Bonjour Dharmadhatu (et les autres)
Dharmadhatu a écrit :J'ai eu l'occasion de rappeler sur ce forum que je n'ai aucune expérience dans le Dharma et cela n'a pas changé entre temps. Donc je ne poste que sur la base des écritures et du raisonnement.
D'accord
"Phénomène" (skt. dharma; tib. tcheu) et "existant" (sat; yeupa) par exemple sont synonymes en philosophie bouddhiste. Phénomène n'a donc pas forcément la même acception qu'en philosophie occidentale. Certains phénomènes existent sans que je puisse les percevoir, c'est ce que la logique bouddhiste appelle une raison valide de non observation de ce qui n'est pas susceptible d'apparaître (mi nangwa ma mikpé ta' yangdak).
Le problème ne vient pas tant de la définition du phénomène que de la logique de perception qui y est associée. Concernant un phénomène "ordinaire" (un objet, un concept, une pensée...), la perception suppose une dualité entre le perçu et le percevant. Pour le Dharmakaya, ce n'est pas la même chose. Bien évidemment, si, par définition, tu dis que tout ce qui existe est phénomène et que, puisque le Dharmakaya existe, donc c'est un phénomène, c'est logiquement valide. Mais cette définition force le Dharmakaya à se soumettre à un niveau de réflexion ou de logique auquel, en réalité, il n'est pas accessible. C'est là notre point de divergence, il me semble.
D'autre part, même si moi je ne peux pas les percevoir directement, il n'est aucun phénomène qui ne puisse apparaître à la conscience omnisciente d'un Bouddha; donc puisqu'un Bouddha peut percevoir le Dharmakaya d'un autre Bouddha, le Dharmakaya correspond tout à fait à la désignation "phénomène" au sens occidental.
Au sens occidental, le Bouddha n'a aucune représentation autre que le personnage historique qui a fondé le bouddhisme. Au sens occidental, la vue d'un Bouddha est incompréhensible. La conscience omnisciente d'un Bouddha n'est pas la perception d'un être ordinaire. Un Bouddha peut percevoir le Dharmakaya d'un autre Bouddha parce que le Dharmakaya d'un Bouddha est le Dharmakaya de tous les Bouddhas. Les différents Bouddhas comme les différents Corps de Bouddha ne sont séparés que pour la nécessité d'un exposé "théorique". Ce qui ne signifie pas non plus qu'ils sont unifiés dans une sorte de magma unitaire qui serait une vue de type "éternaliste", bien entendu.
Le Dharmakaya n'est ni permanent ni impermanent
Selon le Bouddhisme indo-tibétain, il est permanent car l'un de ses aspects (le Jñanadharmakaya) est impermanent et l'autre (le Svabhavikakaya) est permanent. Voir Buddha Nature de Geshe Sonam Rinchen. Lorsque je parle de son aspect conscient, c'est du premier qu'il est question.
Quand je dis que le Dharmakaya n'est ni permanent, ni impermanent, je faisais allusion à la temporalité qui me semblait émaner de ta présentation. Et quand je dis qu'il n'est ni permanent, ni impermanent, je fais aussi allusion au fait qu'il n'est pas dissociable des autres Corps. Ce n'est, encore une fois, que pour la nécessité d'un exposé théorique que l'on parle de "permanence" du Dharmakaya.
Il ne s'agit pas d'assimiler deux mots qui ne signifient pas la même chose mais de comprendre que cette expérience de la vacuité est ce qui montre que les phénomènes sont nécessairement impermanents. En effet, dès qu'un phénomène s'élève, sa vacuité s'élève de la même façon et c'est cela qu'on appelle impermanence. Pourquoi ? Parce que les phénomènes, étant vides par nature, sont par nature instables.
Il s'agit là du niveau le plus grossier de la vacuité: l'existence dépendante par rapport à des causes et des conditions
Je n'ai jamais prétendu le contraire. C'est la raison pour laquelle je disais que la vacuité des phénomènes n'est pas assimilable à celle - suprême - du Dharmakaya.
mais les deux niveaux plus subtils concernent aussi les phénomènes permanents, ils ne dépendent plus de causes et conditions mais d'autre chose: le tout par rapport à ses parties (apekshyasamutpada) et la dépendance par rapport à une désignation (pratityasamutpada). Bien qu'on entende souvent l'expression "production dépendante", il s'agit plutôt d'"existence dépendante".
Il n'y a pas, pour moi, de phénomènes permanents puisque je ne mets pas le Dharmakaya dans l'ordre des phénomènes. La permanence du Dharmakaya est sa propre vacuité. Mais il ne s'agit pas d'une vacuité permanente comme une qualité du Dharmakaya. Il ne s'agit pas de dire que le Dharmakaya est vide de nature propre comme on le dirait de n'importe quel phénomène. C'est là toute la difficulté à comprendre les choses du point de vue du raisonnement. Dire que le Dharmakaya est un phénomène revient à le réifier et donc à réifier la vacuité.
C'est peut être une autre lecture que celle du Prasangika Madhyamaka mais le Prasangika Madhyamaka n'a pas été enseigné par le Bouddha historique.
Cependant Nagarjuna avait été prophétisé par le Bouddha comme allant enseigner la vue ultime de celui-ci.
Je me suis mal exprimé. Ce n'est ni Nagarjuna, ni le Prasangika Madhyamaka que je mets en cause, mais plutôt la lecture que certains "docteurs" du Prasangika Madhyamaka en font. Cette lecture n'a pas été nécessairement enseignée par le Bouddha historique. C'est ce que je voulais dire.
Par contre, le Bouddha a bien enseigné que tous les composés (ou conditionnés) sont impermanents (sabbe samkhara anicca) et non pas tous les phénomènes. Par contre, il a bien dit que tous les phénomènes sont sans soi (sabbe dhamma anatta). Voir L'Enseignement du Bouddha de Walpola Rahula. Donc dire que tous les phénomènes sont impermanents (sabbe dhamma anicca) n'est pas l'enseignement du Bienheureux.
Tout cela me semble reposer sur une question de terminologie. Qu'est-ce qu'un phénomène non-composé ? Une simple perception dans la réalité non duelle (ou non-conceptuelle). Cela relève de l'expression du Samboghakaya pour moi. Pas du Dharmakaya. Considères-tu le Samboghakaya comme permanent ou impermanent ?