Ruine mentale

Iskander

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Une des choses qui me frappe le plus lorsque je lis sur le Bouddhisme est à quel point le travail de développement spirituel repose sur le pratiquant lui même. Alors que par exemple Bouddhisme et Christianisme sont d'accord sur le fait que l'individu le plus corrompu peut atteindre l'Éveil/Paradis, les moyens d'y arriver sont très différents pour chaque religion. Dans le cas du Christianisme il suffit de recevoir la Grâce de Dieu, alors que dans le Bouddhisme il y a tout un cheminement qui doit être parcouru avant d'atteindre l'Éveil.

Si on comparait les deux apothéoses à un sommet de montagne, dans le Christianisme il suffit de recevoir un ticket de téléphérique, alors que dans le Bouddhisme on nous donne des encouragements, indique le sentier, mais c'est à nous de cracher nos poumons pour arriver tout en haut.

Or ce chemin de développement spirituel bouddhiste se base essentiellement sur l'usage des facultés mentales du pratiquant. L'octuple sentier parle ainsi de pensée juste, de pleine conscience et de concentration. Tout ce qui perturbe les facultés mentales est proscrit (intoxicants, etc), le nirvana lui même est un éveil, ce qui est fondamentalement une activité mentale.

Or le Bouddhisme reconnaît, et est d'ailleurs basé sur la constatation de l'impermanence des choses, et de l'illusion du soi, qui n'est qu'un assemblage momentané d'agrégats (skandhas). Or cette impermanence affecte aussi nos capacités mentales. Très souvent, et de plus en plus dans nos sociétés à longue durée de vie, notre esprit se désagrège avant notre mort. Il me semble que cette ruine mentale, bien que prévue dans le Bouddhisme, lui pose aussi un formidable défi.

Ainsi par exemple, qu'en est-il des Arhats. Ils ont connu l'Éveil, mais restent des hommes, assemblages d'agrégats. Que devient leur Éveil s'ils deviennent séniles, victimes d'Alzheimer, etc? Est-ce que ce n'est pas un détricotage de tous leurs efforts?

Mais de façon plus large et intéressante, la plupart d'entre nous sommes promis à subir les affres d'une dégradation mentale plus ou moins importante avant notre disparition. Est-ce que le Bouddhisme, de part son besoin essentiel de travail mental* n'est pas particulièrement démuni face à cette forme de souffrance? Ou au contraire est-ce que son expertise sur le mental ne lui donne des approches et outils spécifiques pour gérer ou accompagner cette ruine progressive?

J'aimerais entendre vos avis, mais encore plus vos témoignages de comment le Bouddhisme aborde ces questions.

* je suis parfaitement conscient que la figure d'Amitabha annule toute cette discussion, mais disons que je parle plus dans le cadre du canon Pali.

Edit: titre changé de "ruine de l'âme" vers "ruine mentale" pour éviter les malentendus
Dernière modification par Iskander le 16 octobre 2011, 21:34, modifié 1 fois.
kay

La foi ou la confiance peuvent vraiment aider quelqu'un au moment de la mort ou un assassin en prison ( lors de peine de morts, une dernière lueur de foi ou de confiance pouvait apparaître ), quelque soit le cheminement ou l'expérience . Après il y a des maladies mentales qui ont beaucoup obscurcit l'esprit ou carrément endommagé, c'est sur. Mais il y a la compassion des autres autour, dans les deux cas, bouddhisme ou christianisme.
Autrement, on découvre à peine le cerveau, au niveau scientifique... Il y a la neuroplasticité du cerveau qui donne d'autres perspectives. A cette époque-ci, c'est là où nous en sommes, au jour d'aujourd'hui...
Le Bouddha Shakymuni est effectivement mort d'une maladie physique, de nos jours elle pourrait-être mentale ?... Mais la méditation a un effet sur l'esprit, modifie le cerveau.
Des grands maîtres, peut-être des éveillés, sont morts mais pas tout à fait comme des êtres humain ordinaires, dans le bouddhisme tibétain, notamment.
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axiste
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Est-ce que le Bouddhisme, de part son besoin essentiel de travail mental* n'est pas particulièrement démuni face à cette forme de souffrance? Ou au contraire est-ce que son expertise sur le mental ne lui donne des approches et outils spécifiques pour gérer ou accompagner cette ruine progressive?
Peut-être quelques idées là pour un début de réponse ...
6) La méditation peut-elle ralentir le vieillissement du cerveau ?

Une étude de Sara Lazar et al (Université de Harvard, 2005) a montré que l’épaisseur du cortex de certaines zones cérébrales d’un groupe de 20 méditants expérimentés est significativement plus importante par rapport à un groupe de 15 non méditants. Les régions préfrontale et insulaire antérieure droite notamment, sont plus épaisses de 0,1 à 0,2 mm.

