La permanence dans le bouddhisme: Attention à la confusion !
Je connais le point de vue de Dharmadhatu. J'ai souvent débattu avec lui. Lorsqu'il dit que la vacuité n'a pas de nature propre et que pourtant elle est permanente, je pense qu'il confonds la vacuité des phénomènes en ce qu'ils sont vides de nature propre et la vacuité du Dharmakaya qui n'a strictement rien à voir. La vacuité des phénomènes relève de l'interdépendance des phénomènes. Si les phénomènes disparaissent, leur vacuité disparaît par la même occasion. De fait, on introduit la notion de vacuité de vacuité. Mais on est là dans l'ordre de la dialectique pure, de la philosophie. Dans un "emboitement" de vacuités. On peut bien sûr méditer sur cette notion jusqu'à obtenir la réalisation de la vacuité et l'associer de fait au Dharmakaya, mais je ne suis pas d'accord avec cette approche ou cette analyse. Comme je n'ai pas l'intention ici de confronter mes vues aux siennes en ce qu'elles ne reposent pas sur les mêmes bases, il n'est pas nécessaire pour moi d'en débattre plus longuement.
Comme tu veux
je pense surtout que c'est ce qu'en a dit le Bouddha avant Dharmadhatu .
Mais je vais te relire tranquille car j'avoue ne pas voir clair dans tes propos

je pense surtout que c'est ce qu'en a dit le Bouddha avant Dharmadhatu .
Mais je vais te relire tranquille car j'avoue ne pas voir clair dans tes propos
Dernière modification par passagère le 21 septembre 2011, 15:37, modifié 1 fois.
Ce qu'en dit le Bouddha est ce qu'on est capable d'en comprendre dans l'expérience. Les sutras - en fait, tout le Dharma - ne peuvent être compris qu'à cette seule condition. Le raisonnement est incapable de faire comprendre l'expérience. Si tu vois une bouteille de vin, tu ne peux pas dire que ce vin est bon tant que tu n'y as pas gouté. Tu peux demander à quelqu'un d'autre de boire à ta place, même ce quelqu'un d'autre te dit qu'il est bon et que tu lui fais confiance, ce ne sera pas une preuve pour toi. Le bouddhisme, c'est la même chose.
- Dharmadhatu
- Messages : 3690
- Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

J'ai enfin un peu de temps pour vous rendre visite.
En fait, la vacuité du Dharmakaya et la vacuité de n'importe quel autre phénomène sont exactement identiques (ce n'est que le phénomène qualifié par elle qui change), sauf que pour le Dharmakaya, elle porte un autre nom plus ronflant: Svabhavikakaya. (Cf. Buddha Nature de Geshe Sonam Rinchen).Antodume a écrit : Lorsqu'il dit que la vacuité n'a pas de nature propre et que pourtant elle est permanente, je pense qu'il confonds la vacuité des phénomènes en ce qu'ils sont vides de nature propre et la vacuité du Dharmakaya qui n'a strictement rien à voir.
Mais c'est toujours l'absence d'existence intrinsèque ou inhérente.
Or cette absence de soi inhérent est permanente: il n'y aura jamais un moment où tel phénomène sera doué d'existence en soi. Et un phénomène peut être permanent et malgré tout avoir une existence dépendante, sauf que ce ne sera plus une existence dépendante de causes et conditions. Cette dépendance sera celle du tout par rapport à ses parties (apekshyasamutpada) ou encore la dépendance par rapport à une désignation (le sens le plus subtil de pratityasamutpada).
La vacuité de la vacuité en témoigne: puisque la vacuité est le mode d'être de tel phénomène, lorsque ce phénomène disparaît, elle disparaît aussi (bien qu'elle n'ait pu changer pendant qu'elle existait); cela prouve qu'elle aussi dépend des phénomènes dont elle est la véritable nature. L'enfant dépend de son père pour exister, mais le père aussi dépend de son fils pour être un père = pas de père, pas de fils, mais aussi pas de fils, pas de père. Pas de bras, pas de chocolat !

