Zen et bouddhisme

Kaïkan
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yudo a écrit :
Kaïkan a écrit : De plus des pratiquants anciens et ordonnés ne se sentent pas bouddhistes... :D
Ce en quoi il y a manifestement un problème (auquel je me suis souvent attaqué), car cela signifie que pour eux, l'ordination n'avait aucune autre valeur qu'un rituel abscons destiné à leur permettre d'endosser un kesa.

Les Trois Dévotions, même récitées en chinois ancien, font partie de la cérémonie. Et comment peut-on déclamer "je prends refuge dans le Bouddha, je prends refuge dans le Dharma, je prends refuge dans le Sangha" tout en considérant que ce ne sont que des mots sans valeur?
C'est pas vraiment ça... (bien que effectivement il y a ce genre de dérive que Yudo fait bien de signaler).
De ce que j'ai pu constater, c'est beaucoup plus souvent "l'oubli", par une sorte de saut en dehors ou au-delà des apparences. Je n'y vois pas, personnellement, une attitude morbide ou répréhensible bien que chez certains on pourrait discerner une certaine forme de "j'menfoutisme" assez prononcé... :lol: delphinus
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L’enseignement, la pratique et le satori sont unité.
lausm

Ca devient intéressant!
Il y a une différence entre ne pas se sentir bouddhiste parce qu'on s'implique dans une pratique concrète, où il n'est pas à mon sens nécessaire de se sentir "quelque chose" de particulier en terme d'identité quant à ce qu'on est dans la vie. On l'est et donc il n'y a pas de questionnement car il se résout par la mise en action. Les questions portant plus sur la façon de pratiquer sa voie plus que de se sentir bouddhiste. Mais si c'est cela se sentir bouddhiste, alors on est ok.
Car on peut passer une cérémonie, et puis se sentir faire partie d'un clan, et ne plus faire d'effort.
C'est la dérive possible quand les ordinations sont utilisées comme un système féodal d'allégeance, avec derrière des objectifs non dits et même non pensés de gratification narcissique, de compensation personnelle à son ego défaillant dans une autre famille dite bouddhiste. On trouve ça, oui, et ça fait perdre le sens de l'engagement que ça suppose au départ. L'ordination devient un titre.

Quand au rapport chan taoisme, c'est clair qu'il y a eu interpénétrations des influences, ainsi que du tantrisme, de façon moins affichée mais je pense qui a existé.
Roland Rech s'élevait souvent contre l'aspect spontané du taoisme, mais sur ce point je pense qu'il se trompe lourdement et a évacué la dimension chan du zen pour en retenir l'aspect plus strictement "Dogenien". Pour ma part c'est un faux problème, je suis sûr que Dogen a formulé un zen non moins radical que ses prédécesseurs chinois de la grand époque. Mais j'ai constaté dans l'AZI, qui est le seul milieu que j'ai exploré et dont je peux parler de vécu, que lorsqu'ils ont entrepris les rapprochements avec le Japon, l'aspect chinois qui pouvait s'exprimer dans le zen des héritiers de Deshimaru a étrangement commencé à s'estomper gravement (ce qui à mon sens est très dommage!). Les disciples qui sont restés dans cette sensibilité ont étrangement été mis sur la touche ou été assez décriés, quand pas exclus pour dre raisons souvent infondées et douteuses. Tout ceci dans l'ignorance et l'indifférence générale, le tout habillé sous la restructuration nécessaire pour raisons du développement du vrai zen authentique!
Donc quand je lis du taoisme, je me sens plutôt à l'aise, et je ne mets pas cela en concurrence avec le zen...c'est juste une autre façon d'exprimer la même expérience fondamentale d'unité de l'être.
Sourire

Kaïkan a écrit :
yudo a écrit :
Kaïkan a écrit : De plus des pratiquants anciens et ordonnés ne se sentent pas bouddhistes... :D
Ce en quoi il y a manifestement un problème (auquel je me suis souvent attaqué), car cela signifie que pour eux, l'ordination n'avait aucune autre valeur qu'un rituel abscons destiné à leur permettre d'endosser un kesa.

