Karma: action et intention

Iskander

Dharmadhatu a écrit :
Peut-on lever une cuillère sans qu'il y est aucune "motivation" ??
Dans le cas d'un Bouddha (selon la vision mahayaniste), c'est comme respirer: pas de motivation particulière.
C'est un peu léger de dire simplement qu'il n'y a pas de motivation particulière. Est-ce que tu ne veux plutôt pas dire qu'il n'y a pas de motivation basée sur l'égo?

Je ne peux pas accepter qu'on dise qu'on peut plonger une cuillère dans la soupe, et la porter à sa bouche sans motivation particulière. Il faut mieux préciser ce qu'on entend. On ne peut pas avoir des gestes volontaires complexes sans une motivation.
chakyam

Dharmadhatu

J'espère que je peux dire, sans aller trop vite en conclusion (lol) que nos points de vue semblent se rapprocher et que j'en suis satisfait. Il me semble qu'une cognition inférentielle, même si elle est à base intellectuelle – comment pourrait-il en être autrement - est une expérimentation au sens où Einstein citait les siennes qui, 40 ans plus tard, se sont concrétisées par des expériences réelles. Je te souhaite d'avoir la même réussite bien évidemment.

Dans ce cours extrait d'une de mes propositions « (...) S'il est bouddha c'est parce qu'il vit dans l'Ultime, ce qui lui permet de qualifier le vérité conventionnelle et de la vivre à son propre niveau de la loi... sans être sourd, aveugle etc etc … au sein de sa nature originelle. » tu sembles penser qu'il y a une quelconque contradiction entre nos affirmations, confortée par cette remarque qui suit : « Ce qui va dans mon sens (...) » comme si, en l'occurence , il y avait un sens contraire que j'aurai exprimé.

Quelle qu'en soit la formulation nous pensons la même réalité. L'un ne va pas sans l'autre et vice-versa à ceci près que la vérité conventionnelle est exclusive de l'ultime puisqu'elle ne le perçoit qu'à l'issue d'un processus (tiers exclu) alors que le vérité ultime perçoit le conventionnel ici et maintenant (tiers inclus) dans l'action sans intention. C'est du moins mon expérimentation du NON-AGIR.

Nos désaccords néanmoins demeurent sur un certain nombre de points, ainsi,

« l'intention d'atteindre samyak-sambodhi pour le bien de tous êtres » et « (…) la dernière goutte qui remplit un vase; mais sans oublier les gouttes précédentes qui lui ont permise de le remplir. Il est possible que des individus qui réalisent subitement leur nature dans cette vie aient pratiqué au cours des vies passées afin de permettre cette réalisation... »

Ce qui précède implique la croyance en un continuum de conscience et/ou la construction d'un futur à partir de la mémoire. « L'intention d'atteindre.. » discrimine, sépare, coupe le pratiquant entre ce qu'il est ici et maintenant et ce qu'il sera... plus tard « pour le bien de tous les êtres » tandis que la goutte d'eau qui s'ajoute aux gouttes d'eau précédentes des vies antérieures implique une identité que la notion « d'Anatman » interdit de postuler au sein d'un continuum que l'impermanence n'autorise également pas.

Iskander !

«Est-ce que tu est d'accord avec l'explication de michel_paix, qui indique qu'un éveillé a bien une intention du point de vue conventionnel?
 »

Bien entendu. L'éveillé, par nature, perçoit l'aspect conventionnel alors que pour le commun des mortels, le Conventionnel n'est que le point d'appui à partir duquel il s'éveillera après s'être « détaché » de tout espoir, de toute intention, de toute récompense... demain, plus tard, un jour prochain car comme le signale Baruch de SPINOZA dans l'Ethique : « La vertu ne peut être un calcul » - je traduis : « l'Éveil/le Nirvana/la Délivrance ne peuvent être un calcul », encore bien moins l'addition de gouttes d'eau ou d'intentions d'une vie précédente ( !!!...) qui se concrêtiseraient...................

