Adaptation de l’enseignement : une évidence

remind

En quoi l'enseignement pourrait-être dénaturé si ce n'est en sa pédagogie et ses concepts, qui in fine ne sont pas l'enseignement mais seulement sa présentation ?
Cathrine

remind a écrit :En quoi l'enseignement pourrait-être dénaturé si ce n'est en sa pédagogie et ses concepts, qui in fine ne sont pas l'enseignement mais seulement sa présentation ?
Je crois qu'il y a une mauvaise utilisation du mot " enseignement". Pour moi, enseignement désigne un contenu, pas une méthode.
Faut-il changer le Dharma/enseignement/ l'essence?? je dirais non.
Faut-il changer la méthode? Oui.
Pédagogie et concept ce n'est pas la même chose.
Lupka

Cathrine a écrit :
remind a écrit :En quoi l'enseignement pourrait-être dénaturé si ce n'est en sa pédagogie et ses concepts, qui in fine ne sont pas l'enseignement mais seulement sa présentation ?
Je crois qu'il y a une mauvaise utilisation du mot " enseignement". Pour moi, enseignement désigne un contenu, pas une méthode. .
jap_8

D'ou l'utilisation de méthodes différentes (cf: véhicules/yanas) mais l'enseignement (bouddhadarma) reste le même :mrgreen:
remind

Poussons les mots un peu plus loin.

A propos d'enseignement, de quel "contenu" peut-il bien s'agir si ce n'est de concepts, de pédagogie et de méthodes ?
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Flocon
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L'analogie avec l'enseignement des langues proposée par Cathrine me paraît utile pour réfléchir : pour ma part, j'enseigne le grec ancien. Si j'explique aux étudiants, à la place des règles de la déclinaison des noms en grec, celle des noms en allemand, et à la place de la syntaxe grecque, la syntaxe chinoise, que se passera-t-il pour eux, quand ils essaieront de lire un texte de Platon? :?: :lol:

Dans cet exemple, le contenu de l'enseignement, c'est la langue grecque ancienne. Qu'elle ne soit, comme toute langue humaine, qu'un système arbitraire de signes n'y change rien. J'aurai bien dénaturé l'enseignement du grec (et fait tort aux étudiants).

On peut prendre d'autres exemples : si j'assiste à un cours de cuisine pour apprendre à faire de la crème Chiboust, et que l'enseignant me donne la recette de la crème pâtissière, j'aurai été flouée, même si la crème pâtissière, c'est très bon. Je ne pourrai pas fabriquer de Saint-Honoré.

Vous voyez ce que je veux dire, Remind?
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Jean

Ou cela peut être l'accent qui est mis plus sur un concept qui existait déjà dans la voie traditionnelle que dans un autre qui était plus employé dans la voie traditionnelle

Exemple : Espace et vacuité. Mais l'ancien concept de vacuité (et toute l'explication qui va avec est toujours utilisé.

La genèse de la "nouvelle" approche pourrait être aussi étudiée : La "nouvelle" approche a-t- elle été crée ex-cathédra un beau matin ou bien a -telle été créée peu à peu par tâtonnements, au cours des interactions enseignant/étudiant? Cette nouvelle approche est-elle figée, est-elle devenu un nouveau dogme ou est-elle en évolution?

Qui dit tâtonnements dit aussi expériences. Des fois l'expérience fonctionne, des fois elle ne fonctionne pas. Des fois cela fonctionne pour certains et pas pour d'autres. Ce n'est pas une question d'intelligence ou de degré d'évolution spirituelle, cela peut être aussi une question de culture ou d'affinité.

Il y a des gens qui sont intellectuels, des gens qui sont intuitifs, des gens qui réagissent plus aux images, aux sensations, aux émotions, qu'aux raisonnements. Des gens qui sont plus à l'aise dans un enseignement structuré et progressif, d'autres qui ont besoin de l'enseignement correspondant à leur situation dans le moment présent. Il faut reconnaître que les les gens sont différents de soi-même, que soi-même on est pas la référence et l'étalon de l'humain normal. Heureusement!!!!

Peut-être faudrait-il aussi noter la différence dans certains cas entre l'enseignement public traditionnel et l'enseignement en entretien privé. En privé, un enseignant hyper traditionnel peut être surprenant. C'est l'une des raisons, je crois pour la quelle il est déconseillé de discuter enseignement privé avec d'autres étudiants, cela peut créer la confusion chez certains car l'enseignement reçu ne leur est pas du tout adapté et à nouveau, ni pour des raisons de degré d'intelligence ni pour des raison de niveau d'évolution spirituelle. Une relation privée avec un enseignant peut être plus intime, plus secrète que la relation avec sa propre mère.

Comme les concepts, de nouveau exemples, images, allégories, etc peuvent surgir. Des exemples tirées de l'utilisation d'ordinateur par exemple, ce qui n'empêche pas l'utilisation d'anciennes images traditionnelles. comme le ciel, la montagne, le verre d'eau boueux qui se décante etc...Mais à noter que l'exemple du travail de la terre, le jardinage extérieur, intérieur est toujours aussi utilisé autant pour des paysans Tibétains que pour des habitants des grandes villes occidentalisées.

