Qu'est ce que l'état naturel ?

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ted

Les dzogchenpas expérimentent un mystérieux état qui, parait-il, n'en est pas un. Ils l'appellent : l'état naturel.

L'état naturel à la particularité de vous caler sur la Voie juste de l'octuple sentier de façon presque magique.
Un pratiquant du Zen soto dirait : inconsciemment, naturellement, automatiquement. :mrgreen:

Y a t'il un équivalent de cet état naturel à partir des pratiques theravadins ou Zen ?
Où bien les causes et conditions ne peuvent-elles être trouvées que dans le véhicule Dzogchen ?
antodume

Dans le Zen, l'état naturel est celui dit du "samadhi de Prajna". Cet état est découvert pour la première fois durant le kensho (voir dans sa vraie nature) dans le Zen Rinzaï. Il correspond à la réalisation du "non-né" ou du Dharmakaya. La "méthode" pour voir directement (méthode subitiste) dans sa vraie nature a été initialement indiquée par Huineng (Méthode du Véhicule Suprême) dans le sutra de l'estrade. Mais, depuis Huineng, le Zen s'est considérablement détérioré et les maîtres ont du avoir recours à des "moyens habiles" pour retrouver la méthode de Huineng. Ces moyens habiles sont les kôans, toujours pratiqués dans le Zen Rinzaï (et le Sôtô aussi, mais pas selon le même protocole). Toutefois, il existe d'autres pratiques que les kôans mais, quelle que soit la pratique, dans la mesure où nous n'avons pas naturellement la vue juste de nos anciens patriarches, nous devons "douter" en permanence jusqu'à l'éclatement du doute dans le kensho.
Serge Zaludkowski

ted a écrit :Les dzogchenpas expérimentent un mystérieux état qui, parait-il, n'en est pas un. Ils l'appellent : l'état naturel.

L'état naturel à la particularité de vous caler sur la Voie juste de l'octuple sentier de façon presque magique.
Un pratiquant du Zen soto dirait : inconsciemment, naturellement, automatiquement. :mrgreen:
Un pratiquant d'atiyoga parlera plutôt d'ineffabilité, d'ouverture, de présence spontanée et d'unicité ... qui sont les 4 samayas dzogchen.
ted

antodume a écrit : Il correspond à la réalisation du "non-né" ou du Dharmakaya.
Est-ce que l'état dit "naturel" du Dzogchen est déjà à ce niveau ? En fait, d'après ce que j'en sais, c'est un état de non-distraction où on essaie de maintenir la "présence". Une présence spontanée, comme le dit Sönam, associée à un certain nombre de qualités : clarté, unicité, etc...

Par ailleurs, il semblerait, d'après le Dzogchen, qu'on n'ait quasiment aucune chance, par nous-mêmes, de tomber sur cet état un peu spécial. :shock: Ce serait comme chercher une aiguille dans une botte de foin ! Une transmission, d'une manière ou d'une autre, serait requise. jap_8 Mais elle ne suffirait pas. Faut alimenter le truc après, l'entretenir, comme une petite flamme précieuse.

Alors que dans le Zen, la Voie a l'air plutôt royale : on lache-prise et on se dépouille de tout. Après, on se dépouille de l'idée de se dépouiller de tout. On s'oublie soi-même. Et paf, l'univers devient ton corps tout entier. Mais ce fruit ne serait pas celui recueilli en suivant la voie Dzogchen. Il semble que le Zen s'arrête en chemin. Malgré plusieurs écrits de Maître Dogen dans le Shobogenzo je crois, qui laissait supposer que, pour lui, le satori n'était qu'une toute première étape d'un chemin très long. :roll: Ce qui donnerait raison aux Dzogchenpa qui semblent être, eux, en chemin vers Samyak Sambodhi, la Bouddhéïté.

Quant aux Theravadins, ils excluent d'emblée l'idée qu'on puisse égaler le Bouddha. Cela serait réservé à quelques pratiquants exceptionnels apparaissant tous les "je ne sais combien" kalpas. :D (Schop ?)
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Flocon
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Malgré plusieurs écrits de Maître Dogen dans le Shobogenzo je crois, qui laissait supposer que, pour lui, le satori n'était qu'une toute première étape d'un chemin très long.
Tu peux citer les passages? Il me semble au contraire que Dôgen, après avoir obtenu le satori, a déclaré être un Bouddha parfait, pleinement éveillé : donc que c'est bien le satori, et rien d'autre, qui est pour lui l'éveil complet.