En réponse à une autre question, je pense que nos éclaircissements réciproques sur le tiers inclu/exclu participent de la discussion principale sur l'action/intention. Gardons le tout et chacun distinguera. FleurDeLotus
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Dharmadhatu
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Chakyam a écrit :Quelle qu'en soit la formulation nous pensons la même réalité. L'un ne va pas sans l'autre et vice-versa à ceci près que la vérité conventionnelle est exclusive de l'ultime puisqu'elle ne le perçoit qu'à l'issue d'un processus (tiers exclu) alors que le vérité ultime perçoit le conventionnel ici et maintenant (tiers inclus) dans l'action sans intention.
:D Les deux vérités sont duelles en vérité relative mais pas en vérité ultime. Il n'y a donc pour moi pas de tiers inclus. C'est soit selon une vérité, soit selon l'autre.
Ce qui précède implique la croyance en un continuum de conscience et/ou la construction d'un futur à partir de la mémoire.
Ce n'est pas une croyance, mais une cognition inférentielle sur la base de plusieurs constats:

le corps est matériel,
la conscience est immatérielle et de nature cognitive,
une cause et son effet substantielle partagent une nature similaire:

donc le corps ne peut être la cause substantielle de la conscience.

Dharmakirti explique que: ce qui n'est pas de la nature de la conscience ne peut être cause de la conscience.
tib. namshé min pa namshé kyi
nyèr lèn min pa tchir yang droup
Donc seul un instant de conscience antérieur peut engendrer un instant de conscience actuel, et ce, sans début (ni fin).
« L'intention d'atteindre.. » discrimine, sépare, coupe le pratiquant entre ce qu'il est ici et maintenant et ce qu'il sera... plus tard
Au contraire, puisque cela implique un continuum.
tandis que la goutte d'eau qui s'ajoute aux gouttes d'eau précédentes des vies antérieures implique une identité que la notion « d'Anatman » interdit de postuler au sein d'un continuum que l'impermanence n'autorise également pas.
Tu n'as pas d'atman et pourtant il y a un continuum en toi qui te permet d'échanger sur ce fil. Si ce n'était pas le cas, tu ne pourrais répondre à des propos que tu as lu il y a quelques instants.

Le concept d'impermanence n'exclue pas non plus la continuité: tu es impermanent et pourtant tu as une continuité. Cette continuité au cours de cette existence n'est pas dissemblable d'une continuité au fil des existences. Cette continuité opérant dans l'impermanence (l'altération d'instant en instant) et dans le non-soi: la continuité dépend de ses instants constitutifs, elle est donc vide d'existence indépendante.
Iskander a écrit :
Dharmadhatu a écrit :
Peut-on lever une cuillère sans qu'il y est aucune "motivation" ??
Dans le cas d'un Bouddha (selon la vision mahayaniste), c'est comme respirer: pas de motivation particulière.
C'est un peu léger de dire simplement qu'il n'y a pas de motivation particulière. Est-ce que tu ne veux plutôt pas dire qu'il n'y a pas de motivation basée sur l'égo?

Je ne peux pas accepter qu'on dise qu'on peut plonger une cuillère dans la soupe, et la porter à sa bouche sans motivation particulière. Il faut mieux préciser ce qu'on entend. On ne peut pas avoir des gestes volontaires complexes sans une motivation.
jap_8 Voici ce que dit Chandrakirti dans le Madhyamakavatara:
301. Quant à la pureté: par une intention il révèle, etc....

302. Sans pensée discursive, etc....
Le commentaire de L'Entrée au Milieu dit:
Par une simple intention - libre de la moindre pensée discursive - etc....
Et en même temps, le commentaire dit aussi (concernant le Dharmakaya):
Toute motivation est en relation avec une pensée conceptuelle, or les Vainqueurs n'ont pas de conceptions.
Donc, je dois approfondir la question pour distinguer entre "intention" et "motivation" puisqu'il semble qu'un Bouddha n'ait pas la seconde.

A creuser....