La vie des 84 Maha Siddhas est aussi intéressante à lire à ce sujet.

Péma Chodron, avec tous les livres qu'elle a écrit est un autre exemple d'adaptation de l'enseignement traditionnel. Quelque fois l'adaptation de l'enseignement est juste une première marche qui a été créée pour faciliter l'accés à certaines personnes à l'enseignement traditionnel.
http://www.shambhala.com/be-grateful-to-everyone.html

L'utilisation de CD, DVD, d'internet n'est pas non plus traditionnel. Avant un vrai enseignement ne pouvait être que de bouche à oreille.

Un exemple surprenant : La pédagogie traditionnelle Gelougpa, la pédagogie de Lama Toubten Yéshé qui était Gelougpa et la pédagogie de Lama Zopa Rinpoché qui est aussi Gelougpa et qui était aussi son disciple. 3 pédagogies différentes.
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Flocon
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C'est vraiment une question difficile. Je suis globalement d'accord avec ce que vous écrivez, surtout sur le point de l'impossibilité de juger du résultat de l'enseignement de tel maître sur tel ou tel individu. On ne peut jamais savoir ce que ça donnera, évidemment.

Je ne peux pas avoir d'avis sur Péma Chödron, que je n'ai pas lue (désolée), donc je prends un autre exemple : quand Deshimaru employait la notion de "Dieu" pour parler de la nature de Bouddha à ses disciples français, s'agissait-il de sa part d'une adaptation de l'enseignement à des fins pédagogiques, ou d'une déformation du contenu du bouddhisme? A priori, on a l'impression que la seconde réponse est la bonne : il prenait incontestablement le risque de faire naître chez ses auditeurs ce que le bouddhisme appelle des "vues éternalistes", dans la mesure où Dieu est en général présenté comme éternel dans la culture judéo-chrétienne. C'est un trait qui m'a longtemps gênée personnellement, et une des raisons pour lesquelles les livres de Deshimaru me tombaient régulièrement des mains. Mais en approfondissant, j'en suis venue à penser que la première réponse était peut-être, au fond, plus exacte -peut-être aussi parce que ma propre conception de Dieu se modifiait... :lol: :shock: :oops: Mais c'est surtout parce qu'en faisant l'effort de prendre connaissance de l'enseignement de Deshimaru de façon un peu large, j'ai constaté qu'il déconstruisait totalement l'idée de Dieu en même temps qu'il employait le terme. ba11 :lol: En quoi il se situait clairement dans la perspective du Zen, du moins telle que je crois la comprendre.

Comme quoi, il est toujours très délicat de prendre position sur un enseignement précis : mais de manière plus générale, le fond du bouddhisme, à savoir les quatre sceaux, me paraît devoir, d'une manière ou d'une autre, subsister et demeurer discernable à travers toutes les méthodes pédagogiques, même les plus originales -comme c'est le cas pour moi avec Deshimaru. Sinon, on n'est plus dans du bouddhisme mais dans du syncrétisme. Ce qui n'a rien de mal en soi (le syncrétisme est une donnée majeure de l'histoire des religions, et c'est très bien comme ça) mais n'est pas sans conséquences : la crème pâtissière est délicieuse, mais elle ne permet pas de fabriquer des Saint Honorés... :lol: Une nouvelle langue greco-germano-chinoise pourra être un outil de création magnifique (et je montre parfois aux étudiants comment fabriquer des langues et jouer avec) : elle ne permettra pourtant jamais de lire Platon.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
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Kong Tseu
remind

Flocon a écrit : Vous voyez ce que je veux dire, Remind?
Non Flocon !

Nous ne nous plaçons pas au même niveau dans cet échange.

Le contenu ou l'essence -- un autre mot qu'a utilisé Cathrine -- d'un enseignement (allez employons les gros mots) spirituel, j'aime mieux traditionnel, n'est ni les mots, ni le langage, ni les concepts, ni les interprétations qui peuvent en être faites.

La caractéristique profonde de ce type d'Enseignement est justement d'être sans caractéristique, non-objectif, non-duel. On ne peut s'en saisir, le dénaturer, lui donner une quelconque valeur.

Donc l'Enseignement est sans contenu.

Après les maîtres se sont chargés d'en faire une transposition audible ou appréhendable, mais qui en aucun cas N'EST, selon ce qu'on a énoncé plus haut, l'Enseignement.

On peut s'en faire toutes sortes de représentations mais ce ne sera jamais l'enseignement. Les chants sacrés, la poésie, le souffle des textes pointent, transpirent de ce que c'est, mais sans l'être.

Voilà où je me place. Mais est-ce que cette position est compréhensible et peut avoir la moindre valeur ?
remind

...Crème pâtissière ou pas les Saints sont Honorés... :lol:
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Flocon
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remind a écrit :Voilà où je me place. Mais est-ce que cette position est compréhensible et peut avoir la moindre valeur ?
Oui, je comprends bien ce que vous voulez dire. Pour ce qui est de la valeur de votre position, je n'en suis pas juge (encore heureux :oops: ). :D
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Kong Tseu
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