Ce qui est quand meme étonnant, c'est qu'au départ, quand le bouddhisme est arrivé au Tibet, il s'est adapté en s'acculturant aux éléments déja présents sur place, c'est a dire le chamanisme Bon. Histoire qui est racontée sous la forme suivante, a savoir que Padmasambhava, aurait domestiqué et soumis les démons locaux, au lieu de les détruire.
Alors comment se ferait il qu'on serait incapable du meme mouvement d'adaptation par chez nous?
Perso, je n'ai pas collé au bouddhisme tibétain parce qu'il était surchargé, justement.
Du coup c'est le zen, direct et dépouillé, qui m'a causé.
Mais depuis plus de dix ans, ils ont choisi de mettre une couche formelle et ritualiste, pour avoir une légitimité "traditionnelle", autrement dit avoir vraiment l'air d'une religion qui se respecte...depuis l'ambiance relationnelle s'est refroidie, des attitudes rigides et formalistes se sont énormément répandues, avec aussi l'illusion de savoir des choses que d'autres ne savent pas, puisque ceux qui par exemple ne connaissent pas les rituels, croient que ceux qui les connaissent, savent aussi quelque chose "en plus", qui serait l'éveil.
Jack Kornfield avait débusqué, avec pertinence, ce truc qu'il appelle l'effet de halo : a savoir croire que quelqu'un qui maitrise un aspect, un élément, maitrise tous les autres, voire en sait plus sur tous les pans de l'existence.
Si on regarde bien, nous avons aussi des traditions qui ont des formes très semblables a des traditions comme le bouddhisme tantrique, notamment dans les façons de coder les rituels...et on retrouve ça de façon assez universelle chez pas mal de traditions ne faisant pas partie des religions "instituées", notamment toutes les traditions chamaniques.
Chez nous, ça s'est infiltré dans les traditions magiques héritées de la Kaballe...en lisant dessus, j'y ai trouvé des choses très similaires avec des rituels tibétains.
Notamment l'usage de formes-énergies, aussi de déités (des anges par chez nous, avec chacun son secteur de compétence, et ce qu'on trouve assez universellement, le rapport aux esprits des ancètres, aux esprits plus célestes, et des forces plus souterraines, ainsi que toujours redéfinir ses repères dans l'espace en invoquant les six directions, comprenant le ciel et la terre.
C'est a mon sens une façon de se resituer dans l'espace temps, en étant orienté par rapport aux grandes forces universelles qui nous gouvernent tous (le point où le soleil se lève, se couche, etc....
C'est une façon de se repositionner avec des repères qui sont aussi les memes pour tous, et donc de resituer chacun dans un ensemble avec les autres, comprenant la nature.
Certains en ont fait une magie très mentale, mais au final, on voit que bien des techniques thérapeutiques modernes, utilisent le meme genre de réorientation, de messages consistant a se visualiser dans une nature qui nous entoure, qui est pourvoyeuse de vie, autrement dit de se resituer dans un écosystème qui ne se limite pas au petit monde de notre pensée égocentrée.
Du coup, pas besoin de rejeter l'ego : il est relativisé, remis a sa juste échelle.
Après, l'on peut user d'un cadre en tant que règles, corpus d'enseignement, etc....certains ont parfois besoin plus de cadre qu''autre chose.
Mais je pense qu'au final, on doit aussi se débarasser du radeau qui permet d'aller sur l'autre rive : une fois qu'on a pigé tout ça, on n'a plus aucun besoin de s'attacher aux outils. On peut les respecter, mais si on n'en a pas besoin, point besoin de s'y attacher. On peut meme en arriver au point de créativité où l'on n'a plus aucun besoin des outils car on est capable de les recréer, d'en créer d'autres, de s'en passer, au point où l'on est vraiment libre avec la forme.
Je pense qu'au jour d'aujourd'hui, le besoin réel n'est pas de nouvelles institutions, mais de donner a tous des outils d'individuation. Si l'institution le pourvoit, OK...mais si ce n'est pas le cas, c'est une nouvelle aliénation.
L'institution, malheureusement , finit souvent par avoir une énergie autonome, qui est alimentée par le fait que ceux qui la composent lui donnent ce pouvoir en renonçant a etre complètement conscient de l'implication de leurs pensées, paroles, et actes, en donnant blanc seing a un système qui ne serait pas eux, alors qu'il en sont partie prenant responsable...d'une certaine manière, c'est trahir le message premier du Bouddha qui est de réaliser par soi meme cet éveil qui n'est autre que devenir et etre soi, et tacher de le rester, et témoigner tranquillement de cela
J'ai trouvé cet article très intéressant qui décrit vraiment ce que je ressens a ce propos, mais il est en anglais.
http://www.hsuyun.org/index.php/essays/ ... d-zen.html
Entre autres choses intéressantes, il dit ceci :
" A central hurdle for many people interested in Zen is the relationship between religion, namely Buddhism—which, like all religions, is fundamentally a social institution--and Chan, which is a purely spiritual practice, one we do alone regardless of whether we are with other people or secluded in solitude. It relies on nobody except ourselves to do it. Yes, someone needs to show us how to sit, how to breathe, how to direct the mind, what to expect during the beginning stages of practice, etc. Sometimes we also need guidance and pointers as we go along, but the work is all done by us and us alone. "
"Un obstacle central pour nombre de gens interessés par le zen, est la relation entre la religion, comme par exemple le bouddhisme, qui comme toutes religions, est fondamentalement une institution sociale, et le Chan , qui est purement une pratique spirituelle, quelque chose que nous faisons que nous soyions ou pas avec d'autres personnes ou retirés dans la solitude. Cela ne dépend de personne d'autre excepté nous memes pour faire cela.
Oui, quelqu'un a besoin qu'on lui montre comment s'asseoir, comment respirer, comment diriger son esprit, a quoi s'attendre pendant les premiers stades de la pratique, etc....Parfois nous avons aussi besoin d'etre guidés et d'indications sur comment avancer, mais le travail est complètement fait par nous memes et seulement nous memes."
Quand je poste sur Rinzai dans la rubrique zen, c'est pour montrer qu'un maitre reconnu comme traditionnel, il y a mille ans, était plus que clair dans le fait de pointer la non dépendance a tout système et de dénoncer ce fonctionnement au sein meme de la pratique, qu'on utilise la pratique pour en refaire une aliénation....et en fait, ce genre de type n'est pas vraiment anarchiste du tout : en fait c'est un vrai intégriste de la liberté sans condition coucou_3333 .....et je pense surtout qu'il a tellement pu voir combien on retourne facilement dans la prison de laquelle on prétend vouloir sortir, sauf qu'on choisit une prison dorée, encore plus subtile parce qu'on croit qu'on y est libre.
Or, les seules prisons dans lesquelles les détenus peuvent sortir de leurs cellules plus ou moins a leur guise, c'est celles pour les longues peines.
Longchen, on a bien trop idéalisé la figure du moine. Quand on les connait aux quotidiens, on regarde autrement.
J'ai un ami qui vit avec une japonaise...quand il a voulu l'amener au zen, elle était plus que réticente : au Japon, c'est assez mal perçu, comme un truc de conservateurs cléricaux. Comme quoi, les idées qu'on se fait...