Chaleureusement FleurDeLotus
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

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chakyam

« Les deux vérités sont duelles en vérité relative mais pas en vérité ultime. Il n'y a donc pour moi pas de tiers inclus. C'est soit selon une vérité, soit selon l'autre. »

Argument répétitif et déjà réfuté... pour qui peut entendre. Tu te référais, il y a quelque temps à la logique. Ainsi parler de vérité ultime implique que deux devienne UN. C'est çà le tiers inclus. On a le droit de le refuser mais alors on vit avec le tiers exclu. Pas de problème.

Ce qui précède implique la croyance en un continuum de conscience et/ou la construction d'un futur à partir de la mémoire.

Ce n'est pas une croyance, mais une cognition inférentielle sur la base de plusieurs constats:

le corps est matériel,
la conscience est immatérielle et de nature cognitive,
une cause et son effet substantielle partagent une nature similaire:
donc le corps ne peut être la cause substantielle de la conscience.


Constat certes mais subjectif. J'en fais un autre.

Le corps est esprit
la conscience est immatérielle et de nature spirituelle
le corps et la conscience ne peuvent être séparés
donc il est arbitraire de les distinguer

« Donc seul un instant de conscience antérieur peut engendrer un instant de conscience actuel, et ce, sans début (ni fin). »

Heureusement que non ! Sauf évidemment si notre idéal est la répétition du même, sans fin

Tu n'as pas d'atman et pourtant il y a un continuum en toi qui te permet d'échanger sur ce fil. Si ce n'était pas le cas, tu ne pourrais répondre à des propos que tu as lu il y a quelques instants.
Le concept d'impermanence n'exclue pas non plus la continuité: tu es impermanent et pourtant tu as une continuité. Cette continuité au cours de cette existence n'est pas dissemblable d'une continuité au fil des existences. Cette continuité opérant dans l'impermanence (l'altération d'instant en instant) et dans le non-soi: la continuité dépend de ses instants constitutifs, elle est donc vide d'existence indépendante
.

S'il y a altération, il n'y a pas continuité, seulement illusion de continuité. Si je continue d'échanger c'est grâce à ma mémoire qui me procure cette illusion, source de souffrance, de karma samsarique et d'aversion...

Je constate que la répétition prend le pas sur l'échange et, pour l'instant, je considère avoir dit tout ce que j'avais à dire." Attendre et voir" dit le dicton – à plus FleurDeLotus tard -
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Dharmadhatu
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jap_8 Re, Chakyam,

Concernant bodhichitta, j'ai trouvé un autre argument:
Chakyam a écrit :Ce qui précède implique la croyance en un continuum de conscience et/ou la construction d'un futur à partir de la mémoire. « L'intention d'atteindre.. » discrimine, sépare, coupe le pratiquant entre ce qu'il est ici et maintenant et ce qu'il sera... plus tard « pour le bien de tous les êtres » tandis que la goutte d'eau qui s'ajoute aux gouttes d'eau précédentes des vies antérieures implique une identité que la notion « d'Anatman » interdit de postuler au sein d'un continuum que l'impermanence n'autorise également pas.
Selon ta conception, les voeux de bodhisattva, seraient exclus (je crois avoir compris que tu te réclames du Zen):
Dans les courants chan et zen, les bouddhistes prononcent souvent les Quatre Vœux incommensurables suivants (Sìhóngshìyuàn 四弘誓願) :

Je prête serment de délivrer tous les êtres quoi qu'ils soient innombrables, (Zhòngshēng wúbiān shìyuàn dù 众生无边誓愿度);
Je prête serment d'éliminer tous les ennuis quoi qu'ils soient incalculables, (Fánnǎo wújìn shìyuàn duàn 烦恼无尽誓愿断);
Je prête serment d'apprendre toutes les méthodes quoi qu'elles soient illimitées, (Fǎnmén wúliàng shìyuàn xué 法门无量誓愿学);
Je prête serment de parvenir à l'état du Bouddha quoi qu'il soit incomparable, (Fódào wúshàng shìyuàn chéng 佛道无上誓愿成).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bodhisattva

... puisqu'il serait peu réaliste de vouloir délivrer tous les êtres, par exemple, en l'espace d'une seule existence.