Concernant le dzogchen, aucune idée, je n'y connais rien à part quelques lectures. Il te faudrait le point de vue d'un bon dzogchenpa (mais je ne sais pas s'ils ont le droit de parler de leurs expériences, je ne crois pas).

J'édite : je me demande si tu ne penses pas plutôt à des textes de Hakuin, comme celui-ci par exemple, extrait de son commentaire sur les "cinq degrés de l'éveil" de Tozan (tiré de cette page, merci à Yudo pour la traduction :) ).
Trop souvent le disciple, considérant que sa réalisation est la fin de la Grande Affaire et que son discernement de la Voie du Bouddha est complet, s'y attache jusqu'à la mort et n'en lâche pas prise. On appelle ça un "Zen d'eau croupie; une personne de ce genre est "un mauvais esprit qui monte la garde sur le cadavre dans la bière".Même s'il reste absorbé dans cet état pendant trente ou quarante ans, il ne sortira jamais de la caverne de la suffisance et des fruits inférieurs de la pratyeka-bouddhéité. C'est pourquoi il est dit: "Celui dont l'activité ne quitte pas ce rang sombre dans l'océan de poison". C'est de cette personne que parlait le Bouddha qui l'appellait "le fou qui obtient sa réalisation dans le rang de la Réalité".
Mais de toute manière, il ne parle pas du satori, mais du kenshô, ce qui est très différent : là oui, c'est juste une étape à dépasser d'urgence.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
antodume

Je pense qu'il ne sert strictement à rien de comparer le Zen au Dzogchen ou au Théravada si on ne sait pas ce qu'est le "samadhi de Prajna" dans le Zen ou encore "l'état naturel" dans Dzogchen ou encore le "nibbana" dans le Théravada. Le Théravada se dit Parfait au commencement, au milieu et à la fin. Le Zen idem et le Dzogchen idem. Il existe différentes étapes et toutes ne sont pas comparables, mais aucune lessive ne lave plus blanc que blanc.
Jean

Tentative d'explication, enchainement d'opinions, blablabla, mais si c'était si simple à expliquer, ça se saurait!
Cf Rayons de Lune, 519 pages pour expliquer et faire expérimenter la simplicité extrême à des mentaux compliqués.
http://www.padmakara.com/Rayons-de-Lune ... 35.html#fp

Le concept d'esprit dans son état naturel se retrouve aussi dans les enseignements du Mahamoudra. C'est le 3eme Karmapa qui a synthétisé pour la première fois Mahamoudra et Dzogchen. Scandale, indignation, alors que les uns et les autres se tapaient dessus avec enthousiasme et délectation. "Mon Mahamoudra est plus gros que ton Dzogchen" et vice versa.

Si un pratiquant Zen pratique Zazen, Zazen est une pratique Zen

Si un pratiquant Dzogchen pratique Zazen, Zazen est une pratique Dzogchen (dont il serait bien dommage qu'il se prive)

L'esprit naturel:

La flamme et sa clarté rayonnante. C'est une unité, c'est le mental qui est duel qui sépare en deux aspects.

L'esprit naturel peut être duel ou non duel, percevoir ou être, focalisé ou ouvert suivant la situation comme l'iris de l'oeil peut être naturellement étroit ou dilaté suivant la situation.

Une connexion consciente peut exister entre Être et Percevoir. C'est même recommandé.

Par le lâcher prise on peut s'approcher de l'esprit naturel, mais l'esprit naturel peut saisir, tant qu'il n'y a pas d'attachement à la saisie.

Les quatre infinis, les dix actions justes, les 6 paramitas sont les expressions non polluées, le rayonnement de l'esprit dans son état naturel. Les 10 actions négatives sont aussi le rayonnement de l'esprit dans son état naturel mais distordu par l'ignorance, par l'ego.

La non-distraction peut être la continuité - d’être conscient des perceptions duelles - d'être conscient de cela et des pensées et des émotions, des attitudes, masques mentaux - d’être conscient des deux états de conscience précédents.

Enfin, le Céphil est un médicament homéopathique excellent pour le mal de tête et vogue la galère!

