous avez vécu comme des moutons, comme des bêtes. » Cette conversation intérieure ne devient pas plus habile simplement en vous arrêtant de parler. Vous pouvez obtenir beaucoup d’aide pour améliorer votre conversation intérieure en tirant de bons exemples de la conversation extérieure.
La première chose à apprendre lorsque vous vivez ensemble, c’est comment vous parler de manière habile — ce qui peut signifier parler moins que vous ne le faites habituellement. Mais cela signifie également que lorsqu’il faut dire quelque chose, vous trouvez la meilleure manière de le dire : le meilleur moment, le meilleur endroit, les meilleurs mots pour formuler vos commentaires. Lorsque vous devenez plus habile en utilisant votre bouche, cela force l’esprit à devenir plus habile dans la manière dont il pense, et vous commencez à en voir les effets sur vos paroles. Si vous devez parler de quelque chose de négatif, quel est le meilleur moment pour mentionner le sujet ? Quelle est la manière la plus efficace de le dire ? Quelle est la manière de le dire qui causera le moins de tort au groupe ? Lorsque vous devenez plus habile à utiliser votre bouche de cette manière, vous découvrez que la conversation dans votre esprit commence également à mûrir.
En plus de cela, il y a des enregistrements à propos du Dhamma que vous pouvez écouter, des livres à propos du Dhamma que vous pouvez lire, pour introduire des voix nouvelles et meilleures au sein de la conversation. C’est également pour cela que nous avons la récitation. Certains des versets des chants reviennent continuellement dans votre tête à différentes heures de la journée, et ils ont été conçus afin de constituer des ajouts habiles à cette conversation.
Vous remarquerez, lorsque vous essayez de vous retirer de vos conversations intérieures, qu’il est plus facile de le faire pour certaines que pour d’autres. Celles qui sont remplies de récriminations et de pensées négatives, de pensées nocives : ce sont celles-là dont il est le plus difficile de se dégager. Mais il est beaucoup plus facile de se retirer des conversations intérieures qui traitent des questions du bonheur véritable, des questions relatives à l’habileté, des questions qui portent sur ce qui est vraiment important dans la vie, parce qu’elles tendent vers la quiétude, parce qu’elles tendent vers la concentration.
Donc, lorsque nous entraînons l’esprit, il ne s’agit pas seulement d’arrêter immédiatement l’activité de penser. Il s’agit d’apprendre comment penser de façon plus habile, et cela commence en apprenant comment utiliser votre bouche de façon plus habile. Ainsi qu’Ajahn Lee l’a dit un jour : « Vous devriez vous incliner devant votre bouche tous les jours. » Vous possédez une bouche humaine, et la bouche humaine a beaucoup de pouvoir. Ce n’est pas comme la gueule des chiens et des chats, qui disposent d’un vocabulaire très limité, seulement des aboiements et des miaulements. Nous pouvons dire toutes sortes de choses, et ces choses peuvent avoir un effet énorme sur nos vies. Si vous commencez à faire attention à ce que vous dites au cours de la journée et que vous essayez de le rendre plus habile, vous commencez à voir que cela a vraiment un effet sur le type de relation que vous entretenez avec les autres, et sur le type de relation que les autres entretiennent avec vous. Le contexte de votre vie tout entière est fortement affecté par vos paroles.
Lorsque vous travaillez sur ce point, il s’établit une relation entre l’acte de travailler sur votre discours extérieur et la question du travail sur votre propre esprit. Le soin que vous apportez à formuler ce que vous dites, la pensée et la circonspection dont vous faites preuve lorsque vous remarquez quel est le moment approprié pour le dire, décidant ce qui vaut la peine d’être dit, ce qui ne vaut pas la peine d’être dit : toutes ces choses développent sati, elles développent l’attitude d’alerte (5) — toutes les bonnes qualités dont vous avez besoin au cours de la méditation. Vous apprenez à évaluer ce à quoi il vaut la peine de penser, quel est le bon moment pour penser, quel est le mauvais moment pour penser. Votre discours intérieur se transforme en Parole Juste, qui est un autre facteur de la Voie.
