Se servent du Bouddhisme

namgyal

@ lausm,
je vois que tu connais bien le dossier concernant l'AZI... shuuuuuuuuuuuuttttt
MAis quand j'entends certains dire que s'ils ne se font pas réordonner, ils ne pourront pratiquer au Japon, je me demande de quel dharma ils parlent, et si ils ont compris ce que Deshimaru signifiait quand il disait que le vrai zen était non pas dans un temple au Japon, mais ici, dans ce dojo. Cela ne veut pas dire qu'il faut cracher sur les temples au Japon, mais cela veut dire qu'il ne faut pas penser que lorsqu'on pratique, cette pratique ne vaut rien parce qu'elle est sans label, sans tampon, sans certification, sans personne qui la regarde.
Car en ce moment, bien des gens pratiquent en silence, mais ceux qui ont un pouvoir de représentation ne les regardent pas, trop occupés à se regarder eux-mêmes et à vérifier qu'on les regarde.

hélas oui...et ce point pose un sérieux problème à pas mal de pratiquant. Pour ma part, je trouve que la réponse de Philippe Coupey au problème ( Zen Road) est intéressante. :D
FleurDeLotus
lausm

Oui, je connais.
Mais même Philippe Coupey, reste sous le poids du truc, à mon avis il aurait mieux fait de quitter l'AZI.
Mais c'est bien le seul qui a retrouvé un codisciple de Deshimaru qui était disciple de Kodo Sawaki pour se faire certifier, contrairement à tous les shihos de la deuxième génération qui ont trouvé un ponte de la sotoshu pour ce faire.
Dans zen road, quand on lit ce qu'à dit en conférence ce gars-là, Kojun Kishigami, on voit que l'AZI a tellement les boules qu'ils font raser les murs à ceux à qui ils devraient proposer la chaire du maître...et c'est là qu'on voit les tractations qui doivent avoir lieu derrière le rideau avec les boss de la sotoshu shumucho.
J'ai pratiqué récemment avec quelqu'un, qui connaît de l'intérieur tout ce monde, et dont je ne citerai pas le nom ici pour ne pas causer de problèmes...ce qu'il raconte sur les tractations en cours est proprement hallucinant, malheureusement pas étonnant, mais chacun devrait se poser la question de ce à quoi l'argent qu'il verse pour pratiquer alimente, à quoi il donne son énergie.
Et en tous cas, dans l'AZI, le non dit règne grandement sur tout ce qu'il se passe derrière le rideau.
Mais c'est politique, enjeux de pouvoirs et d'argent, et la spiritualité là dedans??

Aux Etats Unis, ils ont avancé une vraie réflexion sur les dérives existantes, à cause de scandales qui ont eu lieu...chez nous, le déni est encore très fort, le clivage du discours manifeste : on n'aime pas que se posent ce genre de question, on veut avoir l'air propre. On a du boulot à faire si on veut que le bouddhisme avance.
Il y a un bouquin de Steven Heine sur l'état du bouddhisme en Occident qui m'intéresse. Mais c'est en anglais. Cet auteur a l'air très intéressant par rapport au zen.
Iskander

Et quelles solutions ont-ils trouvé à ces dérives aux EUA (s'ils en ont trouvé)?
lausm

Déjà d'en parler, de les penser, de mettre des mots dessus, de sortir du non dit, du non pensé.
Cela ne fait pas tout, mais c'est un pas qu'on devrait se permettre, car ici, quoi qu'on en dise, on aime beaucoup le féodalisme, la soumission à l'ordre, on parle de liberté et on la réclame, mais dès qu'on peut avoir quelqu'un qui pense à notre place, on le met là-haut et on l'adule au lieu de se tenir debout par soi-même.
Je l'ai vu dans un dojo dont j'ai été viré avec ma compagne. J'ai même vu une femme respectable, plus que cinquantenaire, nous accuser de l'avoir fait chier pendant trois ans, alors qu'elle n'était pas là pendant plus de trois mois et n'a pas assisté à l'émergence du conflit qui a abouti à notre exclusion...donc elle avait eu un seul son de cloche, celui de qui nous a viré...et trois mois après elle disait à quelqu'un de notre connaissance qu'elle n'avait pas compris pourquoi en fait on avait été exclus.
Ce genre de comportement moutonnier est effrayant, je ne dis pas cela parce que j'en était l'objet, mais parce que je pense que pratiquer dans un centre, et avoir un responsable et des pratiquants qui abondent dans ce genre de chose, est effarant en terme de compréhension du dharma de Bouddha à un niveau plus que basique : même les non pratiquants pensent que le bouddhisme c'est le dialogue, la compassion et l'ouverture.
Ce qui m'effraie c''est de voir des gens abdiquer du simple bon sens pour suivre quelqu'un qu'ils pensent leur maître. Ce genre de fonctionnement ont permis au nazisme d'en arriver aux excès qu'on a connu.
Mais même ici, dans ces colonnes, j'ai pu voir des réactions, quand j'ai parlé de notre histoire, qui montrent combien certains cautionnent des actes quasi anti démocratiques au nom du dharma, alors que ce n'est pas du bouddhisme, mais de la soumission à une hiérarchie, à une autorité aveugle.
Pratiquer la Voie, ce n'est pas rester aveugle.
Iskander

À ce niveau là je pense qu'il y aurait des leçons à tirer des Quakers, dont les communautés se réunissaient pour discuter en public, et ne prenaient de décision que par consensus. C'est à dire qu'il fallait que tout le monde soit d'accord. En ce sens, ils évitaient le non dit, comme tu le suggères, mais ils allaient aussi plus loin que la démocratie que tu évoques, et qui est la dictature de la majorité.

