Bonsoir DharmadatuDharmadhatu a écrit :Bonjour Chakyam,
Je crois que nous n'avons pas la même conception d'une... conception. Pour toi, ça semble forcément élaboré, mais ça ne l'est pas forcément.
Oui, sauf que cette conceptualisation est primaire; ce qui ne la rend pas pour autant inexistante.La première fois qu'il tête, l'enfant conceptualise t-il le sein maternel ? ou le biberon ? ou le sein de la nourrice éventuellement ?
Peut-être que la suite est la preuve de ce que j'avance sur ta conception:
Une abstraction est déjà une généralisation, une généralité. C'est pourquoi il est question de généralité de sens (arthasamanya; deun tchi). De nombreux ouvrages extrêmement instructifs examinent cette question, par exemple Recognizing Reality de Georges Dreyfus, Knowledge and Liberation de Ann C. Klein ou encore Knowing, Naming and Negation (même auteure).mais il va falloir attendre un temps de maturation X... pour que l'enfant soit capable « d'associer une généralité de son et une généralité de sens », donc de générer et d'associer une faculté d'abstraction à une faculté généralisatrice.
Une démonstration prendrait du temps, mais posons-nous la question: pourquoi reconnaît-on une BMW comme étant une voiture si la première fois qu'on nous a désigné une voiture c'était en nous montrant une 4L ?
Bien sûr, la première fois que le bébé appréhendera le sein maternel, sa conception sera primaire et son élaboration s'étoffera avec la répétition de cette appréhension (jusqu'à l'appréhension éventuelle d'autres seins... quand il sera plus grand par exemple !).
Quand Sermey Khensur Rinpoché dit: la connaissance de la fonction de quelque chose, on peut gloser concernant la situation d'un bébé; pour lui la connaissance de la fonction du sein sera rudimentaire et uniquement en correspondance avec son cas singulier ("un truc" associé à ce qu'il boit, associé peut-être aussi au rythme cardiaque apaisant de sa mère...) sans que tout cela soit aussi élaboré que dans le cas d'un enfant plus âgé ou d'un adulte.
Amitié
Évidemment qu'une conception est élaborée. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'un instinct, d'une tendance mais certes pas d'un concept dont la vocation est d'être valide pour les ensemble d'objets qu'il désigne, et qui plus est, communicable par la parole. Quitte à me répéter, le très jeune enfant de mon exemple ne peut l'élaborer faute de structures neuronales adéquates, même primairement.
Soyons tout à fait clairs. Cette phrase : ... d'associer une généralité de son et une généralité de sens... est une citation d'une des phrases que tu avais relevé comme étant du Prasangika et je la cite pour faire remarquer combien elle est pertinente pour un homme/femme adulte mais inadéquate pour un très jeune enfant. "Une abstraction est déjà une généralisation, une généralité." écris-tu... J'en suis tellement convaincu que jamais je n'ai dis mon accord pour que cette vérité s'applique aux bébés, bien incapables fonctionnellement de la penser et de l'actualiser dans un projet social.
Quant à ton exemple de la BMW, il s'inscrit dans la logique que je développe. Celui qui la reconnait est soit un ado, soit un gamin, soit un adulte dont les structures mentales se sont normalement développées et qui est capable, concrêtement, abstraitement et conceptuellement (cette fois c'est possible) de reconnaître la voiture sous les différentes carrosseries ou marques dont elle se revêt.
J'ai longuement échangé avec Sourire qui m'autorise à reproduire une partie de ses propos :
L'enfant nourri au sein ou au biberon connait le concept du lait et du plaisir relatif au fait de se rassasier, mais il ne se pose pas de questions à ce sujet.
Vers les 4 ans, il apprendra à jouer sur les mots et leur sonorité (âge des calembours).
Et puis, un peu plus tard, il détache le concept de l'objet qu'il désigne pour en faire un objet à part entière. C'est ce qu'on fait quand on associe le rouge au feu, au renard, à la force de vie (ou inversement à la destruction). Ce sont des associations logiques mais qui pour nous tiennent plus des habitudes culturelles que de notre propre expérience. .
Mais tu as l'air de dire que la conceptualisation n'apparait que tardivement ... Plutôt qu'une "date d'apparition", je verrais une "période de construction"...
Si on prend le cas des "enfants sauvages" : chez eux, le concept était resté au stade basique... Et leur cerveau avait dépassé le stade des apprentissages.
Voilà il me semble un arguments de poids qui incline à admettre - "qu'au commencement aucune chose n'est" et notamment pas un concept de quoi que ce soit, que cette conceptualisation de concepts résulte d'un apprentissage lié à l'émergence de l'Égo avec la scission du sujet et de l'objet cause de souffrance et qu'à un certain moment de réalisation des causes de souffrance, le méditant, le penseur, le philosophe essaie de revenir à l'état primordial où précisément la discrimination n'existait pas, sans conceptualisation...
Amicalement