En même temps, comme vous avez ces voix meilleures dans votre tête, il est beaucoup plus facile de vous en retirer et de les observer afin d’être capable de voir : lorsqu’une pensée se forme, comment se forme-t-elle ? Les pensées bénéfiques sont beaucoup plus faciles à démonter de cette manière. Les pensées qui sont remplies d’autorécrimination et de regrets sont très difficiles à démonter parce qu’il est si facile de se retrouver pris dans leurs histoires. Plus la pensée est habile, plus elle est facile à démonter. Vous pouvez simplement observer la pensée calmement tandis qu’elle va et vient parce qu’elle ne contient aucun poison pour l’esprit. À mesure que vous travaillez la méditation, vous voyez de plus en plus rapidement comment la pensée se forme, comment elle se dissout, comment elle peut vous tromper, et comment vous n’êtes pas obligé d’être trompé.
Lorsque nous parlons de réaliser des progrès dans la méditation, beaucoup d’entre nous pensent que cela signifie faire des expériences très fortes, disons, de ravissement, d’unité, ou de lumière. Et ce sont des choses dont il ne faut pas se moquer. Elles sont importantes. Elles donnent une impression de lubrification, une impression rafraîchissante à la pratique. Mais le progrès réel se mesure à la rapidité avec laquelle vous observez ce qui se passe dans l’esprit. Par exemple, lorsque l’esprit commence à s’esquiver, la rapidité avec laquelle vous pouvez le rattraper et le ramener. Cela, c’est un signe de progrès.
Lorsque vous y parvenez de plus en plus vite, vous commencez à voir le processus de formation de la pensée en tant que tel — ce qui se passe exactement là-dedans. Quand commencez-vous à participer à une pensée ? Trop souvent, nous sommes conscients d’une pensée seulement lorsqu’elle est complètement formée ; mais comment s’est-elle formée de cette manière ? Cela s’est-il passé tout seul, ou y a-t-il eu une forme subliminale de participation de votre part ? Lorsque vous observez de plus en plus attentivement, vous commencez à trouver des réponses à ces questions, car vous pouvez saisir le processus en train de se dérouler.
Chaque pensée commence simplement comme un petit frémissement, et il est difficile de dire s’il s’agit d’un frémissement dans le corps ou d’un frémissement dans l’esprit. C’est à la limite entre les deux. Ensuite, il y a l’acte de s’y intéresser, d’y faire attention, suivi par la question : « C’est une pensée à propos de quoi ? » Ensuite, l’esprit étiquette : « Oh, c’est une pensée à propos de x, c’est une pensée à propos de y. » Et cela la transforme en une pensée à part entière. Donc, la question est la suivante: pouvez-vous observer le frémissement qui devrait normalement aboutir à une pensée et ensuite ne pas participer à son étiquetage, ne pas participer à la tentative d’arriver à la comprendre ? Lorsque vous pouvez faire ceci, vous voyez que ces frémissements viennent, et si vous ne participez pas en eux, ils s’en vont. Ils reviennent, et si vous continuez à ne pas participer, ils s’en vont.
(5) Attitude d’alerte : sampajañña en pali. Cf. sati dans le glossaire.
De cette manière, vous commencez à vous rendre compte dans quelle mesure la formation des pensées constitue réellement un processus intentionnel de votre part. Le désir de comprendre une pensée, le désir de pénétrer dans la pensée : quel est le fondement de ce désir ? Est-ce l’ennui ? Êtes-vous fatigué d’être tout simplement très calme ? Voulez- vous du divertissement ? C’est dangereux, vous savez. Certaines de ces pensées, une fois formées, prennent le contrôle de l’esprit et se transforment en cauchemars.