Patrul Rinpoché disait à Abushri
Les activités politiques et religieuses
Sont seulement pour les gentlemen.
Cela n'est pas pour toi, mon cher garçon.
Rappelle toi l'exemple de la vieille vache ;
Elle est satisfaite de dormir dans l'étable.
Il faut que tu manges, dormes, et chies -
C'est inévitable - quoi que ce soit
En dehors de ça n'est pas de ton affaire.
Fais ce que tu as à faire
Et garde toi à toi-même.
Il pleut aujourd'hui, je retourne dans l'étable ruminer mon foin :arrow:
Serge Zaludkowski

ted a écrit :
antodume a écrit : Il correspond à la réalisation du "non-né" ou du Dharmakaya.
Est-ce que l'état dit "naturel" du Dzogchen est déjà à ce niveau ? En fait, d'après ce que j'en sais, c'est un état de non-distraction où on essaie de maintenir la "présence". Une présence spontanée, comme le dit Sönam, associée à un certain nombre de qualités : clarté, unicité, etc...
La réalisation de notre nature primordiale n'est pas la réalisation de la vacuité, c'est l'expérience du "savoir/connaissance, non conceptuelle, de cette nature primordiale" (Rig-Pa).
Si on veut comprendre un peu Dzogchen, il faut réaliser que celui-ci ne s'appuie pas sur l'esprit (Sems). mais sur l'état réalisé de Rig Pa. Bien entendu il existe des pratiques préliminaires, des pratiques tantriques, etc ... mais il est clairement expliqué (notamment par Longchen Rabjam) que bien qu'elle soit "préliminaires" à Dzogchen, elle ne sont pas Dzogchen, elles appartiennent généralement à Mahayoga.
C'est pour cette raison que les instructions d'introduction à notre nature primordiale sont fondamentales à Dzogchen.
Le premier maître reconnu de Dzogchen est Garab Dorjé, et toutes les pratiques (ou non-pratiques) de Dzogchen sont basées sur ses trois affirmations qu'il transmit sous forme de testament à son premier disciple :

1. Avoir réalisé notre nature profonde grâce à l'introduction directe
2. Acquérir la confiance dans cette réalisation
3. stabiliser cette réalisation

Ainsi, s'il existe une différence avec la réalisation présentée par le Zen, elle réside dans ce que pour Dzogchen, l'esprit (Sems) n'est jamais impliqué, même pas au début, même pas en se situant avec ou en opposition à celui-ci. Dzogchen commence "obligatoirement" avec la première affirmation de Garab Dorjé, avant ce n'est pas Dzogchen, mais les prémices.

Mais bien entendu j'imagine que chaque pratiquant d'une discipline expliquera que sa pratique est la meilleure (sinon il en aurait choisie une autre), et mon propos n'est qu'une présentation, pas un débat. Butterfly_tenryu

Sönam
Kaïkan
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ted a écrit :Les dzogchenpas expérimentent un mystérieux état qui, parait-il, n'en est pas un. Ils l'appellent : l'état naturel.

L'état naturel à la particularité de vous caler sur la Voie juste de l'octuple sentier de façon presque magique.
Un pratiquant du Zen soto dirait : inconsciemment, naturellement, automatiquement. :mrgreen:

Y a t'il un équivalent de cet état naturel à partir des pratiques theravadins ou Zen ?
Où bien les causes et conditions ne peuvent-elles être trouvées que dans le véhicule Dzogchen ?
La Méditation

Publié le 24 janvier 2003 , par Lama NAMGYAL

« La méditation est un processus ancestral. Il s’agit simplement de laisser l’esprit se libérer de toutes les différentes tensions, des noeuds et entraves qui le maintiennent prisonnier, confiné et tendu » GUENDUNE Rimpotché

D’une manière ordinaire, cet esprit auquel on s’attache, saisit constamment différents objets, s’agrippe à différentes situations. Dans la méditation, il faut abandonner toutes ces saisies, tous ces attachements et relâcher tous les liens qui entravent l’esprit.

Ainsi, il convient de cultiver l’état d’esprit qui est libre de toute saisie, de tout attachement, de toute fixation à quoi que ce soit, et simplement de cultiver cette relaxation profonde dans laquelle on demeure totalement ouvert, en acceptant tout ce qui arrive et en laissant les choses aller d’elles-mêmes, ne développant aucune saisie, aucune attraction ou répulsion vis-à-vis de quoi que ce soit qui puisse apparaître en l’esprit. Lorsque l’esprit est totalement détendu de la sorte, on va pouvoir le laisser demeurer dans cet instant même de conscience ordinaire ; c’est cela même la méditation.

Quand l’esprit arrive à pouvoir s’établir en cet état naturel, alors il devient de plus en plus clair, de plus en plus subtil. Méditer, c’est donc laisser l’esprit demeurer dans l’instant présent sans fabrication, sans interdit, sans artifice, sans interférence avec la réalité de l’instant ; c’est laisser l’esprit s’établir dans un état libre de tout attachement et de toute aversion, dans une profonde détente correspondant à l’établissement de la conscience ordinaire dans sa véritable nature, étant continuellement conscient dans le présent instantané.