Chakyam a écrit :Ainsi parler de vérité ultime implique que deux devienne UN. C'est çà le tiers inclus.
:D Le tiers est exclu puisqu'en vérité ultime, il n'y a ni identité, ni altérité: ni un, ni deux.
Hommage au Parfait Eveillé,
Le Suprême Orateur, qui enseigne
Que ce qui apparaît en dépendance
Est libre de cessation et de production,
D'anéantissement et de permanence,
D'allée et de venue,
De diversité et d'unité,
L'apaisement de la pensée discursive, la félicité.

Nagarjuna, Madhyamakashastra.
Chakyam a écrit :Le corps est esprit
le corps et la conscience ne peuvent être séparés
Si c'était le cas, alors un cadavre devrait répondre quand on lui parle.
Heureusement que non ! Sauf évidemment si notre idéal est la répétition du même, sans fin
Si c'était le cas, on se laverait toujours dans la même eau d'un fleuve. Ou encore, nos instants de conscience successifs percevraient continuellement la même chose.
S'il y a altération, il n'y a pas continuité, seulement illusion de continuité.
Si je continue d'échanger c'est grâce à ma mémoire qui me procure cette illusion, source de souffrance, de karma samsarique et d'aversion...
Non, il y a illusion d'identité, mais la continuité est valide: on trouve dans les écritures mahayanistes traditionnelles (comme le Madhyamakavatara de Chandrakirti) l'énoncé des 18 qualités spécifiques de l'esprit des Bouddhas, et parmi celles-ci, il y a la connaissance "de toutes les destinées": les multiples renaissances des êtres. Or un Bouddha n'est plus dans l'illusion, dans la souffrance, dans le samsara et l'aversion.

Si un Bouddha perçoit la continuité impermanente et vide de soi des assemblages psychophysiques des êtres, c'est que cette continuité est conventionnellement valide. CQFD.

Amitié FleurDeLotus
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michel_paix
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Bonjour,
Dharmadhatu a écrit : Bonjour Michel,

Il est difficile d'appréhender le cas d'un Bouddha car son cas est particulier; nous pouvons à la rigueur examiner le cas des êtres ordinaires comme nous.

Lever une cuillière, reste lever une cuillère, que l'on soit Buddha ou bien un être ordinaire, ce qui différencie l'être ordinaire d'un Buddha est dans le comment il lève cette cuillère (psychisme), j'ai l'impression que l'être ordinaire a pour seul différence le mode d'appréhénsion dualiste [vijnana] empli de tendance [samskara] affective [vedana] qui prend pour réalité ultime [samjna], un Buddha en comprend parfaitement la vacuité, il comprend la non-production de la co-production, qui est justement ce qui permet la sagesse tout-agissante de ce produire [conventionnellement], qui est une non-production [ultimement] comme tout les dhamma, car justement ignorant pas la vérité ultime, il ne s'appréhende pas lui-même comme existent ultimement comme le ferait un esprit ordinaire. Il y a des textes où les Buddha est pris de colère, sans pour autant dire que celui-ci est un être ordinaire. Dans d'autre texte il est "content" du sangha. J'ai l'impression que dire que le Buddha n'a plus de samskara qui se produisent, signifie en fin de compte que ceux-ci sont vue comme une non-production, qui permets ainsi de faire rayonné l'éveille ?? Une autre approche: Si vous auriez appeler le Buddha, il vous aurait regardé, donc l'aspect de la vérité d'enveloppement est bien présente, comme je dis j'ai vraiment l'impression que c'est en comprenant la vérité ultime (non-produit, non-né) de la réalité d'enveloppement (co-production conditionnelle), qui permet a la sagesse de ce manifester sans obstruction.

Mais pour répondre à cela:
Peut-on lever une cuillère sans qu'il y est aucune "motivation" ??
Dans le cas d'un Bouddha (selon la vision mahayaniste), c'est comme respirer: pas de motivation particulière.

