Rapport entre les 4 nobles vérités et l'identité bouddhiste

ardjopa

Un chat est parfois plus "bouddhiste", que beaucoup de gens qui s'agitent dans les congrés, les monastères, les églises, les trones, les rues etc

Mais comment déterminer qui est réellement bouddhiste et ne l'est pas ?
Bien sur il y a le mot, il y a les textes, il y a les temples, et les sermonts, il y a l'habit parfois,
mais "l'esprit" lui ne se voit pas avec les yeux "du monde" ;-)
lausm

Iskander a écrit :Je pense que ce point de vue essentialiste n'est pas très utile, car alors on tombe souvent dans le travers de considerer qu'il n'y a pas de Chrétiens sur terre parce que aucune personne réelle ne peut vraiment suivre de façon parfaite tous les préceptes chrétiens.

Je préfère adopter la position pragmatique qui est de croire les gens lorsqu'ils disent qu'ils sont quelque chose, et de ensuite voir à quoi croient les gens qui disent être ceci ou cela.

Pour moi un assassin qui se déclare Chrétien sera pour moi un Chrétien, mais bon, un pauvre exemple de Chrétien.
Je crois que la position pragmatique d'un Shakyamuni n'était pas de croire quelqu'un quand il disait être ceci ou cela, mais de voir si ce qu'il dit est en adéquation avec ses actes.
Un assassin qui se dit chrétien, pour moi, se dit chrétien mais ne pratique pas le message du Christ, c'est aussi simple que ça.
Et c'est pareil pour le bouddhisme : quelqu'un qui pratique, même s'il ne croit pas ou n'a pas compris les quatre nobles vérités, sera plus en adéquations avec ce qu'a transmis le Bouddha que quelqu'un qui est capable d'en parler parce qu'il de la culture, mais qui ne pratique rien du reste.
Après, que soit utilisé le mot "vérité", il faut relativiser : ce n'est pas de l'arithmétique ni de l'algèbre, il faut relativiser les mots sinon on n'a pas fini de se prendre la tète avec eux!
Après, j'ai eu la chance de participer à un atelier où on avait, en groupe, étudié le texte des quatre vérités, on l'a donc épluché, et commenté à plusieurs : ce qui était bien, c'était de confronter la perception différente de chacun, la résonnance avec la vie concrète et réelle de chacun. A mon sens c'est ce genre d'investigation qui se passe à plusieurs et à partir du vécu de chacun, qui permet d'intégrer un enseignement un peu formel de façon vivante et réaliste dans notre monde, de voir le lien entre théorie et pratique. Du coup, plus qu'adhérer, on comprend en le reparcourant le cheminement de pensée qui a fait que le Bouddha a pu formuler ces choses. C'est très différent d'adhérer, ou de s'en tenir à une analyse intellectuelle. C'est une compréhension autre, plus globale et incarnée, et si je souscris aux quatre nobles vérités, en même temps ce n'est pas vraiment un problème pour moi.
Il faut prendre l'enseignement pour ce qu'il est : une aide à une pratique concrète, pas un absolu, une idéologie à laquelle adhérer. Le Bouddha n'aurait jamais voulu ça!
Iskander

lausm a écrit :Je crois que la position pragmatique d'un Shakyamuni n'était pas de croire quelqu'un quand il disait être ceci ou cela, mais de voir si ce qu'il dit est en adéquation avec ses actes.
Un assassin qui se dit chrétien, pour moi, se dit chrétien mais ne pratique pas le message du Christ, c'est aussi simple que ça.
Être bouddhiste est une question identitaire, et les questions d'identité sont toujours très complexes. Lorsqu'on parle d'identité, il faut toujours savoir de quel point de vue on parle, et avec quel but.

Dans l'exemple que je citais plus haut, je ne suis pas chrétien, et donc j'ai un point de vue externe sur l'identité chrétienne: Par rapport aux chrétiens, les questions de doctrine m'intéressent moins que l'influence des chrétiens en tant que groupe social dans la société dans laquelle je vis. Donc pour moi toute personne qui se dit chrétienne le sera, car elle s'identifie comme appartenant à ce groupe social.

