Karma: action et intention

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Dharmadhatu
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jap_8 C'est peut-être le silence des nobles (aryas tushnibhavah) qu'on "entend" (!) dans le Vimalakirti-nirdesha-sutra. :lol:

Matthieu Ricard a un jour parlé du Maître Shangpa Kalou Rinpoché qui était aux US à table en face d'un Maître zen. Ce dernier voulait lui faire un koan; en sortant une orange d'une poche de son manteau, il demanda soudainement à Kalou Rinpoché: "Qu'est-ce que c'est ?!"

Et Kalou Rinpoché demanda à son traducteur: "Ils n'ont pas d'oranges dans son pays ?"

:lol:

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
namgyal

Dharmadhatu a écrit :jap_8

Et Kalou Rinpoché demanda à son traducteur: "Ils n'ont pas d'oranges dans son pays ?"

:lol:
:mrgreen:
youpi_333
chakyam

Dharmadhatu, salut.

Tu écris : « En fait Nagarjuna a composé des Traités dialectiques, il arrive en effet à l'extinction de l'intellect mais en passant inévitablement par l'intellect, grâce à ses raisonnements. »

J'écris : « C'est justement pour réduire cette partialité que Nagarjuna par son utilisation de l'intellect va au-delà de l'intellect pour en montrer l'inanité et que le koan zen interrompt le « ron ron » et le confort du raisonnement intellectuel pour en montrer l'inadéquation foncière à décrire le Réel. »

Tu poursuis ce jour même à 11h.36 : « Si le projet de Nagarjuna était de montrer l'inanité de l'intellect, il n'aurait eu aucune raison d'en faire usage et de composer des traités dialectiques. Montrer l'inanité de l'intellect par l'usage de l'intellect lui-même serait vain. »

Il est des « amis de bien » avec lesquels, bien qu'on dise la même chose ou sensiblement, se développe un esprit polémique sans fin dont aucun des participants ne se sent responsable bien évidemment. Tel est cependant le cas.

Quand tu écris « il arrive en effet à l'extinction de l'intellect mais en passant inévitablement par l'intellect » çà ressemble fort à « Nagarjuna par son utilisation de l'intellect va au-delà de l'intellect pour en montrer l'inanité » - En effet, je pense que l'extinction de l'intellect mène à un au-delà de l'intellect qui ressemble fort à son inanité.

Tu rajoutes même, pour faire bon poids «  Si le projet de Nagarjuna était de montrer l'inanité de l'intellect, il n'aurait eu aucune raison etc etc... » Où as-tu vu que je déclare que son projet était etc etc... Ce n'est aucunement un projet, tout juste une conséquence immaitrisée.

Pour ma part, ce genre de dialogue me fatigue et ne mène nulle part. Je ne ressens aucun intérêt à « enc........ les mouches » - En conséquence je souhaite continuer à échanger avec toi mais pas sur ce genre d'arguments purement livresque et formel qui ne conduisent à rien... et certainement pas à la réalisation de l'Éveil

Amicalement

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
chakyam

Namgyal, bonsoir

chakyam a écrit:

Chacun dans sa sphère de compétence y réussit, bien que cette réussite n'aboutisse jamais... quelque part.... mais simplement à voir les montagnes comme des montagnes.

Bon... bon... même si ma compréhension est partielle et ma vision partiale, C'est bien çà... pas quelque part et voir les montagnes comme des montagnes... ouf !

Je sens un certain scepticisme... NON ??

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
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michel_paix
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Quand tu écris « il arrive en effet à l'extinction de l'intellect mais en passant inévitablement par l'intellect » çà ressemble fort à « Nagarjuna par son utilisation de l'intellect va au-delà de l'intellect pour en montrer l'inanité » - En effet, je pense que l'extinction de l'intellect mène à un au-delà de l'intellect qui ressemble fort à son inanité.
J'ai l'impression que l'extinction de l'intellect par la negation, laisse une sorte d intuition prendre les devant, du moins c'est mon ressenti.

<<metta>>
:)
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Dharmadhatu
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Chakyam a écrit :Quand tu écris « il arrive en effet à l'extinction de l'intellect mais en passant inévitablement par l'intellect » çà ressemble fort à « Nagarjuna par son utilisation de l'intellect va au-delà de l'intellect pour en montrer l'inanité » - En effet, je pense que l'extinction de l'intellect mène à un au-delà de l'intellect qui ressemble fort à son inanité.
<<metta>> Ce n'est pas la même chose, car l'intellect n'est aucunement vain dans le processus de réalisation de la vacuité; il joue un rôle indispensable car permet d'accéder à une cognition valide inférentielle (anumana-pramana) du réel, qui mènera finalement à une cognition directe et yogique (yogi-pratyaksha) du réel.