Lorsqu'on parle de la vacuité en général, on parle de la vacuité de tous les phénomènes et comme certains d'entre eux sont permanents (voire éternels, comme le Dharmakaya), leur vacuité aussi les accompagnera toujours. De ce point de vue-là, la vacuité est non seulement permanente (inchangeante: tib. rèngawai takpa) mais aussi permanente dans le temps (du tènpai takpa).
Lorsqu'on assimile la vacuité à l'impermanence, on loupe le coche de la vacuité profonde, la plus subtile, celle qui est synonyme de simple désignation (ming tsam) et qui est enseignée par le Prasangika Madhyamaka.
Le fait que certains phénomènes soient permanents est encore plus prononcé dans le Mahayana car dans la Perfection de Sagesse en 8000 versets, le Bouddha souligne que la vacuité demeure, que les Tathagatas soient là ou non pour l'enseigner.
Amitié

apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate
Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.
Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate
Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.
Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
En as-tu fais l'expérience, Dharmadhatu, pour dire qu'elles sont identiques ? Est-ce qu'on a inventé un nom plus ronflant pour le simple plaisir de ronfler ? Tu dis que le Dharmakaya est un phénomène. Soit. Qu'est-ce qu'un phénomène pour toi ? Comment vient-il à ta conscience ? Si le Dharmakaya est un phénomène, il devrait venir à la conscience comme n'importe quel autre phénomène. Or, ce n'est pas le cas car il faut s'éveiller à sa vraie nature pour ça. Si ce n'est pas un phénomène comme un autre, il n'y a pas de raison de penser que sa vacuité s'assimile à la vacuité d'un phénomène comme un autre. On ne peut pas appliquer le raisonnement qu'on applique aux phénomènes au Dharmakaya qui n'est du reste pas une expérience au sens ordinaire du terme (bien que ce mot soit en usage) et ne peut donc strictement être nommé phénomène.Dharmadhatu a écrit :En fait, la vacuité du Dharmakaya et la vacuité de n'importe quel autre phénomène sont exactement identiques (ce n'est que le phénomène qualifié par elle qui change), sauf que pour le Dharmakaya, elle porte un autre nom plus ronflant: Svabhavikakaya. (Cf. Buddha Nature de Geshe Sonam Rinchen).
Tu introduis une notion de temporalité au Dharmakaya. Ce n'est pas, de mon point de vue, une bonne façon de le présenter. Tel que tu présentes les choses on a l'impression que tu en parles comme d'une supra conscience de type "océane". Le Dharmakaya n'est ni permanent ni impermanent (même si le terme "permanent" peut lui être associé par sa qualité de "non-phénomène" et non par une quelconque survivance dans le temps). Il n'est pas plus éternel que soumis aux affres du temps. Ce n'est pas quelque chose qui entre dans une quelconque catégorie. Désolé de ne pas adhérer à ton point de vue.Lorsqu'on parle de la vacuité en général, on parle de la vacuité de tous les phénomènes et comme certains d'entre eux sont permanents (voire éternels, comme le Dharmakaya), leur vacuité aussi les accompagnera toujours. De ce point de vue-là, la vacuité est non seulement permanente (inchangeante: tib. rèngawai takpa) mais aussi permanente dans le temps (du tènpai takpa)
Tu interprètes mal mes mots. Il ne s'agit pas d'assimiler deux mots qui ne signifient pas la même chose mais de comprendre que cette expérience de la vacuité est ce qui montre que les phénomènes sont nécessairement impermanents. En effet, dès qu'un phénomène s'élève, sa vacuité s'élève de la même façon et c'est cela qu'on appelle impermanence. Pourquoi ? Parce que les phénomènes, étant vides par nature, sont par nature instables. Ce qui les fait durer, ou plutôt leur donne l'impression de durer, c'est une persistance à vouloir les faire durer et c'est cela la cause de la souffrance. C'est cela l'attachement aux phénomènes. C'est peut être une autre lecture que celle du Prasangika Madhyamaka mais le Prasangika Madhyamaka n'a pas été enseigné par le Bouddha historique. Je ne dis pas que c'est une vue erronée. Je dis que l'interprétation qui ne repose pas sur l'expérience de la vacuité est nécessairement erronée. Ce qui signifie que ce n'est pas le point de vue d'une école qui importe et qui fait foi, mais celui, unique, de l'expérience.Lorsqu'on assimile la vacuité à l'impermanence, on loupe le coche de la vacuité profonde, la plus subtile, celle qui est synonyme de simple désignation (ming tsam) et qui est enseignée par le Prasangika Madhyamaka.
- Dharmadhatu
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- Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