Les Trois Dévotions, même récitées en chinois ancien, font partie de la cérémonie. Et comment peut-on déclamer "je prends refuge dans le Bouddha, je prends refuge dans le Dharma, je prends refuge dans le Sangha" tout en considérant que ce ne sont que des mots sans valeur?
C'est pas vraiment ça... (bien que effectivement il y a ce genre de dérive que Yudo fait bien de signaler).
De ce que j'ai pu constater, c'est beaucoup plus souvent "l'oubli", par une sorte de saut en dehors ou au-delà des apparences. Je n'y vois pas, personnellement, une attitude morbide ou répréhensible bien que chez certains on pourrait discerner une certaine forme de "j'menfoutisme" assez prononcé... :lol: delphinus
Ca peut aussi être une situation inverse de celle des pratiquants débutants qui tiennent absolument à se dire bouddhiste et aux détails de ceci et de cela sur ce qu'ils conçoivent du bouddhisme via la branche par laquelle ils l'abordent.
Après l'attachement aux détails ornementaux, l'attachement au non-attachement en général...
Serge Zaludkowski

lausm a écrit :Combien de fois la question se pose-t-elle, à savoir si le zen est ou non bouddhiste??
Est-il une branche du bouddhisme?
Est-il du bouddhisme « radical », à savoir voulant aller à la racine de l'expérience de l'éveil??
Est-il au-delà du bouddhisme?
Bonjour,

Je m'en voudrai d'intervenir dans des discussions sur le Zen, Chan et autres lignées du bouddhisme asiatique. Mais j'ai trouvé amusant de répondre, simplement, aux questions posées (et directes).

Est-il une branche du bouddhisme?
OUI
Est-il du bouddhisme « radical », à savoir voulant aller à la racine de l'expérience de l'éveil??
bouddhisme radical oui, dans le sens qu'il privilégie, exclusivement, "l'introduction directe"
Est-il au-delà du bouddhisme?
Le nom et la voie sont bouddhistes, le fruit ne l'est plus

Sönam
lausm

C'est pas un territoire réservé! Surtout qu'il n'y a même plus de catégories distinguant les différentes écoles.
Le fruit ne l'est plus, dis-tu?? Cela ne sonne pas pareil que de dire qu'il est au-delà du bouddhisme!
Veux-tu dire qu'il n'est plus bouddhiste?? Ce avec quoi je ne suis pas vraiment d'accord, mais j'ai sûrement mal compris.

@Dume : merci de ta réponse dans laquelle je suis très content de voir qu'on est fondamentalement d'accord, et de voir cela s'exprimer sous des façons très concrètes qui me paraissent éclairantes. Je voudrais répondre, préciser, pas sur tout, mais quelques éléments, et je voudrais prendre le temps pour cela.
ardjopa

Il y a un problème ou une "injustice" récurrente dans la spiritualité, comme dans bien d'autres domaines, si ce n'est tous les domains, avec le genre humain : c'est "l'appropriation des choses, des idéologies, savoirs ou des valeurs" et souvent même, des biens, des terres, de la nature, de la vie elle -même...

Donc le message du bouddha, qui à mon sens, à la l'origine est "offert librement" à Tous les êtres , sans exception, a logiquement fini par être "récupéré" et que des gens, des états, des groupements, ont fini par s'approprier l'enseignement, et se revendiquer d'ailleurs parfois "les seuls garants ou dignes" de le représenter...
On retrouve cela dans le christianisme, les religions en général, mais aussi partout : appropriation des terres, (et taxations qui vont avec au profit de ceux qui se les sont accaparés, au détriment "des sans terres", qui doivent donc payer ! pour avoir un terrain, un habitat, un endroit où vivre... Je comprend pourquoi les Amerindiens étaient contre la propriété privée :lol: , qui n'est qu'une vaste escroquerie, de ceux qui "possèdent" soit disant (de quel droit ?) des terres, des ressources (qu'ils ont eux même volées ou pillées à la terre !), eau, nourriture, etc... et qui gagnent leur fric en faisant payer les autres qui ne "possèdent" pas tout cela; mais c'est aussi valable pour les connaissances, savoirs, diplomes, travail... tout se monnaye souvent; Les "moi je sais", "moi je possède le savoir", on les retrouve partout;
Un exemple que je connais bien : certains se revendiquent "marins" ou skippers, parcequ'ils ont passé officiellement les diplomes correspondant dans les structures ou organismes correspondants, et se croient souvent les seuls "vrais marins", susceptible d'être rémunérés etc...