Pour citer un autre exemple plus funeste, les nazis avaient des critères bien à eux pour décider qui était juif ou pas, des critères qui n'avaient rien à voir avec les croyances ou actions des individus. Beaucoup de gens qui ne s'intéressaient absolument pas à la religion juive sont mortes dans les camps, ou ont fini par émigrer en Israël.

Lorsqu'on parle d'un point de vue interne, les choses changent, mais ne deviennent pas plus simples, car les questions doctrinaires sont parfois irréductibles. Je me rappelle qu'un jour un malaisien chrétien m'a expliqué que les catholiques n'étaient pas chrétiens. J'imagine que le pape aurait été ravi d'apprendre cette nouvelle.

De même, en Irlande du Nord il y a des athées qui se déclarent catholiques, car la question religieuse est utilisée dans un but purement ethnique, et non pas théologique.

Bref, souvent on n'en sort pas, c'est pour ça que j'utilise ce critère pragmatique. Bien sûr il est inutilisable pour quelqu'un qui cherche de la guidance et éducation pour progresser dans sa pratique spirituelle et religieuse. Celui-là aura intérêt à être bien plus discriminant dans les personnes et mouvements qu'il choisi d'écouter. Et je pense que c'est ce cas qui est sous-entendu dans la question initiale de ce fil
ardjopa

Je rejoindrais plutot l'avis de lausm; Ce qui fait d'un individu un "être spirituel", bouddhiste ou autre", c'est plus "le coeur, l'esprit" que la lettre et le "contrat", ou l'adhésion formelle et superficielle à ses 'vérités' ou textes.

Pour reprendre un exemple que je connais un peu, j'étais revenu y a quelques semaines dans mon ancien dojo d'aikido;
Le prof a changé bien sûr, (quoi que je le connaissais déjà à l'époque le nouveau), mais est-ce que "l'esprit de l'aikido" est toujours présent ou non chez certains ? Est-ce le"ki" souffle sur les tatamis comme à l'époque de Morihei ueshiba ?
Il m'a d'ailleurs proposé de pratiquer un peu ce jour-là avec le groupe, même en tenue "normale" (sans les chaussures quand même) mais j'ai preferé les observer, certains très débutants, voir totalement, d'autres une meilleure maitrise
Bien sûr, pour se prévaloir du titre "d'aikidoka", officiellement il n'y a pas grand chose de difficile à faire : une adhésion annuelle au club ou groupe, un kimono (et hakama peut-être un jour) et on imite les techniques que l'enseignant nous montre et explique; Bref, quasiment n'importequi, peut devenir "aikidoka" de nos jours; Mais n'est pas aikidoka qui veut ;-)
Imiter ou suivre des idées, techniques, des principes, ok, mais "l'esprit" est-il là ? Lors d'un stage avec un prof venu du japon, il y a longtemps, pareil, j'y participais, mais il y avait "de tout", des gars "très techniques" mais sans "l'énergie", des gens moins forts techniquement ou physiquement, mais dont on ressentait "l'esprit" à travers la pratique;ce qui reste l'essentiel à mon sens, avec ou sans adhésion et connaissance du reste;

Finalement, c'est comme dans bien d'autres domaines, en voile par exemple :lol: , il y a trois principaux individus :

