WU-NIEN - l'Inconscient

[ardjopa]

l'Hokyo Zan Mai déjà mentionné :

" Nous devons pratiquer zazen avec la posture juste :
- menton rentré
- respiration juste
- pousser le ciel avec la tête et la terre avec les genoux
- tendre la nuque,
- tendre la colonne vertébrale
… et autres critères..."

Pour répondre à ton dernier message, ayant un temps pratiqué, à ma façon, ce genre de méditation (zazen tel qu'elle est décrite et autres points de vues), je n'encouragerai pas à pratiquer de cette façon, pour plusieurs raisons, et même si je reconnais aussi des choses bénéfiques dans ce texte) Pourquoi ? parceque c'est une forme "matérialiste et presque mécanique" de zazen, comme si le corps pouvait maitriser l'esprit, rien qu'en adoptant une posture (parfois rigide et peu naturelle, voir l'exemple du chêne et du roseau ); La posture physique a en effet souvent une influence sur l'esprit, je ne dis pas le contraire, il faut en prendre soin, et inversement, les deux s'influencent mutuellement, mais croire que c'est le corps qui va comme "éveiller l'esprit", comme si en compressant un morceau de terre on allait pouvoir en extraire une flamme, ça me semble une vision inversée et erronée ;
C'est la "posture de l'esprit" qui en premier lieu va influencer la posture physique, et non l'inverse, et cette posture physique, que ce soit zazen, assis, en marchant, allongé, dans toutes activités, se met en place naturellement, automatiquement quand la posture de l'esprit est juste, quand l'esprit est attentif et éveillé;
Mais prétendre que c'est le corps qui éveille l'esprit, c'est à mon sens une erreur (et dans ce cas les gens ou êtres incapables d'adopter cette posture particulière (au bouddhisme en plus), pour raisons diverses, santé, invalidité ou autres, ne pourraient pratiquer et réaliser), ce serait comme de dire que c'est le moteur qui fait fonctionner l'essence, alors que c'est l'essence qui fait fonctionner le moteur; Bien sûr il faut les deux, mais de mon point de vue, l'esprit précède le corps, et non l'inverse, autrement ce serait mettre la conséquence avant la cause, les effets avant leur origine, le torrent avant sa source

Take care !

[jules]

[ardjopa]

"Ce que vous ensevelissez, ce ne sera que mon corps."

[chakyam]

Voilà une discussion qui selon moi n'est aucunement bouddhiste dans la mesure où elle s'appuie sur une discrimination (séparation) entre la matière et l'esprit. C'est la vieille rhétorique, notamment occidentale, entre un esprit créateur (dieu) et la matière supposée être une prison de l'âme, elle-même immortelle et partie divine comme l'atman le serait du Brahman.

Le concept d'Anatman a en principe tranché la problématique et je vais tenter d'expliquer les raisons pour lesquelles la pratique Zazen est celle qui responsabilise celui qui la pratique en lui fournissant les « moyens habiles » et les outils susceptibles de permettre à l'Éveil de s'incarner en lui, réalisant ainsi sa véritable Nature.

Il n'est aucunement pertinent de chercher à établir une quelconque prédominance car à moins d'une croyance de type révélée rien ne nous y autorise. Les anciens mythes, y compris religieux, se sont efforcés d'expliquer le monde à partir de la crainte de l'inconnu ressentie par les hommes en magnifiant les forces de la nature qui leur apparaissaient gigantesques. Néanmoins ces mythes généraient une soumission absolue et l'interdiction d'y mettre fin d'autant qu'ils s'étaient personnalisés en Dieu créateur, unique et éternel, esprit pur dont dépendait le salut des hommes.

Le Bouddha a mis fin à cette dépendance en affirmant sa seule nature humaine et sa réalisation par son seul effort et son intelligence propre, l'homme étant son propre maître sans qu'il n'y ai de puissance qui siège au-dessus de lui. (Walpola Rahula – L'enseignement du bouddha)

Néanmoins l'ensemble de ces mythes s'inscrit dans un temps qui se déroule du passé vers le futur avec une promesse eschatologique paradisiaque ou nirvanesque dont une des caractéristiques essentielles est de toujours devoir l'attendre avant de l'atteindre. La pratique du bouddhisme et de zazen en particulier permet de modifier radicalement la perspective de l'Éveil en en proposant l'accès immédiat par un ré-équilibrage de nos fonctions mentales, cérébrales et spirituelles.