Donc, vous essayez d’être de plus en plus rapide pour apercevoir ces voix lorsqu’elles se forment — d’où elles viennent, combien exactement vous investissez en elles en ce moment même, quelle est la part de cette activité qui est simplement le résultat du karma passé qui remonte en bouillonnant dans l’esprit. Vous contrôlez de mieux en mieux ces conversations, si bien que lorsque vous avez besoin de vous parler de certaines choses, vous le pouvez. Lorsque vous n’avez pas besoin de le faire, vous pouvez laisser régner le silence, et la seule conversation qui se déroule à ce moment-là est la partie de l’esprit qui contrôle la concentration et qui dit : « Reste ici, reste ici, répands la conscience ici. » C’est la conversation habile que vous voulez placer aux commandes. Une fois que la concentration est vraiment ferme, alors vous pouvez commencer à orienter votre projecteur sur ces voix, le centre de contrôle de votre concentration. Mais ne soyez pas trop pressé de le faire. Vous voulez que la concentration soit vraiment ferme avant de démonter ces voix.
Donc, l’entraînement de l’esprit n’est pas un processus qui consiste à supprimer tout le bavardage mental dans l’esprit. Il s’agit d’abord d’apprendre comment rendre le bavardage plus habile, en commençant par l’extérieur, en étant plus habile dans ce que vous dites. C’est la raison pour laquelle la Parole Juste constitue une partie aussi importante de la pratique. Parce que, d’où la parole vient-elle ? Le Bouddha dit qu’elle vient de la pensée dirigée et de l’évaluation, qui — lorsqu’elles sont bien entraînées — se transformeront en facteurs de votre concentration. Vous dirigez vos pensées vers la respiration, vous évaluez la respiration. Cela vous aide à pénétrer dans le premier jhāna. Mais pour arriver au stade où vous pouvez vraiment être efficace dans l’utilisation de la pensée dirigée et de l’évaluation avec la respiration, vous devez être plus habile dans la manière dont vous dirigez vos pensées et dont vous évaluez ce que vous voulez dire aux autres, dans la manière dont vous utilisez ces facultés de la pensée dirigée et de l’évaluation pour créer des mots : à la fois les mots que vous adressez aux autres, et la conversation dans votre propre esprit.
Ensuite, lorsque cette conversation intérieure devient plus habile, vous pouvez commencer à la démonter de manière encore plus raffinée. Finalement, lorsque toutes les autres conversations se sont calmées, vous pouvez vous tourner pour questionner la voix plus subtile de la perception aux commandes de votre concentration : « Qui est en train de parler ici ? Pour qui est-elle en train d’étiqueter ? » C’est alors que les choses se révèlent vraiment dans l’esprit. Bien sûr, nous voulons tous atteindre directement le stade où se trouve le transcendant, mais pour y arriver, cela demande de l’habileté, cela prend du temps, cela demande de la persévérance. Il en va ainsi pour toutes les bonnes choses dans la vie. Il faut du temps pour maîtriser les choses qui ont une valeur pérenne. Donc, maintenant, nous avons une heure. Faites ce que vous pouvez pendant cette heure. Essayez au minimum de contrôler en partie la conversation en cours du comité, pour que le bavardage puisse se calmer de plus en plus facilement. Une fois qu’il peut se calmer, vous pouvez le voir plus clairement. C’est la raison pour laquelle le Bouddha a dit que la concentration et le discernement (6) vont ensemble. Vous ne pouvez pas pratiquer simplement la vision pénétrante ou simplement la concentration. Les deux marchent main dans la main. Et cela se passe ici même, avec ce problème — ces voix mentales et le degré d’habileté de votre relation avec elles. C’est là que réside la véritable substance de la pratique.
(6) Discernement : paññā en pali, souvent traduit par « sagesse ».
http://docs.google.com/viewer?a=v&q=cac ... Ma9KOy1e9g
Thanissaro bhikkhu
Les leçons de la voix intérieure
Thanissaro bhikkhu
Août 2002
Une des premières choses que vous observez, lorsque vous essayez de rendre l’esprit silencieux, c’est l’absence de silence — tout le bavardage qui se déroule, toutes les discussions, les dialogues, les discussions de comité qui se déroulent dans votre tête, et parfois dans votre corps tout entier. On dirait qu’il y a un bavardage incessant.