Il est à noter que dans ces congrégations les femmes étaient aussi présentes, et avaient aussi droit de parole. Je le dis parce que il y a quelques siècles c'était quelque chose d'unique et révolutionnaire.

Je crois que dans le contexte du Sangha, il faut bien distinguer la fonction d'enseignement du processus de la prise de décision. Mais pour cela il faut alors déterminer comment sont assurés des processus de décision (admission de membres, etc) qui sont jusque là assurés de façon informelle par le(s) "maître"(s), que je préfère appeler enseignant(s).

Personnellement, dans ma vision des choses c'est plutôt le Sangha qui invite des enseignants, plutôt que les enseignants qui acceptent des disciples.
Iskander

Pour continuer sur les dérives de ce genre de structures, je pense que la lecture de la guerre sainte du zen est des plus éclairantes (voir aussi une réaction).

Il est très clair que les structures très hiérarchiques, avec de fortes relations (p/m)aternalistes, où la loyauté joue un rôle plus grand que la réflexion et la détermination personnelle sont facilement le jouet de manœuvres de pouvoir. Je pense que par exemple le système de certification de maître à disciple est problématique, sans doute qu'une évaluation ouverte telle que pratiquée par les universités occidentales diminuerait les abus.

Pour éviter l'embrigadement, la censure et l'étouffement, je pense que des communautés avec des structures beaucoup plus horizontales est essentiel. Bien sûr, un des problèmes est que les gens eux même sont demandeurs de structure, d'une relation parent-enfant de remplacement (le fameux famille subie, famille choisie). Peut être que ce besoin et désir légitime pourrait être satisfait en reprenant le modèle du mentor occidental. Peut être que le mentorat pourrait remplacer la relation maître-disciple.
lausm

Tu poses une question à laquelle Flocon avait donné une réponse fort pertinente dans le forum Vues bouddhiques : à savoir que jusqu'à la révolution française, on avait en Occident un système de transmission du savoir cadré, genre maître à disciple (qu'on devait retrouver sur le plan intellectuel, de l'artisanat, etc etc...). Et qu'avec le siècle des Lumières est apparu la notion de l'individu autonome, une sorte d'égo totalement autonome qui n'a plus besoin que de se faire par lui-même. Désolé, je résume mal, mais c'était en gros l'idée comme je l'ai comprise.
Ce qui en fait se rapporte à ton mentorat...en fait on refuse toute idée d'autorité, et à côté de cela se développent des attitudes de soumission à l'ordre et à son maintien, qui manifestent une contradiction totale, qui n'est pas reconnue.
Donc n'étant pas reconnue, elle reste agissante en toute inconscience.
En fait, il faudrait voir à quoi les formes qu'on importe, notamment tout ce qu'on pense en terme de relation maître disciple, fait écho dans notre culture : quand on n'élucide pas ce à quoi cela s'adresse de notre histoire, notre civilisation, on copie colle une forme bètement, sans voir que dedans on y agit cette histoire non reconnue. Du coup on est dans la confusion, et c'est là que les abus peuvent naître. Il faut connaître son karma pour y mettre fin.
Dans "l'enseignement du Bouddha", de Walpola Rahula, il est raconté comment les moines theravada sont autorégulés socialement : si ils font les cons, les citoyens lambdas peuvent les dénoncer...etc...ce genre de trucs me semblent créer quelque chose de bien plus stable.
Mais, et je ne parle que du zen, on développe une vision très idéalisée du moine, en dehors du social (même si ce n'est plus le cas, merci Deshimaru, qui a eu bien raison d'effacer cette frontière). Mais cette frontière, est encore très présente dans nos inconscients. Et on en fait un statut spécial : à la limite, ce "titre" est lié avec la compétence d'enseignant-responsable de groupe de méditation-affilié à un maître et temple déterminé. Rôles à mon sens à défusionner.
Quand on sait comment marche le carriérisme écclésiastique au Japon, on ne peut que comprendre l'attitude qu'a eu un Deshimaru par rapport à l'institution...sauf qu'il a peut-être présumé de sa force, qui est grande. Mais il y a un grand grand ménage à faire.
J'attends le bouquin de Steven Heine sur le nouveau bouddhisme. Ce gars a vraiment l'air intéressant.
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