Le suicide comme une réponse à la souffrance ? (M. Attwood)

lausm

J'entends tous les points de vue, et aussi toutes les questions que ça soulève sur ce qu'est une vision canonique, ou pas.
Me concernant, effectivement, ma pratique du zen a commencé en meme temps que ma formation d'infirmier : la confrontation est directe avec ce qui relève de la souffrance, la maladie, la mort, et de la nécessité de trouver un espace, une respiration, d'un peu de félicité, pour pouvoir vivre avec tout ça sans en mourir de chagrin, sans trouver la vie vaine.

et quoiqu'il en soit, que ce soit un arahant ou tout ce qu'on veut, quelqu'un qui se suicide, se suicide, et cela laisse une trace karmique indéniable. alors certes, j'ai eu cette expérience par ma propre mere qui l'a fait, puis son frère dix ans après (et je l'ai appris allant faire une nuit de zazen, je me suis assis dessus au sens le plus propre et dharmique).
Et le fait est qu'avec le recul, et qu'ils ne soient pas des saints, quand meme ce que ça laisse aux vivants, n'est pas a mon sens positif, et si le positif est que ça m'a amené a la pratique, la souffrance que j'aie ressentie n'a rien eu de positif, j'en traine encore les boulets et les perçoit dans ma famille, et je prends ça comme quelque chose a transformer.
Pour moi, quelqu'un qui veut accélérer le processus car il considère qu'il est presque arrivé au but, il y a quand meme une fuite de la réalité.
Je pense qu'on touche la une grande différence entre theravada et mahayana, mais en fait il ne m'intéresse pas du tout de cherche ce qui diffère d'entre les approches : meme si je suis entré dans la pratique par le zen, je ne veux pas me réduire a un point de vue, la pratique qui m'intéresse c'est la pratique d'un etre humain, au dela des clivages entre zen, et autre chose, et meme au dela du bouddhisme.
Ted exprimait son ressenti d'un dogme, j'y vois une recherche de racine, d'ailleurs je trouve très intéressantes toutes ces sources que je ne connaissais pas. Mais comme je le cite souvent, Kodo Sawaki disait qu'il fallait réécrire les sutras.
C'est comme ça que je sens les choses : est-ce que mon expérience de soignant, d'etre humain, est séparée de mon expérience dharmique?
Je ne crois pas, et en ce sens c'est ainsi que j'ai compris le zen.
Donc pour moi il n'est pas un problème que Dhammadanam ne voit pas les choses comme moi, ce qui m'intéresse c'est justement de comprendre comment il les voit, et qu'il écoute mon point de vue, ce qu'il a demandé, et dès lors qu'on s'écoute mutuellement, je pense que la on entre vraiment dans le processus dharmique tel que le Bouddha l'aurait souhaité : on cherche, on travaille notre conscience.
J'en suis d'autant plus heureux que j'ai vu suffisamment de chicanes au nom de ce qu'est le bouddhisme canonique, mais en tant que pratiquant du zen, le bouddhisme canonique est la confrontation a la réalité telle qu'elle est, et travailler dans cela, par cela, avec cela. Les textes n'étant pas a rejeter, mais pas a devenir un objet d'adhésion mentale, sinon c'est encore s'attacher.
Mais je ne rejette pas la source.
Simplement, je pense qu'on doit tirer les conséquences des changements de points de vue sociaux, de l'histoire.
et en ce qui me concerne, jamais je ne trancherais un chat en deux avec un sabre, ni ne mettrai ma main au feu en hommage a ma mère morte, comme l''on fait Tsu Yun et Nansen.
Un jour, un nonne s'est tranché l'extrémité de la phalange du petit doigt pour convaincre Kodo Sawaki d'etre son maitre, alors qu'il refusait : je pense qu'on peut faire autrement, qu'on doit inviter a faire autrement, car les temps ont changé.
Et de décrypter de ce qui relève d'un usage social, et de ce qui relève de l'essence du Dharma, et peut etre que 2600 ans après on a toujours une critique, constructive, a en faire.
Il me semble que chez les orientaux, la frontière entre détachement du corps, et rejet de l'existence, est ténue, témoin l'usage du seppuku chez les japonais : le discours sur l'impermanence a eu un certain succès au Japon...de la a en faire un dogme, le pas est vite franchi.
Donc je pense qu'on ne peche pas contre le dharma a oser une remise en cause de ce qui est cité, écrit.