Les plaisanciers (du dimanche souvent) : ils ont la carte d'un club, ou pratiquent les week end, en faisant souvent des ronds dans l'eau (ce qui est respectable aussi) et en restant souvent sur les plans d'eau balisés, sans trop s'éloigner, ni affronter le large...
Les skippers (pros souvent) : ils ont une maitrise presque scientifique de la voile, connaissent par coeur "toutes les connaissances et techniques marines", mais ils n'ont pas toujours "le coeur" et la vision poètique de la mer et ne la connaissent finalement que derrière les filtres des codes de la société et de la "plaisance"
Et puis il y a les "marins" : ceux là n'ont souvent ni carte ou adhésion à un club ou aucune école, ni badge, ni "super connaissance technique", ils n'acceptent souvent même pas les "codes martimes internationaux" :lol: , un peu pirates parfois...,mais ils ont "l'amour de la mer" et de la liberté, et ils connaissent souvent bien mieux l'océan tel qu'il est, et ceux sont souvent eux qui vont le plus "loin",parfois très loin
Jean

Le professeur Chauchard, un des premiers neuropsychologues avait écrit : "La personne normale n'est pas celle qui prétend l'être mais celle qui essaye de l'être". Ne pas confondre avec le professeur Choron.

Une interprétation parmi d'autres : On peut considérer que le Bouddha est un être humain normal comme le papillon est l'aboutissement de l'évolution de la chenille et qu'un Bouddhiste, dans son état de chenille, est quelqu'un qui essaye d'optimiser son évolution pour arriver enfin à être un être humain normal.
Iskander

ardjopa, les trois catégories d'aikidokas ou de pratiquants de la voile n'entrent pas en contradiction avec ce que je dis. Dans l'exemple de la voile, "plaisanciers", "skippers" et "marins" pratiquent tous de la voile.

Que tu sois bouddhiste du dimanche, de coeur ou d'esprit, tu restes un bouddhiste. Maintenant à toi de voir qui tu choisiras pour en apprendre plus sur le Bouddhisme
ardjopa

Qui t'a dit que j'étais un "bon aikidoka" ou même "bouddhiste" officiel ?
Si je prétendais l'être, là ce serait de l'orgueuil et des préjugés,
Je dis au contraire, qu'un bouddhiste est selon moi simplement quelqu'un qui le met en pratique
Ce n'est pas un jugement de valeur pour ma part, étant donné que je suis simplement "moi" (ou pas !)
Et je ne me permets justement pas de me "qualifier" de bouddhiste, peut-être car j'ai aussi trop de
respect pour le bouddha ;)

Pour Iskander, mon choix est déjà fait depuis longtemps, et je préfère les marins ;-)
hoshin

je vous propose une réflexion sur ce thème. Etre bouddhiste c'est adhérer aux "4 nobles vérités" et ensuite s'inscrire dans les pratiques qui découle de ces 4 fondamentaux.
[...]
pour vérifier les dites vérités il te faut pratiquer ce qui te permet de les vérifier, hors dans les 4 nobles vérités, il y en a une qui te dis comment les vérifier c'est le noble octuple sentier. dans un tel cas de figure le serpent se mord la queue puisqu'on te dis voilà le problème (dukkha) et voila la solution (noble octuple sentier) on tourne littéralement en rond.
[...]
Mais la pratique, il faut bien la fonder sur quelque chose, et il me semble que ce sont les "nobles vérités" dans le cas du bouddhisme,
[...]
C'est tout à fait ça flocon, je suis absolument d'accord avec toi. Ce qui fonde "l'identité" d'un bouddhiste c'est en premier lieu son adhésion aux 4 nobles vérités, envisagé comme étant ce qui constitue la réalité, ensuite le bouddhiste met en pratique ou pas d'ailleurs ce qui découle des ses 4 fondamentaux.
Oui, en effet, on pourrait percevoir un problème logique où le serpent se mord la queue. Il y a des vérités, il ne faut pas les croire, mais il faut pratiquer la dernière (et donc y croire) pour pouvoir croire aux premières. On peut alors penser que l'on doit fonder sa pratique sur la croyance en la quatrième vérité (au moins), et donc désobéir au Bouddha qui nous demandait justement de ne pas croire aveuglément. Que comprendre?