L'inanité de l'intellect pour la réalisation du réel serait comme l'inutilité des marches pour accéder à l'étage supérieur, ou l'inutilité des morceaux de bois avant même qu'ils engendrent le feu qui les consumera.

Bref, la réalisation finale de la vacuité (qui délivre du samsara et de la causalité karmique) est une perception directe, mais cela ne signifie pas pour autant que la cognition inférentielle soit vaine, c'est bien pour cette raison que Nagarjuna l'utilise pleinement.
Ce n'est aucunement un projet, tout juste une conséquence immaitrisée.
Selon le point de vue de la tradition mahayaniste indo-tibétaine pour laquelle Nagarjuna était un Arya (du 7ème bhumi je crois), celui-ci savait donc exactement ce qu'il faisait en frottant les morceaux de bois de l'intellect afin de les consumer dans le feu de la sagesse transcendante. Son projet de démonstration logique était parfaitement maîtrisé.

Amitié FleurDeLotus
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Iskander

Bonjour les amis,

J'ai pris soi de relire ce fil depuis le début, histoire de me remettre dans le bain, avant de poursuivre la discussion.

En ce moment, j'aimerais éclaircir un point concernant Chakyam: Quelle est ta position concernant le Karma?

Voici quelques citations glanées au fil de la discussion:
Chakyam a écrit :Une des stratégies privilégiées du bouddhisme a toujours été de s'imprégner des traditions des pays dans lesquels il s'implantait. Ainsi en est-il de la notion de karma qui appartenait à la culture védique et upanishadique de l'Inde ancienne, notion qu'il ré-interprèta pour garder le contact avec une population encore très marquée par l'Hindouisme. Il en fut également ainsi au tibet où la religion Bôn fut intégrée au travers de la croyance en la renaissance ou la réincarnation. En conséquence au contraire de ce qui est soutenu je ne pense pas prépondérante la centralité du karma mais plutôt survivance archaïque de pratiques pré-bouddhique au service du Hinayana.
Il semble donc que pour toi le Karma est une notion parasite, un accident lié aux circonstances historiques qui ont coexisté avec la naissance du Bouddhisme. Je n'ai pas retrouvé la citation, mais pour toi l'élément central du Bouddhisme est plutôt l'insatisfaction (produite par l'attachement, les notions erronées du soi, etc).
A cet effet, il est nécessaire de revenir au lien qui est fait entre Action et Intention. Que tout acte soit lié à une intentionnalité me semble évident, avec ou pas création de karma – c'est ce qu'il nous faudrait découvrir par nous mêmes – mais il est également vrai que toute action n'est pas nécessairement liée à une intention. C'est précisément la NON-ACTION.
Tu introduis donc la non-action, qui est l'action sans intention, ou plutôt sans identification de soi.

Or on a vu que le karma était engendré par une intention fondée sur une notion erronée du "je". Nous voyons donc qu'il y a une énorme proximité entre la notion de production de karma et la non-action, qui peut être vue comme une non production de karma.

Par ailleurs, tu ne sembles en fait pas abandonner la notion de karma:
Je n'ai jamais prétendu à l'inexistence ponctuelle du karma, mais je dis tout de même que chacun d'entre nous est en capacité d'en bannir de sa vie les conséquences, quelque soit la méthode employée.
Donc en fin de compte j'aimerais savoir quelle est ta vision de la place du karma, et comment le karma s'articule (ou pas) avec la non-action.
FleurDeLotus
chakyam

Iskander !

Il me semble que je ne sois pas le meilleur interlocuteur pour répondre à ta question sur le Karma. Cependant dans la mesure où tu me poses la question, personnellement, je vais tenter de t'apporter satisfaction.

Karma c'est d'abord l'action. Empiriquement on constate que cette action produit des effets, bénéfiques ou néfastes. De par la force cinétique de toute action, il est cohérent de penser que sous l'effet des modifications incessantes que toutes choses subissent, les effets/conséquences s'amoindriront et disparaitront. De là à supposer que ces effets/conséquences dépassent l'évènement que, conventionnellement, nous appelons « mort », il y a une distance que je ne pense pas pertinent de franchir.

Premièrement parce que je pense que la Mort n'a pas d'existence réelle et profonde, même si l'évènement est douloureux pour celui/celle qui reste, tel que je l'ai développé dans le fil qui y est consacré. Secondairement parce qu'il est abusif de s'approprier une action et totalement superfétatoire de s'en attribuer le mérite... ou le démérite et que cette manière d'être et/ou d'agir/penser n'est que la manifestation d'un orgueil démesuré bien peu compatible avec l'humilité qui sied à un pratiquant bouddhiste.