Je connais pourtant bien de ces soit disant "marins" qui ne sont que des "moutons formatés" et diplomés, mais qui n'ont aucun sens marin (mais un bon sens du commerce et de la finance !), ne connaissent pas la mer réellement, et souvent même ne sauront jamais ce qu'elle est vraiment, contrairement à d'autres "vagabond des terres ou des mers", qui vivent avec elle et la connaissent bien mieux que tous ces gens "du monde", bardés de diplomes ;-)

Bouddhiste or not bouddhiste, that is the question
Serge Zaludkowski

lausm a écrit :C'est pas un territoire réservé! Surtout qu'il n'y a même plus de catégories distinguant les différentes écoles.
Le fruit ne l'est plus, dis-tu?? Cela ne sonne pas pareil que de dire qu'il est au-delà du bouddhisme!
Veux-tu dire qu'il n'est plus bouddhiste?? Ce avec quoi je ne suis pas vraiment d'accord, mais j'ai sûrement mal compris.

@Dume : merci de ta réponse dans laquelle je suis très content de voir qu'on est fondamentalement d'accord, et de voir cela s'exprimer sous des façons très concrètes qui me paraissent éclairantes. Je voudrais répondre, préciser, pas sur tout, mais quelques éléments, et je voudrais prendre le temps pour cela.
J'ai lu au-delà du bouddhisme comme ayant transcendé le bouddhisme. Dans toutes les écoles, et au moins celles du mahayana (y compris tantrayana), à partir du moment ou on a atteint le but, le fruit, en l'occurrence la bouddhéité, alors il n'est plus fait la distinction entre bouddhisme et non bouddhisme. Le bouddhisme, c'est à dire l'enseignement du dharma du Bouddha, est un moyen pour atteindre l'éveil, la cessation, et comme le dit le Bouddha dans les soutras, "une fois atteint l'autre rive, de quel utilité est le radeau ?"

Sönam
Kaïkan
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Bien reçu Sönam,

Formulé de cette façon toute ambiguïté est écartée en ce qui me concerne...
Merci pour cet éclairage... :)
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Flocon
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Cela dit, c'est tout le bouddhisme chinois qui est "taoïsant", pas seulement le Chan, loin de là. L'amidisme est fortement imprégné de taoïsme depuis son premier patriarche, et même les écoles très spéculatives et marquées par la pensée indienne, comme Huayan, en portent la marque.
Pour ce que j'en sais (peu :oops: ), Deshimaru me paraît avoir été attentif à préserver les sources chinoises et les influences taoïstes du Zen, sans confondre les deux voies pour autant.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Kaïkan
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flocon a écrit :Pour ce que j'en sais (peu), Deshimaru me paraît avoir été attentif à préserver les sources chinoises et les influences taoïstes du Zen, sans confondre les deux voies pour autant
Pour nous, assis sur place, c'était la découverte de dhyãna en Inde, puis toute cette culture pénétrant la Chine et (étant pénétrée elle-même par la Chine), puis enrichie profondément par le taoïsme et tout le raffinement chinois (très estimé dans ce sauvage pays nippon), l'allee et venue de Dõgen de retour les "mains vides" (les sourcils horizontaux et le nez droit), puis Keisan et tous les autres...

Alors bien sûr, c'est devenu pour nous le Bodhidharma des temps modernes...
On était jeunes et on ne regrette rien...

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