Les souillures du coeur (Citta-klesehi)

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Flocon
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Mmm... C'est possible, j'ai toujours des doutes sur ces définitions négatives de la vacuité et du Nirvana (même si je connais et apprécie les textes dont elles sont tirées). Mais cela n'engage que moi. :D
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
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Dharmadhatu
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antodume a écrit :
Quand les souillures sont éteintes ou ne sont pas présentes c'est le Nibbana/Nirvana
Je répondrai, personnellement, que c'est selon la tradition bouddhique à laquelle on se réfère. Selon le Zen (donc, ma tradition), il ne peut exister de souillures que dans l'illusion d'un miroir à nettoyer. Or, toujours selon le Zen, il n'existe pas de miroir et, par conséquent, il n'y a rien à nettoyer. De fait, en se tenant dans son état naturel (encore faut-il le réaliser !!!), on est dans le "samadhi de Prajna", c'est à dire dans l'état sans atteintes, sans souillures, et en Sapience. Cela n'est pas pour autant synonyme de Nirvana car le Nirvana est, toujours pour le Zen, l'état correspondant à la "lumière noire comme laque" (Hakuin) du Dharmakaya, c'est à dire à l'état d'un miroir sans reflet, y compris de lui-même (le reflet du miroir dans lui-même est l'illusion - ou la croyance - en la réalité de l'esprit, au sens d'atman). Mais, toujours selon le Zen, dans cet état-là s'élèvent naturellement le jeu du mental (comme résidu karmique) et, selon le degré d'avancement du pratiquant, ce jeu peut encore l'atteindre ou non. Un être parfaitement éveillé, toujours au sens du Zen, est celui qui "passe la porte du Nirvana" (il ne reste donc pas sur le seuil) et, libre de souillures ou d'atteinte, "se rend au marché avec les mains secourables" (c'est un Nirmanakaya, l'émanation compatissante de la nature de Bouddha).

Donc, en clair, pour le Zen, il n'y a pas de souillures à nettoyer qui tiennent (ce qui ne signifie pas qu'on doive se comporter d'une manière anarchique) car la seule pratique qui soit correcte est de voir dans sa vraie nature (ou réaliser sa vraie nature = état naturel). Mais, bien que cette vue dans sa vraie nature est - en fait - la réalisation de l'état de Nirvana, le maintien dans l'état naturel nécessite une certaine maturité (ce qui s'exprime par les passages des "quatre portes du Connaître"). Ces passages ne consistant pas à nettoyer le miroir mais à se maintenir dans l'état naturel de façon définitive. Pour donner un exemple imagé : si on est à l'abri de la pluie dans sa maison (sens du refuge dans le Zen), il n'est pas nécessaire d'ouvrir un parapluie ; il faut juste veiller à ne pas quitter le refuge (sinon, évidemment, on se mouille). Mais, toujours dans la même métaphore, le passage de la porte du Nirvana consiste à aller se mouiller (pour aider les êtres sensibles à se réaliser) quand même car un vrai bodhisattva ne craint pas la pluie (il est son propre refuge).
jap_8 Merci Antodume pour cette présentation très claire du Zen. Très appréciable.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Subarys

La disparition des vues fausses n'entraîne pas automatiquement le développement des vues justes.
Sammàditthi (singulier)
Vue Juste
Je pense que le singulier n'est pas un hasard oiseau2julie

J'aime beaucoup le développement d'Antodume, moi aussi. Mais je serais curieux de savoir sa postiiton (ou le Zen) en ce qui concerne le conventionnel ? Particulièrement sur un "miroir" qui n'aurait pas besoin d'être nettoyé sous l'angle de l'ultime mais qui devrais l'être sous l'angle du conventionnel par exemple. Ce sont de simples questions je ne connais pas grand chose du Zen. Merci jap_8
antodume