Je n'ai aucunement dit que les disciples qui ont fait cela n'étaient pas des arahants. Je ne pense pas cela, je pense que leur réalisation était réelle, mais que se tuer était une petite faiblesse de fin de parcours, et qu'on peut peut etre le reconnaitre en tant que tel, et les voir dans leur humanité aussi, et pas comme des etres hors de notre portée... et je suppose que c'était difficile a accepter pour ceux qui voulaient des images idéales.
Pour ma part, je pense qu'il est plus courageux d'oser affronter la fin de vie telle qu'elle est sans fuir ce qui vient.
Et ma petite expérience de vie m'a montré que, lorsque j'ai du assumer des fins de vie dans mon travail, jamais je n'ai eu a gèrer quelque chose qui ne soit au dela de mes capacités. Comme pour me montrer qu'en fin de compte, c'est l'image de la mort qui nous fait plus souffrir que sa réalité réelle. J'ose juste espérer qu'il en sera de meme quand mon heure viendra.

POur cela que vouloir arriver plus vite au terme, me semble meme presque hérétique du point de vue du fait que le dharma n'est ni éternaliste ni nihiliste.
Car vouloir arriver plus vite, signifie qu'on espère encore quelque chose, donc qu'on est attaché a un bonheur a venir, qu'on se projette plus loin que cet ici et maintenant.
et si on croit que ça ne cesse pas, alors pourquoi vouloir aller plus vite que la musique??

Enfin, tout ça c'est ma compréhension actuelle.

En tous cas, merci pour les contributions de cette file que je trouve très enrichissante, et la qualité du dialogue donnée par tous.
Katly

Il y a une circonstance dans laquelle on est amené à mourir, qui est acceptée, mais non-volontaire, comme ce qu'à évoqué Jean.
Suicide et sacrifice ce n'est pas la même chose. Un suicide peut-être déguisé en sacrifice.
Je considère par exemple l'immolation comme un acte volontaire, suicidaire et désespéré. De même des mises à mort style samouraï. C'est impressionnant, cela paraît haut et beau, mais c'est un suicide. Je passe sur les suicides non aboutis qui sont aussi horribles.
Pour les mutilations, la nonne Chyo-ni, je crois s'était brûlé le visage avec un poêle.
L'acte volontaire de tuer ( même l'euthanasie ) de se tuer sont contraires au précepte. Alors après, on va dire que seul un arahant peut enfreindre un précepte, qu'il ne faut pas bêtement s'attacher au précepte comme une pratiquante lambda dévote et niaise. J'ai connu un suicide dans mon entourage aussi, et c'est pas un truc personnel, émotionnel, "passionné" qui vient teinter ça, c'est un avis sérieux et serein.
Donc, tout ça, c'est pas clair pour moi. Mais merci pour le questionnement de ce fil.
Merci de faire la nuance Lausm. jap_8
Katly

En tous cas, ce n'est certainement pas une réponse à la souffrance.
Sinon je l'aurais fait depuis longtemps avec tout ce que je trimballe de souffrance.
Simple pratiquante, je laisse faire le cours naturel de la vie et de la mort, une vie pour s'éveiller c'est pas rien.
lausm

Un jour, je me suis dis que si je devais me suicider, autant suicider mon ego sur le zafu face au mur.
Mais meme ce point de vue la a des limites : a moment donné on se rend compte qu'il n'y a rien a suicider, car c'est encore se battre avec soi meme, mais qu'il y a juste un bonhomme (ou une femme) qui respire sur un coussin, et qui en arrive a oublier tout, son nom, le pourquoi du comment, et a pouvoir vivre quand meme sans justification.
Pouvoir se rendre compte qu'on peut vivre sans justification, c'est, je pense, une sacrée graine pour prévenir le suicide.
Ces deux dernières année, j'ai eu souvent des pensées de mort, et ça m'arrive plus rarement, mais ça m'arrive encore.
et je sais que ça vient du fait que je n'écoute pas mon aspiration profonde, que je me subis au lieu de me vivre. Mais bon, j'en suis la, et malgré tout ce que j'ai pu comprendre par la pratique, je suis confronté avec cette impuissance, je me vois ainsi et je ne fais rien pour que ça change. En fait si, mais je suis confronté au non amour de moi meme.
Je pense qu'on peut etre mort en étant vivant, mais pour autant, je crois que risquer la vie est le plus terrible suicide pour son ego, bien plus terrible que de se faire harakiri ou s'immoler par le feu pour des raisons idéologiques.
Risquer de vivre est un bien plus grand courage que de celui de se faire mourir, peut etre c'est parfois une épreuve bien plus dure. Qu'il faut oser.
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cgigi2
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lausm dit:
Ces deux dernières année, j'ai eu souvent des pensées de mort, et ça m'arrive plus rarement, mais ça m'arrive encore.
gigi dit:
Penser à la mort est la même chose que de penser à la vie,
les deux ne sont qu'un seul et même phénomène
Pourquoi désunir ce qui est si parfaitement uni

avec metta
gigi
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Ici et Maintenant pleine attention à la pleine conscience
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