Souvent, lorsque nous commençons à méditer, notre première pensée est : « Comment puis-je arrêter le bavardage ? Comment puis-je rendre silencieuses toutes ces voix afin que les choses soient parfaitement silencieuses à l’intérieur ? » Mais lorsque vous pratiquez, vous commencez à vous rendre compte que ce n’est pas ainsi que vous pouvez mettre un terme à ces choses-là. Cela requiert un processus plus graduel, apprendre à contrôler cette conversation. Lorsque vous débutez, il y a beaucoup de voix malhabiles à l’intérieur, et fréquemment la discussion n’est pas menée selon les règles de la Procédure Parlementaire.
Cette voix-ci fait irruption, cette voix-là vous crie dessus, cette voix murmure à votre oreille. Et tous les subterfuges et les techniques d’une réunion politique ne sont rien, comparés à ce qui se passe dans l’esprit — tous les tours que l’esprit se joue à lui-même, comment les différentes voix essaient d’obtenir ce qu’elles veulent — parce que beaucoup d’entre elles ne sont pas simplement des voix dépourvues de but, qui disent des choses au hasard. Elles ont un but en disant ce qu’elles disent. Il y a une incitation à agir dans un sens ou dans un autre, et donc elles essaient toutes sortes de ruses afin d’obtenir ce qu’elles veulent. L’esprit dispose d’un nombre illimité de moyens pour faire parvenir une idée particulière ou une motion particulière au comité. Donc, pour commencer, lorsque nous travaillons avec l’esprit, nous voulons rendre cette discussion plus habile.
Lorsque vous commencez à méditer, essayez de vous détacher au moins en partie de ces voix, afin de les observer depuis l’extérieur, au lieu de vous joindre à la conversation, de considérer ces voix comme étant les vôtres. C’est l’une des leçons de l’enseignement sur anattā : ce n’est pas vous qui êtes en train de parler, là. Il y a des voix, là, à l’intérieur, et vous avez eu tendance à vous identifier à elles, mais vous pouvez également commencer à vous désidentifier d’elles. Dites-vous : « Je ne suis pas nécessairement responsable des choses qui font irruption dans l’esprit. Je ne suis pas obligé d’agir lorsque chaque terminaison nerveuse est excitée. Je ne suis pas obligé de m’impliquer. » Si une voix entre et vous incite à l’action, laissez-la simplement inciter, inciter, inciter, et au bout d’un moment, elle s’arrêtera. Vous pouvez simplement continuer à observer. Le simple fait de vouloir rendre cette conversation plus habile vous permet, en soi, de commencer à prendre vos distances.
Pratiquez la concentration sur la respiration comme un moyen de vous donner une bonne base ferme sur laquelle vous appuyer, de sorte que vous puissiez rester à l’extérieur de la discussion. Mais le simple fait d’observer la discussion ne va pas permettre de la faire disparaître toute seule. Vous devez également apprendre comment la rendre plus habile. Parfois, cela signifie introduire de nouvelles voix, comme la voix de la méditation qui dit : « Hé, reste avec la respiration, reste avec la respiration, rends la respiration confortable, permets à la respiration d’être confortable. Fais-nous de la place ici même. »
C’est la raison pour laquelle le Bouddha n’encourageait pas ses moines à prendre un vœu de silence. Dans le Vinaya, il y a l’histoire d’un groupe de moines qui commencèrent la retraite de la saison des pluies en prenant le vœu suivant : « Bon, nous n’allons pas nous parler. Chacun gardera le silence tout au long de la retraite. » À la fin de la retraite, ils allèrent voir le Bouddha, très fiers du fait qu’ils avaient réussi à ne pas se parler pendant les trois mois complets. Mais il ne leur fit pas d’éloges. À la place, il leur dit : « Vous avez vécu comme des moutons, comme des bêtes. » Cette conversation intérieure ne devient pas plus habile simplement en vous arrêtant de parler. Vous pouvez obtenir beaucoup d’aide pour améliorer votre conversation intérieure en tirant de bons exemples de la conversation extérieure.