Subaris a écrit :J'aime beaucoup le développement d'Antodume, moi aussi. Mais je serais curieux de savoir sa postiiton (ou le Zen) en ce qui concerne le conventionnel ? Particulièrement sur un "miroir" qui n'aurait pas besoin d'être nettoyé sous l'angle de l'ultime mais qui devrais l'être sous l'angle du conventionnel par exemple. Ce sont de simples questions je ne connais pas grand chose du Zen. Merci jap_8
Le Zen, depuis Huineng (6ème patriarche) ne reconnait pas de miroir à nettoyer. Mais, dans les faits (et là, attention, je ne parle que pour le Rinzaï et non pour le Sotô !) la pratique - a minima - consiste à réaliser qu'il n'y a pas de miroir. En d'autres termes, dans le Rinzaï, on ne part pas du postulat qu'il n'y a pas de miroir à nettoyer. On "force" l'élève à réaliser que c'est bien le cas et, pour cela, on lui donne des "kôans d'ouverture" à passer (Mu, le son d'une seule main, le visage d'avant la naissance...). Tant que les kôans d'ouverture ne sont pas passés, les pratiquants rinzaï sont considérés comme des ignorants (Rinzaï appelait ses moines "gnomes tondus") et, de fait, ils le sont. lls sont donc soumis aux mêmes règles éthiques que les autres, aux mêmes disciplines... sauf que les sutras ne sont pas étudiés ou analysés dans le détail (ils sont remplacés par les kôans qui reprennent des passages clés des sutras ou qui sont reformulés comme tels). Concernant la méditation, on pratique le sussokan (compte cyclique des respirations) qui est analogue à anapanasati. On est donc dans une pratique "ancienne" ou "traditionnelle", avec ses mêmes règles. Je précise quand même que le fait de considérer les moines comme des ignorants n'est pas une marque de mépris mais le constat d'un fait objectif qu'ils doivent invalider par la réalisation de leur vraie nature. On force donc l'élève à réagir contre son ignorance et à réaliser que ce pouvoir de réaction est, en réalité, le pouvoir de réalisation.
Subarys

antodume a écrit :
Subaris a écrit :J'aime beaucoup le développement d'Antodume, moi aussi. Mais je serais curieux de savoir sa postiiton (ou le Zen) en ce qui concerne le conventionnel ? Particulièrement sur un "miroir" qui n'aurait pas besoin d'être nettoyé sous l'angle de l'ultime mais qui devrais l'être sous l'angle du conventionnel par exemple. Ce sont de simples questions je ne connais pas grand chose du Zen. Merci jap_8
Le Zen, depuis Huineng (6ème patriarche) ne reconnait pas de miroir à nettoyer. Mais, dans les faits (et là, attention, je ne parle que pour le Rinzaï et non pour le Sotô !) la pratique - a minima - consiste à réaliser qu'il n'y a pas de miroir. En d'autres termes, dans le Rinzaï, on ne part pas du postulat qu'il n'y a pas de miroir à nettoyer. On "force" l'élève à réaliser que c'est bien le cas et, pour cela, on lui donne des "kôans d'ouverture" à passer (Mu, le son d'une seule main, le visage d'avant la naissance...). Tant que les kôans d'ouverture ne sont pas passés, les pratiquants rinzaï sont considérés comme des ignorants (Rinzaï appelait ses moines "gnomes tondus") et, de fait, ils le sont. lls sont donc soumis aux mêmes règles éthiques que les autres, aux mêmes disciplines... sauf que les sutras ne sont pas étudiés ou analysés dans le détail (ils sont remplacés par les kôans qui reprennent des passages clés des sutras ou qui sont reformulés comme tels). Concernant la méditation, on pratique le sussokan (compte cyclique des respirations) qui est analogue à anapanasati. On est donc dans une pratique "ancienne" ou "traditionnelle", avec ses mêmes règles. Je précise quand même que le fait de considérer les moines comme des ignorants n'est pas une marque de mépris mais le constat d'un fait objectif qu'ils doivent invalider par la réalisation de leur vraie nature. On force donc l'élève à réagir contre son ignorance et à réaliser que ce pouvoir de réaction est, en réalité, le pouvoir de réalisation.
Merci pour les précisions. C'est une approche intéressante !
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