Iskander a écrit :ted a écrit :Dans certaines histoires bouddhistes, des maîtres prennent l'apparence d'un être diminué, pour tester la compassion d'un disciple. Parait même que le Bouddha aurait été éveillé de tous temps et qu'il aurait simulé toute sa progression jusqu'à son éveil, pour montrer la Voie. ba11 Ca peut paraitre un peu naïf, mais ne faisons nous pas des choses semblables quand nous enseignons à un petit enfant ?
Le Bouddhisme est fameux pour sa capacité à adapter son enseignement au public auquel il s'adresse. D'un point de vue purement personnel, je préfère l'approche socratique, mais ce n'est pas à moi de décider.
Il me semble qu'on retrouve cette approche Socratique dans le Zen. Le maître renvoie le disciple à lui même. A ses propres interrogations. Mais est-ce que Socrate n'a pas accepté volontairement sa condamnation à mort, en sachant qu'une telle mort amplifierait la portée de ses enseignements ? N'était-ce pas alors un moyen habile de sa part ? Au sens où l'entend le Bouddhisme ?
Iskander a écrit :ted a écrit :Certaines pratiques dépendent des facultés mentales, c'est indéniable. Mais l'éveil lui, ne dépend pas d'elles. Pourquoi ? C'est très simple. Parce que l'éveil n'est pas une construction mentale. Ce n'est pas une acquisition. Peut-on dire que le ciel bleu dépend des nuages qui le cachent, même en partie ? Non. Le ciel bleu est là, qu'il y ait nuages ou pas. La pratique a pour objectif de chasser les nuages, pas de créer le ciel bleu.
Ok, mais dans ce cas pourquoi est-ce que les animaux ne peuvent-ils pas s'Éveiller? Qu'est ce qui leur manque, si ce n'est les capacités mentales des humains?
Il me semble qu'il va leur manquer simplement le désir de le faire. C'est à dire une prise de conscience de leur ignorance et une volonté de mettre fin à cette ignorance. (Quelqu'un d'autre peut confirmer ou corriger ?)
Les humains peuvent avoir cette
intense détermination que n'ont, ni les animaux (parce qu'ils sont préoccupés par leur survie), ni les dieux (parce qu'ils ne souffrent pas pour le moment).
D'ailleurs, certains humains, préoccupés par leur survie et assommés par leurs souffrances, ne recherchent pas non plus l'éveil. Ils sont comme des animaux.
De même que d'autres humains, satisfaits par une vie plaisante et heureuse, ne pratiquent guère non plus. Ils sont comme des dieux.
Iskander a écrit :ted a écrit :on ne travaille pas sur l'éveil. On ne construit pas l'éveil. L'éveil n'est pas une accumulation de compétences. Il n'est pas une accumulation de connaissances, ni de facultés mentales. Il n'y a rien à obtenir, rien à construire. Il est déjà là. Les pratiques ont pour objectif de nous alléger, de nous débarrasser de nos vues fausses. De nos raisonnements réducteurs. De briser un cycle. De chasser le voile des illusions. Les voiles affectifs d'abord, puis les voiles cognitifs ensuite. Il n'y a pas de "recherche d'éveil" dans cette pratique. Au mieux, une purification. Simplement, on enlève tout ce qui bouche la vue.
Mais dans ce cas, est-ce que la dégénérescence mentale ne serait pas au contraire un avantage, pour connaître l'Éveil (qui est toujours là): des lambeaux de notre mental partent en fumée, ça pourrait nous aider à écarter le voile... C'est un peu une extension de l'argument précédent...
Tout ce qui nous arrive peut être utilisé pour avancer sur la Voie, c'est vrai. Maintenant, si on envisage les choses d'un point de vue "technique", il me semble que la perturbation de la mémoire ne suffira pas à faire disparaitre les empreintes karmiques. Peut-être que les conditions "coopérantes" seront suspendues pendant quelques temps ? Mais à la prochaine rémission ou renaissance, je suppose que le karma va se manifester de nouveau ? Mais c'est vrai qu'une personne pourrait utiliser ce "répit" pour pratiquer et en tirer des bénéfices. Un peu comme une personne surmenée, menacée par une crise cardiaque, qui se casserait la jambe, et qui bénéficierait d'un repos forcé qui lui sauvera finalement la vie. Quand le corps nous abandonne, ça peut être une chance d'entrainer notre esprit.
Supposons qu'une personne soit rongée par la culpabilité d'un acte effectué par le passé. Elle se refuse le droit au bonheur. Ses méditations sont perturbées par le remords. On peut admettre qu'une amnésie temporaire la laissera libre de pacifier son esprit et de pratiquer de façon plus efficace. Hélas, les dégénerescences mentales, comme l'Alzheimer, s'accompagnent aussi de troubles de la motricité. Que devient la pratique bouddhiste dans ces conditions ?
Il y a 1 an, une personne de ma famille est décédée (Alzeihmer + cancer). Quelques mois avant la fin, elle ne reconnaissait plus personne, mais nous racontait son enfance, quand elle se baignait à la rivière. Elle nous restituait toute la joie spontanée de ce moment là. Elle riait, heureuse, en parlant des poissons argentés qui filaient dans l'eau. Du plaisir de plonger les pieds dans l'eau fraiche. Des taquineries des autres. On a fini par rire avec elle, de bon coeur. Tout en pleurant. Elle était clouée au lit, avec des couches. Incapable de coordonner ses mouvements.
Iskander a écrit :ted a écrit :En revanche, il y a des micros éveils. Comme des éclairs dans la nuit. Ceux là, on peut les entretenir, les cultiver, les attiser, en pratiquant constamment et régulièrement.
J'imagine que ces micro-éveils sont qualitativement différents de l'Éveil, puisque sinon l'irréversibilité dont tu parlais les rendrait permanents?
Oui. Bon. Alors, je ne sais pas trop bien ce que c'est.

Jean en parlerait mieux que moi. Un bouddhiste tibétain dirait peut être que les souffles se dissolvent dans le canal central, mais qu'on n'a pas stabilisé le processus ? En tout cas ça existe. Et il y a aussi un caractère d'irréversibilité, parce que ce sont des signes qui annoncent une progression sur le chemin. Même si on croit être retombé dans nos travers habituels, on diminue à chaque fois, un petit peu, la montagne de Karma.
Iskander a écrit :ted a écrit :Par ailleurs, seuls les états "conditionnés" sont impermanents (sabbe sankhara anicca). Mais, il existe un non-né, non-produit, non-créé.
Certes, mais:
1 - je ne comprends pas ce qu'est ce non-né, non-produit, non-créé
Le comprendre intimement, c'est s'éveiller... Donc, pas de soucis...
Iskander a écrit :2 - je ne suis pas sûr que les facultés mentales fassent partie de ce concept.
Le non-né est au delà des concepts. Il n'est ni ceci, ni cela, comme dit Jules.