Cela est du point de vue de la vérité ultime, cela n'est pas propre au Buddha, mais a tout être sensible, car tout phénomènes sont dépourvu d'un être en-soi, donc comment ce qui est dépourvu d'un être en-soi pourait-il avoir des intentions ?? Donc dans tout les cas la réalité de l'intention a un être en soi est comme des corne de lapin. Mais cela est bien sûr du point de vue de la vérité ultime, malgré qu'il n'est pas faux de dire qu'il y est de mauvaise intention qui produisent du mauvais karma. Mais de ce point de vue entre être ordinaire et Buddha, il n'y a aucune distinction... C'est pourquoi que je dis que l'action de porter une cuillère n'est pas elle-même karmique, ce qui est karmique est une sur-imposition psychique [vue erroné] sur la co-production conditionnelle [vue juste] qui est une non-production [ultime].

Tout comme samjna, vedana et vijnana, sont des sur-imposition psychique sur ... qui sera vue par le Buddha comme étant qu'un simple rêve dépourvu totalement d'une réalité en elle-même. Un être ordinaire rêve [samsara] dans le rêve [co-production], un Buddha ne rêve plus [nirvana] dans le rêve [vérité d'enveloppement]... car sinon comment porter une cuillère a la bouche s'il n'y a aucune distinction entre la cuillère, la bouche et l'espace ??


<<metta>>
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Dharmadhatu
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Michel a écrit :comment ce qui est dépourvu d'un être en-soi pourait-il avoir des intentions ??
:D Je suis dépourvu d'être en soi et j'ai pourtant l'intention d'écrire ces mots, non ?

Du point de vue ultime, il n'y a pas de différence en effet, seulement du point de vue conventionnel. Un Bouddha est libéré du karma (comme il le rappelle dans le Ratnakuta Sutra) et pas nous.

A mon avis, un Bouddha n'a que des actes karmiquement neutres (loung ma tèn).

Pour en revenir à la question initiale: un être ordinaire a des actes soit karmiquement neutres, soit vertueux, soit non vertueux, en dépendance des intentions qui sous-tendent ses actes.

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michel_paix
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Un simple acte [kiriya mattam], n'est pas un karma.

L’intention qui génère du karma est celle qui est directement liée à la volonté d’éprouver du plaisir lié a un "soi" et qui, donc, dépend de l’avidité ou de l’aversion pour ce produire. Un Buddha en étant dépourvu d'ignorance, n'a pas de volonté d'éprouver du plaisir lié a un "soi", pas plus que l'avidité et l'aversion soit au rendez-vous. Ce qui est karmique, c’est l’acte mental ou psychique surajouté à l’acte lui-même, c'est ça qui sera appelé karma et c’est la nature même de l’intention qui va déterminer si une action est ou n’est pas karmique.
Les deux épines:

Un être non instruit, o moines, éprouve des sentiments plaisants, des sentiments douloureux et des sentiments neutres.
Un noble disciple, bien instruit éprouve aussi des sentiments plaisants, douloureux et neutres.
Maintenant quelle est la distinction ou la différence qui existe entre ces deux personnes?

Quand être non instruit est frappé par une sensation physique douloureuse, il s´inquiète et est afflige, il déplore son destin, il se frappe la poitrine, pleure et est éperdu. Ainsi, il ressent deux choses: des sensations physiques et des sentiments psychiques. C´est comme s´il avait été percé par une épine et après la première perforation il est frappé par une deuxième. La personne éprouve des sentiments provoqués par deux épines. Après avoir été frappé par ce sentiment douloureux, il lui résiste et se sent offensé par lui. Alors en celui qui résiste ainsi (et se sent offensé par) le sentiment douloureux, une tendance fondamentale à la résistance ou la répulsion devient la base (de son esprit). Sous l´influence de ce sentiment douloureux, il commence alors à rechercher les plaisirs des sens. Pourquoi cela? Un être non instruit, o moines, ne connaît aucune autre évasion des sentiments douloureux, excepté le plaisir sensuel. Alors, en celui qui apprécie le plaisir sensuel, une tendance fondamentale à la convoitise pour des sentiments plaisants devient la base de son esprit. Il ne connaît pas l´apparition et la disparition de ces sentiments, ni la satisfaction et le danger lié a l´évasion par ces sentiments. En celui qui n´a pas cette connaissance, une tendance fondamentale à l´ignorance liée aux sentiments neutres devient la base de son esprit. Quand il éprouve un sentiment plaisant, un sentiment douloureux ou un sentiment neutre, il se sent enchaîné à celui-ci. On dit que ce genre de personne est liée à la naissance, à la vieillesse, à la mort, à la douleur, à la lamentation, à la peine et au désespoir. Je déclare qu´il est enchaîné a la souffrance.