La première chose à apprendre lorsque vous vivez ensemble, c’est comment vous parler de manière habile — ce qui peut signifier parler moins que vous ne le faites habituellement. Mais cela signifie également que lorsqu’il faut dire quelque chose, vous trouvez la meilleure manière de le dire : le meilleur moment, le meilleur endroit, les meilleurs mots pour formuler vos commentaires. Lorsque vous devenez plus habile en utilisant votre bouche, cela force l’esprit à devenir plus habile dans la manière dont il pense, et vous commencez à en voir les effets sur vos paroles. Si vous devez parler de quelque chose de négatif, quel est le meilleur moment pour mentionner le sujet ? Quelle est la manière la plus efficace de le dire ? Quelle est la manière de le dire qui causera le moins de tort au groupe ? Lorsque vous devenez plus habile à utiliser votre bouche de cette manière, vous découvrez que la conversation dans votre esprit commence également à mûrir.
En plus de cela, il y a des enregistrements à propos du Dhamma que vous pouvez écouter, des livres à propos du Dhamma que vous pouvez lire, pour introduire des voix nouvelles et meilleures au sein de la conversation. C’est également pour cela que nous avons la récitation. Certains des versets des chants reviennent continuellement dans votre tête à différentes heures de la journée, et ils ont été conçus afin de constituer des ajouts habiles à cette conversation.
Vous remarquerez, lorsque vous essayez de vous retirer de vos conversations intérieures, qu’il est plus facile de le faire pour certaines que pour d’autres. Celles qui sont remplies de récriminations et de pensées négatives, de pensées nocives : ce sont celles-là dont il est le plus difficile de se dégager. Mais il est beaucoup plus facile de se retirer des conversations intérieures qui traitent des questions du bonheur véritable, des questions relatives à l’habileté, des questions qui portent sur ce qui est vraiment important dans la vie, parce qu’elles tendent vers la quiétude, parce qu’elles tendent vers la concentration.
Donc, lorsque nous entraînons l’esprit, il ne s’agit pas seulement d’arrêter immédiatement l’activité de penser. Il s’agit d’apprendre comment penser de façon plus habile, et cela commence en apprenant comment utiliser votre bouche de façon plus habile. Ainsi qu’Ajahn Lee l’a dit un jour : « Vous devriez vous incliner devant votre bouche tous les jours. » Vous possédez une bouche humaine, et la bouche humaine a beaucoup de pouvoir. Ce n’est pas comme la gueule des chiens et des chats, qui disposent d’un vocabulaire très limité, seulement des aboiements et des miaulements. Nous pouvons dire toutes sortes de choses, et ces choses peuvent avoir un effet énorme sur nos vies. Si vous commencez à faire attention à ce que vous dites au cours de la journée et que vous essayez de le rendre plus habile, vous commencez à voir que cela a vraiment un effet sur le type de relation que vous entretenez avec les autres, et sur le type de relation que les autres entretiennent avec vous. Le contexte de votre vie tout entière est fortement affecté par vos paroles.
Lorsque vous travaillez sur ce point, il s’établit une relation entre l’acte de travailler sur votre discours extérieur et la question du travail sur votre propre esprit. Le soin que vous apportez à formuler ce que vous dites, la pensée et la circonspection dont vous faites preuve lorsque vous remarquez quel est le moment approprié pour le dire, décidant ce qui vaut la peine d’être dit, ce qui ne vaut pas la peine d’être dit : toutes ces choses développent sati, elles développent l’attitude d’alerte (5) — toutes les bonnes qualités dont vous avez besoin au cours de la méditation. Vous apprenez à évaluer ce à quoi il vaut la peine de penser, quel est le bon moment pour penser, quel est le mauvais moment pour penser. Votre discours intérieur se transforme en Parole Juste, qui est un autre facteur de la Voie.
