Zen et bouddhisme

lausm

Combien de fois la question se pose-t-elle, à savoir si le zen est ou non bouddhiste??
Est-il une branche du bouddhisme?
Est-il du bouddhisme « radical », à savoir voulant aller à la racine de l'expérience de l'éveil??
Est-il au-delà du bouddhisme?

Je ne prétendrai aucunement répondre à cette question, car je pense que ce n'est pas tant trouver une réponse que de se poser la question et l'épuiser qui a une valeur pour notre avancée concernant ce point.
Mais elle m'a inspiré les réflexions suivantes.

Tout d'abord, zen, que signifie ce mot??
Mot japonais galvaudé tant et plus pour signifier une espèce de béatitude exquise et une sérénité sans faille, il est utilisé pour signifier un état d'absorption méditative, et donc traduit souvent par « méditation ». Il vient du chinois « chan », contraction de « channa », provenant du sanskrit « dhyana » ou « jhana », qui donc signifie ces fameux états d'absorption méditative, en-stase plutôt qu'extase.
En kanji, caractère sino-japonais qui sont une graphie ayant été chargée d'un sens littéral, il y a deux parties, l'une signifiant « autel », et l'autre « espace pour s'asseoir ».

Donc pour exprimer la méditation, on utilise un caractère signifiant un espace délimité pour s'asseoir, associé à un autel.
Autrement dit une assise religieuse.

En sanskrit, dhyana (ou jhana), traduit par absorption ou recueillement, exprime donc des états de concentration mentale, classifiées en étape selon leur approfondissement, qui étaient pratiqués antérieurement au Bouddha.
Dans le bouddhisme on en dénombre quatre.
Au-delà de ces quatre, deux chemins sont possibles : celui menant aux états de sotapatti, sakadagamin, anagami, arahant, états progressifs vers un éveil, sans résidu de conscience qui renaisse.
Ou celui des stades supérieurs, dits de recueillement, sphère d'espace infini, de conscience infinie, du néant, sphère sans perception ni absence de perception. Ces états sont souvent évoqués, utilisés dans certaines explications du Bouddha, et font références à ce que le Bouddha a pu apprendre avec ses deux maîtres avant son éveil. Elements qu'il a su intégrer dans son enseignement.
Ces états de concentration visant à une quiétude et un apaisement mental, de plus en plus subtils, et présentés sous une forme graduelle typiquement indienne, ne sont pas une fin en soi.
Apparentés à ce qu'on appelle Samatha (en tibétain Chiné), ils n'amènent pas à la libération.
Ce n'est pas moi qui le dit, je précise. C'est le Bouddha lui-même (référence à une réponse de Bouddha à Cunda-Majjima Nikaya), je n'invente rien!

C'est la pratique de l'attention : Vipassana, la vision analytique et pénétrante, l'observation, qui est liée à la compréhension, la sagesse Prajna, qui permet de voir la réalité telle qu'elle est.
C'est cette pratique qui permet de se libérer de dukkha, la souffrane de l'être conditionné, et de ne plus renaître, ce qui signifie la libération totale, l'éveil de Bouddha.

Dans la pratique, la concentration, dhyana, sert pour approfondir vipassana, l'observation.
Le Bouddha, s'il en a parlé, a bien recommandé de ne pas s'attacher à ce qu'il appelait des « demeures sereines », correspondant à ces états de concentration et de bien-être subtils. C'est s'ils permettent d'éprouver une profonde sérénité, ils ne sont pas l'Eveil.

Dans le dialogue avec Cunda qui est relaté dans le Majjima Nikaya, il indique pour répondre à ce dernier, que la voie de libération de la souffrance n'est pas dans les états de demeure sereine qui n'amènent pas à la libération, mais dans l'application des préceptes!
Donc dans la cessation, par l'attention portée à sa façon d'être au monde, par la conscience directe de son interdépendance avec tout ce qui est, par le fait de reconnaître la souffrance, la causalité, de création de causes et conditions de souffrance. Autrement dit cesser de créer et agir du mauvais karma, et essayer d'en produire du positif, à partir de la reconnaissance de la réalité tellet qu'elle est, et de notre vraie nature d'être éveillé.

Les états de concentration ne sont donc qu'un moyen, chaque étape ne devant être saisi une fois atteint, c'est à dire abandonné à ce qu'il est.
L'exercice de la concentration est un moyen de purification des souillures, permettant une transformation positive de l'être, mais n'est pas une fin en soi. C'est l'aspect graduel, progressif, de la pratique.
L'observation permet, elle, de voir directement en soi. Il peut y avoir l'aspect conditionné, voir les objets, les liens qui nous attachent, les conditionnements. Et voir directement sans appui : il n'y a pas d'observateur derrière ce qui est vu, il y juste l'acte de voir, directement. Voir à partir du point de vue libre de toute entrave. C'est l'aspect subit, immédiat.
antodume

Je nuancerai tes propos à propos de la traduction zen = méditation = dhyana car le Dhyana du Zen est associé à Prajna et à Sîla dans le cadre du "jeu simultané de la Triple Discipline". A mon sens, le Zen diffère du bouddhisme des autres écoles à cause de cette vision "subitiste" que l'on doit (sous sa forme la plus évidente) à Huineng. Sinon, oui, bien sûr, le Zen est du bouddhisme qui appartient à ce que Huineng nommait la Méthode du "véhicule Suprême" (distinct donc du Mahayana et du Théravada) et qui n'est cependant pas le "Vajrayana".
Sourire

lausm a écrit :Combien de fois la question se pose-t-elle, à savoir si le zen est ou non bouddhiste??
Est-il une branche du bouddhisme?
Est-il du bouddhisme « radical », à savoir voulant aller à la racine de l'expérience de l'éveil??
Est-il au-delà du bouddhisme?
FleurDeLotus
Lupka