En effet, les différents mythes déjà mentionnés résultent du libre jeu desdites fonctions qui elles-mêmes résultent de l'évolution cosmique qu'elles manifestent, sauf qu'à l'origine des temps elles ne pouvaient être ce que ceux qui en acceptent l'augure veulent nous faire croire qu'elles étaient, c'est à dire pur esprit, tout simplement parce que les structures moléculaires (terme générique) de l'Univers n'étaient pas parvenues à un niveau de complexification suffisante pour leur permettre de le poser comme simple hypothèse.

Il a donc fallut l'Homme pour que se concrétise non seulement l'idée d'une évolution mais celle d'une création, divine tant qu'à faire, avec les déviances mentionnées plus haut. J'aurai tendance à considérer qu'arrivé à un certain niveau de complexité l'univers va générer une structure élaborée capable de l'auto-réfléchir tel que je l'ai suggéré le 11/01 à 16h10 et que la question de connaître qui de l'esprit, qui de la matière, est le/la première est totalement superfétatoire.

En ce qui me concerne, un corps sans esprit est impensable de même qu'un esprit sans corps. Par contre, ce que je sais pour le constater chaque jour, ce sont les dégâts fondamentaux occasionnés par mon imaginaire, mes affects, mes préférences, en clair mon cerveau frontal discriminant par fonction et définition que mon cerveau talamique et hypo-thalamique, en lien profond avec la Nature qui me constitue, permet de rééquilibrer l'ensemble de ma structure mentale et spirituelle

Par ailleurs, je vous rassure. Même les malades, les handicapés et autres... peuvent pratiquer zazen pour la simple raison que la déclaration des zennistes selon laquelle « le zen c'est zazen » c'est à dire en position assise est contredite par la pratique continue (Gyoji) qui implique que l'Hishiryo est possible partout. Cette décision de pratique continue est certes une décision d'ordre psychologique qui n'a strictement rien à voir, ni structurellement ni fonctionnellement avec l'Esprit... qui donc n'en est pas affecté.

Bonne soirée.

youpi_333

[jules]

De toutes façons, bien des maîtres s'accordent à dire qu'il est possible de pratiquer zazen sur une chaise.
Et je crois personnellement que si j'en venais à ne plus pouvoir bouger de mon lit, cela ne m'empêcherait pas de pratiquer l'un des points essentiels de la pratique de zazen, à savoir l'immobililité du corps.

[ardjopa]

De toutes façons, bien des maîtres s'accordent à dire qu'il est possible de pratiquer zazen sur une chaise.

Tout à fait, perso même si l'égo aime jouer aux légos conceptuels de l'esprit et du monde et détourne souvent l'esprit de sa réalité omniprésente, j'aime méditer à chaque instant, pas seulement assis en tailleur, mais en marchant, roulant, naviguant sur les mers virtuelles et réelles quand je peux !, mais l'assise naturelle, à l'indienne ou autre, est une base qui me semble importante pour beaucoup, ne serait-ce que pour pratiquer dans l'immobilité ce que l'on pratique ou essaye ensuite de pratiquer partout et tout le temps;
Même les dauphins peuvent méditer, ils ne peuvent faire le lotus, mais ils ont un esprit eux aussi

delphinus

[axiste]