L’esprit est au-delà de la notion de sujet et d’objet, dans une parfaite détente. Il s’établit dans le calme car il est dans son état naturel. Rien ne peut l’agiter : laissé dans son état naturel, il demeure alors sans distraction.

Être détendu ne signifie pas être complètement relâché au niveau du corps ni être dans un état d’inattention ; cela ne signifie pas non plus méditer dans un état paisible de confort ou d’engourdissement, comme avant le sommeil. Il s’agit d’une détente de l’esprit dans laquelle le corps est complètement vivant et alerte ; et l’esprit est dans le même état. Détendre l’esprit signifie écarter toutes les tensions.

Dans une méditation de cette sorte, il n’y a plus de notion de méditant que de notion d’objet de méditation : elles deviennent inséparables. On laisse l’esprit s’établir de manière tout à fait naturelle dans cet état non-duel, libre de toute distraction. On trouve souvent qu’il est difficile de méditer car on ne sait pas laisser l’esprit se détendre ni ce qu’il faut faire pour éviter de s’attacher aux objets extérieurs. Nous sommes, en effet, englués dans l’attachement envers les objets des sens. Dès que l’un de nos sens perçoit quelque chose, l’esprit produit des idées et des pensées relatives à cette perception. Nous pensons qu’il faut contrôler ce mouvement des pensées vers les objets des sens et tenter de l’empêcher d’apparaître. La méditation devient alors très difficile parce que nous voulons contrôler les pensées au lieu de nous contenter de laisser l’esprit détendu dans un état où ne se manifeste aucun attachement à l’égard des objets qui apparaissent constamment à nos sens.

Normalement, nous voulons faire ceci ou cela avec l’esprit, produire tel ou tel état de méditation, accéder à tel état désiré. Il faut abandonner toutes ces recherches. Lorsque nous parvenons à méditer sans saisir quoi que ce soit, nous dénouons toutes les tensions de l’esprit ; cela signifie un esprit ouvert, une conscience très claire et très vive. Dans son enseignement sur la nature de l’esprit, Saraha* dit que l’esprit est, par nature, très clair, brillant et radieux ; et que tout ce que l’on a à faire dans la méditation, c’est de détendre l’esprit. A ce moment-là, il ne fait aucun doute que nous atteindrons la libération.

Cela veut dire que méditer doit se faire sans saisie, l’esprit libre de toute réaction d’attachement ou de rejet. Il faut simplement laisser l’esprit s’établir dans son état naturel, un état dans lequel la conscience ordinaire demeure dans l’instant présent, sans la moindre artificialité, sans que l’on essaie de fabriquer ou de délibérément créer quoi que ce soit.

Par exemple, lorsque l’on verse du thé dans une tasse, d’abord le thé est agité et puis, si on laisse la tasse sans la remuer, le thé va devenir peu à peu totalement immobile, tout comme la tasse. C’est la même chose lorsque l’esprit s’établit dans un état de calme naturel, de relaxation, si l’on n’agit pas sur cet esprit, il va demeurer dans cet état de calme et cet état de relaxation va s’accroître, ce sentiment de tranquillité, de calme va s’approfondir. Si l’on ne laisse pas l’esprit demeurer dans cet état de relaxation, c’est comme si l’on continuait à bouger le thé ou à remuer la tasse.

Quant l’esprit est ainsi établi, une détente de plus en plus profonde se développe, avec laquelle on se familiarise au fur et à mesure de la méditation, et c’est cela qui conduit à la libération.
Lama NAMGYAL peut venir faire zazen dans nos dojos zen sôtô... :lol: Lorsque l'esprit n'est plus fixé sur quoi que ce soit de particulier le véritable esprit apparait... eveil_333
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L’enseignement, la pratique et le satori sont unité.
Kaïkan
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La non-méditation est non-activité de l'esprit.
L'état naturel de l'esprit ordinaire est souillé par la concentration forcée.
"Dans l'esprit naturellement pur, l'effort est inutile.
Quand tu ne t'empares pas de lui ou ne le laisses pas vagabonder, il se met de lui-même au repos.
Si tu ne comprends pas cela, il est inutile de méditer.
En comprenant cela tu transcendes le méditant et l'objet de la méditation.
Quand une pensée monte, vois simplement sa nature.
Ne conçois pas l'eau et les vagues comme deux choses différentes.
Dans le Mahamudra de la non-activité de l'esprit Il n'existe même pas un atome sur lequel méditer.
Ne pas être séparé de la non-méditation est la méditation suprême. "


Savaripa.
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L’enseignement, la pratique et le satori sont unité.
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