En même temps, comme vous avez ces voix meilleures dans votre tête, il est beaucoup plus facile de vous en retirer et de les observer afin d’être capable de voir : lorsqu’une pensée se forme, comment se forme-t-elle ? Les pensées bénéfiques sont beaucoup plus faciles à démonter de cette manière. Les pensées qui sont remplies d’autorécrimination et de regrets sont très difficiles à démonter parce qu’il est si facile de se retrouver pris dans leurs histoires. Plus la pensée est habile, plus elle est facile à démonter. Vous pouvez simplement observer la pensée calmement tandis qu’elle va et vient parce qu’elle ne contient aucun poison pour l’esprit. À mesure que vous travaillez la méditation, vous voyez de plus en plus rapidement comment la pensée se forme, comment elle se dissout, comment elle peut vous tromper, et comment vous n’êtes pas obligé d’être trompé.
Lorsque nous parlons de réaliser des progrès dans la méditation, beaucoup d’entre nous pensent que cela signifie faire des expériences très fortes, disons, de ravissement, d’unité, ou de lumière. Et ce sont des choses dont il ne faut pas se moquer. Elles sont importantes. Elles donnent une impression de lubrification, une impression rafraîchissante à la pratique. Mais le progrès réel se mesure à la rapidité avec laquelle vous observez ce qui se passe dans l’esprit. Par exemple, lorsque l’esprit commence à s’esquiver, la rapidité avec laquelle vous pouvez le rattraper et le ramener. Cela, c’est un signe de progrès.
Lorsque vous y parvenez de plus en plus vite, vous commencez à voir le processus de formation de la pensée en tant que tel — ce qui se passe exactement là-dedans. Quand commencez-vous à participer à une pensée ? Trop souvent, nous sommes conscients d’une pensée seulement lorsqu’elle est complètement formée ; mais comment s’est-elle formée de cette manière ? Cela s’est-il passé tout seul, ou y a-t-il eu une forme subliminale de participation de votre part ? Lorsque vous observez de plus en plus attentivement, vous commencez à trouver des réponses à ces questions, car vous pouvez saisir le processus en train de se dérouler.
Chaque pensée commence simplement comme un petit frémissement, et il est difficile de dire s’il s’agit d’un frémissement dans le corps ou d’un frémissement dans l’esprit. C’est à la limite entre les deux. Ensuite, il y a l’acte de s’y intéresser, d’y faire attention, suivi par la question : « C’est une pensée à propos de quoi ? » Ensuite, l’esprit étiquette : « Oh, c’est une pensée à propos de x, c’est une pensée à propos de y. » Et cela la transforme en une pensée à part entière. Donc, la question est la suivante: pouvez-vous observer le frémissement qui devrait normalement aboutir à une pensée et ensuite ne pas participer à son étiquetage, ne pas participer à la tentative d’arriver à la comprendre ? Lorsque vous pouvez faire ceci, vous voyez que ces frémissements viennent, et si vous ne participez pas en eux, ils s’en vont. Ils reviennent, et si vous continuez à ne pas participer, ils s’en vont.
(5) Attitude d’alerte : sampajañña en pali. Cf. sati dans le glossaire.
De cette manière, vous commencez à vous rendre compte dans quelle mesure la formation des pensées constitue réellement un processus intentionnel de votre part. Le désir de comprendre une pensée, le désir de pénétrer dans la pensée : quel est le fondement de ce désir ? Est-ce l’ennui ? Êtes-vous fatigué d’être tout simplement très calme ? Voulez- vous du divertissement ? C’est dangereux, vous savez. Certaines de ces pensées, une fois formées, prennent le contrôle de l’esprit et se transforment en cauchemars.