Ce serpent ne se mord la queue qu'en apparence. A mon sens, la pratique se fonde, en premier lieu sur la rencontre décisive avec une première approche basique de l'enseignement du Bouddha. Approche basique au sens où on apprend, par le biais d'une lecture, d'une rencontre, où de l'audition d'une émission, par exemple, l'existence de cet enseignement et à quoi il est destiné. Décisive au sens où ce moment précis nous met en route, où on se dit "Tiens, c'est intéressant, je devrais peut-être essayer, cela pourrait m'être utile!"

Cette première rencontre fonde la pratique dans la mesure où elle met en place une première confiance, si faible soit elle, dans la méthode. C'est cette confiance, cette impression que cela peut être bénéfique pour nous, qui va nous mettre en mouvement et va nous faire pousser la porte d'un groupe de pratique.

De cette confiance superficielle, va naître un premier effort, celui de s'asseoir, de suspendre le doute septique pendant une heure, le temps nécessaire pour entendre les premières instructions de méditation et les mettre en pratique. L'effort sera tourné vers l'établissement de l'attention, attention au va et vient du souffle (au niveau des mouvements de l'abdomen ou du toucher de l'air au niveau des narines) et attention à tout objet prédominant pendant toute la durée de la méditation.

De l'attention va naître une augmentation de la concentration.

De la concentration va naître, spontanément, des expériences inhabituelles, qui vont aboutir à des premières compréhensions personnelles, expérimentales, intuitives, la sagesse.

Une fois terminée la première séance de méditation, le méditant va se remémorer son expérience, et la sagesse acquise, la compréhension, va lui permettre de transformer sa confiance superficielle en confiance fondée sur l'expérience. A partir de là, le doute septique devient un doute méthodique (on met en question l'enseignement du Bouddha, on le met méthodiquement en doute par la pratique pour voir s'il est vrai).

Petit à petit, nous serons nous même confrontés aux expériences qui vont faire spontanément émerger en nous la compréhension expérimentale des trois premières nobles vérités. Par voie de conséquence, la quatrième noble vérité sera réalisée. Cette compréhension est très superficielle, au départ, et s'approfondit de plus en plus au fur et à mesure de la pratique parce que la confiance renforcée va permettre l'émergence d'un effort renforcé et donc d'une attention plus soutenue, la concentration sera rendue plus forte, et donc les expériences seront plus subtiles, la compréhension deviendra plus profonde, renforçant encore la confiance et ainsi de suite.

Donc, un Bouddhiste est quelqu'un qui DOUTE méthodiquement du message du Bouddha mais qui se dit que son message, s'il est vrai, pourrait bien lui être utile. Un bouddhiste est quelqu'un qui PRATIQUE la méthode pour la vérifier et expérimenter par soi-même ce qu'il en est. L'adhésion aux quatre nobles vérités se fait a posteriori sur une base d'une COMPREHENSION EXPERIMENTALE découlant de cette pratique. L'adhésion aux quatre nobles vérités sur base d'une compréhension intellectuelle ou d'une confiance aveugle est à l'opposé du message du Bouddha dans la mesure où cela reste des concepts stériles vides de sens.
Un chat est parfois plus "bouddhiste", que beaucoup de gens qui s'agitent dans les congrés, les monastères, les églises, les trones, les rues etc
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Nous avions justement l'intention de créer une rubrique dans laquelle nous mettrons tout les points de vues personnels afin de ne pas créer de confusion dans l'esprit du néophyte et de bien distinguer l'enseignement tel qu'il est exposé et le point de vue personnel.

@ Hoshin : Lorsque tu parles du doute méthodique, s'agit-il d'une invention personnelle issue de ton expérience personnelle ou est-ce le fruit d'un enseignement dont la source peut être identifiée ? Le doute méthode me rappelle beaucoup plus la théorie de Descartes qu'un enseignement du Dhamma.
------------------------------------------------------------------------------ Image Sabba danam dhammadanam jinati - Le don du Dhamma surpasse tout autre don ImageDhammapada
kay

@ Hoshin
S'agit-il de ce qu'on appelle "l'esprit d'investigation" ?
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