Il ne s'agit pas d'opposer le corps et l'esprit, comme la science le fait avec le sujet et l'objet…l'union corps esprit est nécessaire , l'esprit et le corps ne sont pas des phénomènes séparés- même si trop souvent on l'oublie-, c'est cela qu'il faut réintégrer: d'où la méditation et pas seulement zazen, toutes les méditations et même des techniques comme le yoga, la biodanza ou la sophrologie permettent la réintégration de nos schémas corporaux, schémas un peu abimés par notre culture occidentale bien souvent…
La souffrance est dans cette séparation là …trop de gens déconnectés de leurs corps …après, débattre de l'esprit ou des consciences alaya ou vimala, des consciences cosmiques ou autres ou que sais-je….c'est peut-être un autre débat.
Pour bien fonctionner dans le monde et pour qu'il y ait une harmonie au sein de celui ci le corps doit être replacé à sa juste valeur. Viser le bonheur de tous, ce serait déjà bien. Et chacun peut y parvenir en se reliant au corps esprit.
Quant aux débats sur les postures, chacun y trouvera son contentement en fonction de ce qu'il est et de ce qui lui correspond et c'est tant mieux ainsi.
A quatre vingt ans ou sur une chaise, c'est parfait aussi, comme vous le dites et même pour les dauphins
C'est aussi le respect de ce que l'on est à l'instant - et comment l'on se sent-qui compte, pas la posture, même si tout est irréversiblement plus ou moins lié, chacun trouvera la position qui lui convient le mieux : la posture se trouve aussi en soi, même si suggérée par l'extérieur: les choses toujours reliées et souples... enfin, souhaitons le

[chakyam]

Axiste,

« Il ne s'agit pas d'opposer le corps et l'esprit, » dis-tu. J'en suis éminement d'accord mais quand je lis chez Ardjopa « ... de mon point de vue, l'esprit précède le corps, et non l'inverse... » je me dois de réagir tel que l'ai fait.

J'attire également ton attention sur cette phrase que tu écris « ...le corps doit être replacé à sa juste valeur... » Par qui ou quoi ? Nécessairement par l'esprit à qui, par ce simple fait, on donnera une prépondérance ponctuelle.

La rédaction qui me semblerait correspondre à la réalité que nous tentons de décrire par les mots adéquats qui lui correspondent serait de ce type :

«  le corps et l'esprit doivent être replacés à égalité de leur valeur propre et de leur relation »

Merci de vouloir bien reconsidérer ce point de vue.

[ardjopa]

Tout dépend encore une fois du sens que l'on donne aux mots, et pourquoi on emploi tel mot ou un autre;
Si on entend par "esprit" , la "conscience individuelle" ou "mental", alors de mon point de vue en effet, l'esprit et le corps sont liés et "un", en réalité; Et l'un ne peut exister sans l'autre;
Mais si on emploi le mot "esprit", en tant que "conscience universelle", ou "absolu", notre vraie nature ou réalité, alors de mon point de vue, l'esprit dont on parle ici ne dépend pas du corps pour exister, ni pour "être", quelquesoit la posture, l'etat, l'age, sa vie ou sa mort;
Dans ce dernier cas, "l'esprit" est aussi lié au corps, car cet "esprit" qui est tout, est aussi dans le corps, et dans l'univers entier,donc d'un certain point de vue, il est aussi en essence, le corps, le monde, toutes choses; La différence c'est que contrairement à "l'autre", l'esprit dans ce sens là, est libre, sans dépendance vis à vis du corps et du monde, n'est jamais né et ne mourra jamais

[ardjopa]

Allez, je vous écrit un passage parmi d'autres que j'aime assez; Bien sur ce n'est pas du "bouddhisme officiel", ni tout court, étant donné que Ramana maharshi était dans la spiritualité non-duelle du yoga indien entre autre, mais c'est toujours un point de vue interessant

"Réalisez votre pur Etre, seulement etre et non etre ceci ou cela, Soyez... et c'est la fin de l'ignorance; Cherchez à qui est l'ignorance.L'égo surgit lorsque vous sortez du sommeil.(...) Ne vous confondez pas avec le corps. Le corps est le résultat des pensées. Les pensées continueront à se dérouler mais vous n'en serez pas affecté. Vous n'étiez pas concerné par le corps quand vous dormiez; vous pouvez toujours demeurer ainsi.
Les actions en elles-memes n'entrainent aucune servitude/souffrance. La servitude résulte seulement de la fausse conception: "Je suis celui qui agit". Abandonnez ce genre d'idées et laissez le corps et les sens jouer leur role sans interférence de votre part."

Plus loin un passage HS que j'aime assez

"Les Upanishad et les écritures affirment que les etres humains ne sont que des animaux tant qu'ils ne sont pas réalisés. Peut-etre meme sont-ils pires."

delphinus