Sans entrer dans les détails, parce que c'est impossible, la pratique de zazen par la fluidité des pensées qui se présentent et auxquelles on essaie de ne pas s'accrocher, la détente de la posture tout en étant rigoureuse, la pratique assise, mes propres réflexions me permettent d'accréditer la relation entre l'action et la non-action, la pensée et la non-pensée et la naissance et la mort en tant que constitutif de la Vie sans commencement ni fin. Quand on sent, quand on voit dans son corps et son esprit calme les pensées naîtrent et disparaîtrent on est à la racine du monde phénoménal et on sait, sans dialectique hasardeuse, que la souffrance peut être vaincue... parce qu'en réalité elle n'a jamais existé.

Voici quelques références telles que tu me les a demandé :
Daisetz Teitaro SUZUKI – Le NON-MENTAL selon la pensée zen – édition La Colombe
«  «  - Essai sur le BOUDDHISME ZEN -
Les Entretiens de MAZU – 2 Océans
FA-HAI – Le Soutra de l'Estrade du 6ème Patriarche Houei-neng – Point Sagesses
DOGEN – le SHOBOGENZO – éditions Sully
La collection Trésors du Bouddhisme – Fayard

Bon courage – amicalement -

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Iskander

Merci pour tes explications très claires. Est-ce que je pourrais poursuivre en supposant que pour toi samsara et karma sont les deux faces d'une même pièce qui n'a pas cours dans ta vue des choses? Il me semble que les notions de samsara et karma sont liées, mais je voulais vérifier si c'est la même chose pour toi.

J'imagine aussi que ton point de vue sur le karma n'affecte en rien la pertinence de l'octuple sentier?
jap_8
chakyam

Iskander !

J'ai je pense, déjà un peu esquissé la réponse à tes questions et j'estime désormais qu'il nous faut désacraliser un certain nombre de notions. Ainsi en est-il du Samsara et du Karma. Le premier est le lieu où se produisent nos actions avec leurs conséquences, à partir du moment où notre développement physique, psychique et spirituel le permet. Ainsi l'enfant ou le débile mental ou la personne atteinte de sénilité, tous trois privés de facultés de réflexion et de décision ne pourront être estimés responsables et, en quelque sorte, « fonctionneront à l'aveugle » - Leurs actions, pour autant qu'ils en produisent génèreront certes des conséquences mais aucunement leur responsabilité que ce soit au niveau légal ou karmique.

Quant au Karma en tant qu'action il génère des conséquences qui « de par la force cinétique de toute action » s'épuiseront et s'annihileront d'elles-mêmes à l'instar de la bille que l'enfant lance et qui s'arrête... au bout d'un temps. Je pourrai également soutenir qu'il totalement arbitraire d'établir un lien entre le lancement de la bille, son déplacement et son arrêt ; mais c'est un autre débat.

Dans ces conditions la seconde désacralisation concernera le karma qui ne sera plus « le paquet cadeau » - c'est l'époque – dont chacun serait porteur à la naissance sans que jamais d'ailleurs ne soit précisé le moment exact de ladite naissance. Pour reprendre l'exemple de l'arbre avancé par Arthur Shopenhauer dans le fil sur la Mort, la nouvelle feuille qui murit, même semblable à celles qui ont flétri la saison précédente, n'est plus la même et ne porte pas les traces des mésaventures qu'elles ont subi. Ainsi en est-il pour l'homme et les êtres sensibles qui certes « paient » en principe le fruit de leurs erreurs... mais pas au-delà de la mort/naissance comme explicité précédemment.

Par contre, et bien que ce ne soit pas ta question, Samsara et Nirvana sont intimement liés. En effet dans la mesure où elle n'est pas produite et bien que la nature nirvanée ne soit pas de ce monde (au sens où le royaume de mon Père n'est pas de ce monde) elle est bien dans ce monde car elle y produit ses effets salvateurs. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, où serait-elle ?

« J'imagine aussi que ton point de vue sur le karma n'affecte en rien la pertinence de l'octuple sentier? »

Absolument. La pertinence de l'Octuple Sentier s'impose d'elle-même quant on a réalisé sa « pertinence » ( !!!), la « Vérité » ( !!!), L'USAGE de la Vacuité (cf.
Renaissance incompatible avec le bouddhisme?
de chakyam » 17 Déc 2011, 09:43

Amicalement à toi

FleurDeLotus Butterfly_tenryu
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