J'ai eu l'occasion de rappeler sur ce forum que je n'ai aucune expérience dans le Dharma et cela n'a pas changé entre temps. Donc je ne poste que sur la base des écritures et du raisonnement.
Non, simplement parce qu'il existe des mots différents selon le contexte (et parfois des mots identiques). Par exemple, la vacuité des phénomènes est parfois appelée le nirvana naturel.Est-ce qu'on a inventé un nom plus ronflant pour le simple plaisir de ronfler ?
"Phénomène" (skt. dharma; tib. tcheu) et "existant" (sat; yeupa) par exemple sont synonymes en philosophie bouddhiste. Phénomène n'a donc pas forcément la même acception qu'en philosophie occidentale. Certains phénomènes existent sans que je puisse les percevoir, c'est ce que la logique bouddhiste appelle une raison valide de non observation de ce qui n'est pas susceptible d'apparaître (mi nangwa ma mikpé ta' yangdak).Qu'est-ce qu'un phénomène pour toi ? Comment vient-il à ta conscience ? Si le Dharmakaya est un phénomène, il devrait venir à la conscience comme n'importe quel autre phénomène.
D'autre part, même si moi je ne peux pas les percevoir directement, il n'est aucun phénomène qui ne puisse apparaître à la conscience omnisciente d'un Bouddha; donc puisqu'un Bouddha peut percevoir le Dharmakaya d'un autre Bouddha, le Dharmakaya correspond tout à fait à la désignation "phénomène" au sens occidental.
Selon le Bouddhisme indo-tibétain, il est permanent car l'un de ses aspects (le Jñanadharmakaya) est impermanent et l'autre (le Svabhavikakaya) est permanent. Voir Buddha Nature de Geshe Sonam Rinchen. Lorsque je parle de son aspect conscient, c'est du premier qu'il est question.Le Dharmakaya n'est ni permanent ni impermanent
Il s'agit là du niveau le plus grossier de la vacuité: l'existence dépendante par rapport à des causes et des conditions (prapyasamutpada), mais les deux niveaux plus subtils concernent aussi les phénomènes permanents, ils ne dépendent plus de causes et conditions mais d'autre chose: le tout par rapport à ses parties (apekshyasamutpada) et la dépendance par rapport à une désignation (pratityasamutpada). Bien qu'on entende souvent l'expression "production dépendante", il s'agit plutôt d'"existence dépendante".Il ne s'agit pas d'assimiler deux mots qui ne signifient pas la même chose mais de comprendre que cette expérience de la vacuité est ce qui montre que les phénomènes sont nécessairement impermanents. En effet, dès qu'un phénomène s'élève, sa vacuité s'élève de la même façon et c'est cela qu'on appelle impermanence. Pourquoi ? Parce que les phénomènes, étant vides par nature, sont par nature instables.
Cependant Nagarjuna avait été prophétisé par le Bouddha comme allant enseigner la vue ultime de celui-ci.C'est peut être une autre lecture que celle du Prasangika Madhyamaka mais le Prasangika Madhyamaka n'a pas été enseigné par le Bouddha historique.
Par contre, le Bouddha a bien enseigné que tous les composés (ou conditionnés) sont impermanents (sabbe samkhara anicca) et non pas tous les phénomènes. Par contre, il a bien dit que tous les phénomènes sont sans soi (sabbe dhamma anatta). Voir L'Enseignement du Bouddha de Walpola Rahula. Donc dire que tous les phénomènes sont impermanents (sabbe dhamma anicca) n'est pas l'enseignement du Bienheureux.
Justement, Nagarjuna et Chandrakirti sont considérés comme étant des Arya Bodhisattvas du 7ème bhumi (peut-être plus).Je dis que l'interprétation qui ne repose pas sur l'expérience de la vacuité est nécessairement erronée.
De plus, pour le Bouddhisme indo-tibétain, il existe deux types de cognition valide: non seulement la perception directe valide (pratyaksha pramana) mais aussi la cognition inférentielle valide (anumana pramana). Il n'est donc pas besoin de percevoir directement la vacuité pour avoir une cognition valide de celle-ci.
Par exemple, de nombreux Maîtres du passé ont pu démontrer qu'il n'existe aucune particule insécable et la Science actuelle a pu le montrer à son tour.
Chaleureusement

apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate
Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.
Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate
Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.
Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Le Dharmakaya ou un plat de carottes rappées sont identiques, chacun en tant que CELA qui entre dans la sphère du manifesté, du connaissable.
Qui dit connaissance, dit objet de connaissance, ainsi que caractéristiques propres à cet objet.
A la question "qu'est-ce que le Dharmakaya?" le maître zen répond par un koan du genre "quinze litres de vinaigre dans une jarre"
Par là il invite le disciple à réaliser l'unité entre l'objet et ses caractéristiques, car sa réponse est expression de l'abandon de ce qui fait exister l'un par l'autre, l'autre par l'un.

Qui dit connaissance, dit objet de connaissance, ainsi que caractéristiques propres à cet objet.
A la question "qu'est-ce que le Dharmakaya?" le maître zen répond par un koan du genre "quinze litres de vinaigre dans une jarre"
Par là il invite le disciple à réaliser l'unité entre l'objet et ses caractéristiques, car sa réponse est expression de l'abandon de ce qui fait exister l'un par l'autre, l'autre par l'un.