Cette question est elle vraiment utile ? Sincèrement ... :roll:
Kaïkan
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Lupka a écrit :Cette question est elle vraiment utile ? Sincèrement ... :roll:
Bonsoir,
Beaucoup de gens font zazen et ne sont pas bouddhistes.
De plus des pratiquants anciens et ordonnés ne se sentent pas bouddhistes... :D
-- Kaïkan --
- Kyo gyo sho itto
-
L’enseignement, la pratique et le satori sont unité.
ted

Le Zen c'est du bouddhisme s'il y a clairement la déclaration d'intention de se libérer du samsara. De trouver l'éveil. Le satori.
A ne pas confondre avec "l'attitude d'esprit" qui consiste à s'asseoir sans but pour trouver l'éveil.

Dans la pratique, pour trouver l'éveil, il faut abandonner le désir de trouver l'éveil.
Parce que le désir de trouver l'éveil, c'est un désir comme les autres, et les désirs ouvertement affichés, ça fait obstacle à l'absorption méditative. Alors, on demande de pratiquer sans but.

Le bouddhisme, c'est avant tout une voie de cessation de la souffrance, par l'éveil.
ardjopa

Qu'est ce qu'un bouddhiste ?
A mon sens, c'est un être en route vers sa nature de Bouddha
Qu'est-ce que "bouddha", l'enseignement de Siddharta nous dit, que c'est la vraie nature de tous les êtres
Par conséquent, "se dire bouddhiste" n'est souvent qu'un leurre (un peu comme chrétien, musulman et autres quoi), un costume, une étiquette sur l'égo fluctuant,
et n'importequel être, humain ou non-humain ! peut être bouddhiste, si seulement il pratique et réalise ce chemin vers sa vraie nature, même s'il n'est certifité par personne, aucune institution, religion, solennité, habits et autres cérémoniels;

Pour les occidentaux "en mal exotisme" ou avides "d'autre chose", et de bien d'autres choses que de choses seulement spirituelles... (argent, consommations, sexe, objets, gadgets, chaine hifi, internet,médias, etc) et qui aiment se poser eux-même ou par d'autres l'étiquette de bouddhiste, mais qui ne le seront peut-être jamais vraiment... c'est un piège réel;
Le pire je crois c'est la "mode bouddhisme", résumé très actuel de la société consumériste, ça fait bien de se dire "bouddhiste", parceque se dire "chrétien" en occident, c'est ringard ! alors on enlève un costume, et on en prend un nouveau, comme la mode vestimentaire, les modes informatiques, les bagnoles etc... et même parfois comme on change de femme ou de gars :lol: ;
Au-delà de ces "apparences", restent la réalité, pure et libre, jamais capturée par les esprits des hommes et encore moins par leurs sociétés ou religions; Reste la souffrance, et la libération de la souffrance;
Zen ou bouddhisme, deux mots de plus parmi d'autres sur la toile sans fin de la réalité
Sourire

Pour bien des gens, le bouddhisme, c'est se revendiquer de Bouddha, voire même des constructions mentales élaborées par ses successeurs.

Pour cela, la question a un sens.
Ce serait tellement simple si la quête de la lumière intérieure était le seul critère du bouddhisme !
passager

Ce serait tellement simple si la quête de la lumière intérieure était le seul critère du bouddhisme !
Elle l'est . color_3
l'équivalent en tibétain est : "truc" de l'interieur...(nangpé truc chose...)

C'est sa mise en pratique , qui n'est pas Si Simple :lol: ... donc parfois y'a besoin d'un coup de main de ceux qui sont les descendants du Bouddha... jap_8
lausm

antodume a écrit :Je nuancerai tes propos à propos de la traduction zen = méditation = dhyana car le Dhyana du Zen est associé à Prajna et à Sîla dans le cadre du "jeu simultané de la Triple Discipline". A mon sens, le Zen diffère du bouddhisme des autres écoles à cause de cette vision "subitiste" que l'on doit (sous sa forme la plus évidente) à Huineng. Sinon, oui, bien sûr, le Zen est du bouddhisme qui appartient à ce que Huineng nommait la Méthode du "véhicule Suprême" (distinct donc du Mahayana et du Théravada) et qui n'est cependant pas le "Vajrayana".


Pour la traduction, j'ai essayé de retracer le cheminement sémantique qui a abouti du mot dhyana au mot zen. C'est un peu l'histoire d'une formulation, cela n'a pas vocation d'être une explication universelle et absolue, c'est une interprétation que j'assume.
J'ai le sentiment pour ma part que la triple discipline était enseignée du temps du Bouddha de même que par Hui Neng. Je pense d'ailleurs que l'aspect subitiste n'a jamais cessé d'exister, sauf que la formulation du zen lui a redoré le blason.

Le problème du bouddhisme, c'est lui-même. S'attacher au mot "bouddhisme", c'est rater la pratique.
C'est pour ça que la question importe bien plus que la réponse.
Ne pas se la poser peut très bien avoir lieu, mais c'est passer à côté de la réflexion.
Eluder cette réflexion, n'est pas la même chose qu'être au-delà de cette réflexion.
Parce que le bouddhisme n'est pas une construction mentale!
quand il le devient ce n'est plus le bouddhisme!
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