Donc, vous essayez d’être de plus en plus rapide pour apercevoir ces voix lorsqu’elles se forment — d’où elles viennent, combien exactement vous investissez en elles en ce moment même, quelle est la part de cette activité qui est simplement le résultat du karma passé qui remonte en bouillonnant dans l’esprit. Vous contrôlez de mieux en mieux ces conversations, si bien que lorsque vous avez besoin de vous parler de certaines choses, vous le pouvez. Lorsque vous n’avez pas besoin de le faire, vous pouvez laisser régner le silence, et la seule conversation qui se déroule à ce moment-là est la partie de l’esprit qui contrôle la concentration et qui dit : « Reste ici, reste ici, répands la conscience ici. » C’est la conversation habile que vous voulez placer aux commandes. Une fois que la concentration est vraiment ferme, alors vous pouvez commencer à orienter votre projecteur sur ces voix, le centre de contrôle de votre concentration. Mais ne soyez pas trop pressé de le faire. Vous voulez que la concentration soit vraiment ferme avant de démonter ces voix.
Donc, l’entraînement de l’esprit n’est pas un processus qui consiste à supprimer tout le bavardage mental dans l’esprit. Il s’agit d’abord d’apprendre comment rendre le bavardage plus habile, en commençant par l’extérieur, en étant plus habile dans ce que vous dites. C’est la raison pour laquelle la Parole Juste constitue une partie aussi importante de la pratique. Parce que, d’où la parole vient-elle ? Le Bouddha dit qu’elle vient de la pensée dirigée et de l’évaluation, qui — lorsqu’elles sont bien entraînées — se transformeront en facteurs de votre concentration. Vous dirigez vos pensées vers la respiration, vous évaluez la respiration. Cela vous aide à pénétrer dans le premier jhāna. Mais pour arriver au stade où vous pouvez vraiment être efficace dans l’utilisation de la pensée dirigée et de l’évaluation avec la respiration, vous devez être plus habile dans la manière dont vous dirigez vos pensées et dont vous évaluez ce que vous voulez dire aux autres, dans la manière dont vous utilisez ces facultés de la pensée dirigée et de l’évaluation pour créer des mots : à la fois les mots que vous adressez aux autres, et la conversation dans votre propre esprit.
Ensuite, lorsque cette conversation intérieure devient plus habile, vous pouvez commencer à la démonter de manière encore plus raffinée. Finalement, lorsque toutes les autres conversations se sont calmées, vous pouvez vous tourner pour questionner la voix plus subtile de la perception aux commandes de votre concentration : « Qui est en train de parler ici ? Pour qui est-elle en train d’étiqueter ? » C’est alors que les choses se révèlent vraiment dans l’esprit. Bien sûr, nous voulons tous atteindre directement le stade où se trouve le transcendant, mais pour y arriver, cela demande de l’habileté, cela prend du temps, cela demande de la persévérance. Il en va ainsi pour toutes les bonnes choses dans la vie. Il faut du temps pour maîtriser les choses qui ont une valeur pérenne. Donc, maintenant, nous avons une heure. Faites ce que vous pouvez pendant cette heure. Essayez au minimum de contrôler en partie la conversation en cours du comité, pour que le bavardage puisse se calmer de plus en plus facilement. Une fois qu’il peut se calmer, vous pouvez le voir plus clairement. C’est la raison pour laquelle le Bouddha a dit que la concentration et le discernement (6) vont ensemble. Vous ne pouvez pas pratiquer simplement la vision pénétrante ou simplement la concentration. Les deux marchent main dans la main. Et cela se passe ici même, avec ce problème — ces voix mentales et le degré d’habileté de votre relation avec elles. C’est là que réside la véritable substance de la pratique.
(6) Discernement : paññā en pali, souvent traduit par « sagesse ».
http://docs.google.com/viewer?a=v&q=cac ... Ma9KOy1e9g
Thanissaro bhikkhu
Les leçons de la voix intérieure