Comme l’épaisseur du cortex reflète en partie l’âge du cerveau, on peut penser que la pratique régulière de la méditation est susceptible de ralentir le vieillissement cérébral.
http://cusi.free.fr/fra/tnp_Neuroscienc ... dhisme.htm
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
ted

Iskander a écrit :Or ce chemin de développement spirituel bouddhiste se base essentiellement sur l'usage des facultés mentales du pratiquant. L'octuple sentier parle ainsi de pensée juste, de pleine conscience et de concentration. Tout ce qui perturbe les facultés mentales est proscrit (intoxicants, etc), le nirvana lui même est un éveil, ce qui est fondamentalement une activité mentale.
Non, non, pas du tout... <<metta>>
La notion de "juste", dans l'octuple sentier, ne fait pas référence à un processus cognitif vérifiable, intellectuellement, mentalement. Elle ne fait pas référence à un raisonnement qui serait "juste" ou "faux". Mais c'est vrai qu'on ne peut pas le deviner en lisant le truc comme ça. :)

En fait, la notion de "juste" correspond à un acte harmonieux, dans l'esprit de la Voie du milieu, ni trop, ni trop peu, qui sera perçu comme "juste" grâce à la sagesse issue des tréfonds. Le mental n'intervient pas dans l'acte juste. Je dirais même plus, on s'en débarrasse un peu. On se laisse guider par la sagesse transcendante prajna, qui est une forme d'intuition fulgurante. :)

Dans le Zen par exemple, l'acte juste surgit de la conscience Hishiryo, des tréfonds de la non-pensée. Cette sagesse permet justement à ceux qui ont des troubles mentaux d'avoir toujours un guide fiable. De façon générale, ce qui est "juste" est de l'ordre d'un ressenti extrêmement profond, d'une intime conviction, qui peut d'ailleurs laisser le mental perplexe.
jap_8
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Flocon
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Pour le bouddhisme, aucune maladie ne peut affecter l'éveil, qui a lieu au-delà du corps et de l'esprit, quelle que soit l'école en cause. Le Nibbana n'est pas une "activité mentale" et ne relève pas de la conscience (ou du moins, pas de ce qu'on appelle de la sorte en langage courant). Même atteints de la maladie d'Alzheimer, des arhats restent des arhats, ça n'y change rien. Je sais que c'est difficile à comprendre et sans doute encore plus à croire.
Pour le reste, il existe des études sur les bienfaits de certaines formes de méditations au niveau neurologique, mais cela n'a rien de propre au bouddhisme. C'est la même chose pour d'autres religions, ou simplement pour toutes les activités qui stimulent le cortex (faire des maths est aussi bon que pratiquer vipassana si l'on veut préserver sa matière grise, quoi :lol: . Mais les maths ne prétendent pas conduire à l'éveil).
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Jean

Corps, Parole, Esprit

Il n'y a donc pas que l'Esprit

Parole (prière, mantra, syllabes germes) peut être remplacé par Emotion, Energie (les exercices de Tsa Loung)

Pour le corps il y a les prosternations, les moudras, le Yantra Yoga; le Trul Khor; le Mandala Yoga etc

L’Être Humain est un tout qui peut être divisé en trois étages, chaque étage est concerné dans son évolution vers l'état de Bouddha.

Pourquoi aborder sous l'angle de "Ruine"? On peut aborder le Bouddhisme sous l'angle de "cultivation" des potentialités de l'Etre Humain, comme un accompagnement de l'évolution de l'état de chenille vers l'état de papillon.

http://www.yogi-ling.net/formation/form ... layoga.htm

Il y a le péché originel ou les kléshas qui obscurcissent la conscience, Pourquoi focaliser sur cela? Comment font ou ont fait les Chrétiens ou les Bouddhistes joyeux et épanouis? Pourquoi choisir des approches spirituelles où il est de bon ton de se morfondre et de s'auto flageller?

Il faut se méfier de tous les Torquemadas Chrétiens, Musulmans, Juifs ou Bouddhistes, parce qu'ils ont des têtes de vampires, exigent que toute personne qui se veut être un bon pratiquant ait une tête d'enterrement. Sinon bucher, lapidation, etc par les paroles, l'écrit dans le réel ou le virtuel.

Laissons les danser Thriller avec Michael Jackson.
http://www.youtube.com/watch?v=QP411WwvzbM
kay

C'est vrai, que c'est bizarre,ça... :roll:
Il y a des "morts-vivants", des fois...
des biens morts mais toujours vivants et qui parlent.
Et des" Bouddhas vivants".
:shock: shuuuuuuuuuuuuttttt :arrow:
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Flocon
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Qu'est-ce qui est bizarre? La conception que le bouddhisme propose de la libération de la souffrance? C'est sûr, d'où la difficulté à croire en sa possibilité :oops: . Mais si l'on suppose que le Nibbana est assujetti à quoi que ce soit de corporel ou de mental, la voie boudhiste n'est pas beaucoup plus intéressante qu'un bon cours de gymnastique suédoise, ou de philosophie allemande (j'adore les deux, hein :lol: ).
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
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Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
kay

Quand j'ai commencé, dans post précédent, la phrase au sujet de la méditation qui modifie l'esprit, je ne n'avais pas fini. Et je m'étonnai qu'on puisse penser qu'un Eveillé puisse-être atteint de maladie mentale.
Rien de bizarre. Un peu d'humour sur Thriller.
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Flocon
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OK pour l'humour. :D
Mais quand même, quelle différence entre maladie mentale et maladie physique? Alzheimer du reste est une maladie tout ce qu'il y a de "physique".
En fait, je crois que la logique du bouddhisme sur ce point, c'est qu'un éveillé peut être malade, mais pas "atteint par la maladie", justement. C'est là le hic évidemment, car on a l'impression d'un paradoxe irréductible à première vue : mais c'est aussi l'intérêt de la chose.
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Kong Tseu
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