Quant à un noble disciple bien instruit qui est frappé par une sensation douloureuse, il ne s´inquiétera pas ni ne s´affligera et ne déplorera pas son destin; il ne se frappera pas la poitrine et ne pleurera pas, ni ne sera éperdu. Ce qu´il éprouve est une sensation physique, mais pas un sentiment mental. Il est comme quelqu´un qui a été percé par une épine, sans être percé par une deuxième épine après la première. Ainsi cette personne éprouve des sentiments provoqués par une seule épine… Après avoir été frappé par ce sentiment douloureux, il ne lui résiste pas. Par conséquent, aucune tendance fondamentale de résistance envers cette sensation douloureuse ne devient la base de son esprit. Sous l´impact de ce sentiment douloureux, il ne commence pas à rechercher les plaisirs sensuels. Pourquoi cela? Comme il est un noble disciple bien instruit il connaît une autre évasion des sensations douloureuses que les plaisirs sensuels. Alors, en celui qui ne recherche pas les plaisirs sensuels, aucune tendance fondamentale à la convoitise envers des sentiments plaisants ne devient la base de son esprit. Il connaît l´apparition et la disparition de ces sentiments, la satisfaction et le danger lié à l´évasion de ces sentiments. En celui qui a cette connaissance, aucune tendance fondamentale à l´ignorance liée aux sentiments neutres devient la base de son esprit. Quand il éprouve un sentiment plaisant, un sentiment douloureux ou un sentiment neutre, il ne se sent pas enchaîné à celui-ci. On dit que ce genre de personne n´est pas liée à la naissance, à la vieillesse, à la mort, à la douleur, à la lamentation, à la peine et au désespoir. Je déclare qu´il n´est pas enchaîné à la souffrance.

Ceci, o moines, est la distinction ou la différence qui existe entre ces deux personnes.
Le karma est l’acte mental ou psychique surajouté à l’acte lui-même [que l'on peut comparer a la deuxième épine]...

<<metta>>
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Dharmadhatu
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Michel a écrit :L’intention qui génère du karma est celle qui est directement liée à la volonté d’éprouver du plaisir lié a un "soi" et qui, donc, dépend de l’avidité ou de l’aversion pour ce produire.
jap_8 Oui, selon le Bouddhisme, il y a 3 types de soif:

kama-tanha: soif du plaisir,
bhava-tanha: soif d'éprouver une situation,
vibhava-tanha: soif de fuir une situation.

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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
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Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
chakyam

J'avais fait précédemment le choix de prendre quelque recul et d'attendre mais la citation suivante «... Le tiers est exclu puisqu'en vérité ultime, il n'y a ni identité, ni altérité: ni un, ni deux... » m'incite à revenir sur ce choix car il me semble qu'il y a ici confusion entre les mots et leur sens qui par nature les dépasse. En effet les mots sont apparents et renvoient à une réalité qu'ils ne contiennent que partiellement ainsi que le déclare le Lanka.

« Les apparences désignent la forme et les différents aspects des choses. Des noms sont donnés pour les fixer (…) et exprimer des apparences (qui) ne sont que des idées fictives forgées par une pensée qui se méprend. » - chap : l'instantanéité.

« Il y a d'innombrables façons d'adhérer étroitement et profondément aux enseignements lorsqu'on les prend au pied de la lettre (c'est moi qui souligne). Entre autre en croyant et s'attachant à la réalité des caractéristiques (et) des circonstances (…) ce genre de puissant attachement se ramène à l'attachement que les sots éprouvent pour les idées qu'ils inventent. » - chap : l'impermanence

« Mahâmati, le langage peut exister sans nécessairement décrire une réalité. » - chap : Compendium de tous les enseignements

J'avais précisé en son temps : Le tiers inclus et le tiers exclu sont des entités abstraites logiques au service de l'intelligence, de la sensibilité des hommes qui cherchent « une vérité » par le biais de la philosophie, des études religieuses, des sciences sociales. Leur utilisation n'exige aucunement une quelconque croyance en une absence ou une essence propre. Il y a donc lieu de ne pas les affubler d'appellation extrêmes et de vérifier dans quelle mesure ils sont pertinents à chaque cas particulier ou général

Par ailleurs, nous dit-on : Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt.

Il semble donc que ce qui importe en l'occurence soit la lune et le sens des choses (autrement dit le sens caché). Cependant quand je lis « Le tiers est exclu puisqu'en vérité ultime, il n'y a ni identité, ni altérité: ni un, ni deux... » j'y vois la vérité des mots, mais pas du sens.

Il est bien exact que dans la vérité ultime, il n'y a rien qui puisse être distingué à l'aide des seuls mots puisque dans ce cas il n'y aurait plus ce qui la caractérise à savoir, la vacuité notamment avec ses autres dénominations : bouddhéité, éveil, délivrance, tiers inclu, nirvana, bouddha qu'il y a, bouddha qu'il n'y a pas, temps qu'il-y-a, temps-qu'il n'y-a-pas, éveil et égarement... toutes appellations qui renvoient à l'absence de nature propre et qui désignent pourtant le sens de réalisation que tous devraient pouvoir réaliser puisqu'ils sont déjà chez eux... Il te faudra donc t'habituer à cette ambiguité et ne pas ergoter sur le sens étroit des mots pour conforter un point de vue particulier, car sans les mots ! qui désignerait l'innommable ? qui enseignerait la présence de la lune ? Qui enseignerait le Dharma ? Qui progresserait sur la voie sans les mots qui la caractérisent ? Même pour déboucher sur l'ineffable !!

Chacun d'entre nous sans doute à son propre niveau de la loi... mais certainement pas en se regardant la main et particulièrement l'index.

Par la suite, tu m'as fait parvenir d'autres extraits.

Dans les courants chan et zen, les bouddhistes prononcent souvent les Quatre Vœux incommensurables suivants
(Sìhóngshìyuàn 四弘誓願) :

Je prête serment de délivrer tous les êtres quoi qu'ils soient innombrables, (Zhòngshēng wúbiān shìyuàn dù 众生无边誓愿度);
Je prête serment d'éliminer tous les ennuis quoi qu'ils soient incalculables, (Fánnǎo wújìn shìyuàn duàn 烦恼无尽誓愿断);
Je prête serment d'apprendre toutes les méthodes quoi qu'elles soient illimitées, (Fǎnmén wúliàng shìyuàn xué 法门无量誓愿学);
Je prête serment de parvenir à l'état du Bouddha quoi qu'il soit incomparable, (Fódào wúshàng shìyuàn chéng 佛道无上誓愿成).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bodhisattva

Je ne vois pas exactement le sens de cet envoi – bien que son sens me convienne totalement - dans le cadre de notre échange mais je t'en remercie néanmoins, d'autant qu'il donne une référence wikipedia que bien évidemment je suis allé consulter. Et là ! Surprise !!! je cite : "...La suppression de l'activité karmique par la non-action purifie instantanément les mauvais karmas, au contraire de la méthode hinayana qui progresse par étapes..." (Fanwangjing zhijie) –

J'avais en son temps attirer notre attention sur l'abus des citations qui ne convainquent personne puisque toujours citée à l'appui de la thèse que chacun défend. Mais là, la mariée est trop belle ! Cette citation m'est offerte par mon interlocuteur, à l'appui de ma propre thèse qu'il n'a pas encore faite sienne...,(bien que rien, jamais, n'a été, n'est et ne sera à moi)... à l'insu de son plein gré, sans aucun doute
.
Ainsi donc, et sans ergoter sur les mots la cause est entendue : UNE ACTION N'EST PAS INDISSOLUBLEMENT LIÉE A UNE INTENTION génératrice de karma. Désolé !! et ravi !

et... à suivre. FleurDeLotus
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